Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...C...et Mme E...A...épouse C...ont demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à leur verser les sommes de 4 750 euros en réparation des préjudices subis par M. H...A..., de 10 000 euros et de 10 491,04 euros en réparation de leurs préjudices propres et en remboursement des frais d'obsèques, consécutivement à l'hospitalisation de M. H...A...à l'hôpital Sainte-Périne-Rossini-Chardon-Lagache du 18 septembre au 2 octobre 2007 et, d'autre part, de les décharger de la somme de 2 576 euros correspondant au forfait journalier dû pour l'hospitalisation de M. H...A...du 2 octobre 2007 au 17 mars 2008 dans ce même l'hôpital.
Par un jugement n° 1122969/6-3 du 30 avril 2014, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, mis hors de cause l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, d'autre part, rejeté la demande de M. et Mme C... ainsi que les conclusions du Régime social des indépendants Ile-de-France Centre et, enfin, mis à la charge de M. C...les frais d'expertise fixés à la somme de 1 762 euros.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 25 juin et 17 juillet 2014, 28 juillet 2015, 8 et 26 janvier 2016, M. C...et Mme A... épouseC..., représentés par Me G..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1122969/6-3 du 30 avril 2014 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) à titre principal, de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à leur verser la somme de 36 393,33 euros en leur qualité d'ayants droit de M. A...en réparation des préjudices subis par ce dernier résultant de son hospitalisation du 19 septembre 2007 au 17 mars 2008 et la somme de 20 491,04 euros en réparation de leur préjudice moral et au titre des frais d'obsèques ;
3°) de les décharger, en leur qualité d'ayants droit, du forfait journalier à concurrence de la somme de 2 576 euros TTC pour la période d'hospitalisation de M. A...comprise entre le 2 octobre 2007 et le 17 mars 2008 au sein de l'unité Chopin de l'hôpital Perrine-Rossini-Chardon- Lagache ;
4°) à titre subsidiaire, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à les indemniser des préjudices subis en leur qualité d'ayants droit de M.A... ;
5°) de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative outre les frais d'expertise et les entiers dépens.
Ils soutiennent que :
S'agissant de la responsabilité de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris :
- M. A...n'a fait l'objet d'aucune surveillance particulière à partir de son transfert à l'hôpital Perrine-Rossini-Chardon-Lagache, alors même que du fait de son âge, ce dernier était exposé à des risques de chute ; l'absence de fonctionnement du bandeau lumineux dans la chambre qu'occupait M. A...et de mise à disposition d'un urinal révèlent un défaut dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier, qui est à l'origine de la chute dont M. A...a été la victime dans la nuit du 18 au 19 septembre 2007 ;
- M. A...a été victime d'un oedème pulmonaire mineur, le 21 septembre 2007, à la suite de l'arrêt de son traitement au Lasilix décidé par le médecin responsable du service hospitalier ;
- le diagnostic d'une fracture du col du fémur n'a été posé que le 26 septembre 2007, lors d'une radiographie, alors que M. A...s'était plaint de douleurs persistantes qui auraient dû entraîner la prescription rapide d'une radiographie ;
- la période d'hospitalisation de six mois consécutive à la chute de M.A..., qui trouve son origine dans les fautes de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris , est également à l'origine des nombreux préjudices corporels dès lors qu'elle a entraîné un délitement musculaire, l'apparition de graves escarres, la fracture du second col du fémur et la contraction de germes à l'origine d'une troisième intervention chirurgicale de retrait de la prothèse ;
S'agissant de la décharge du forfait hospitalier :
- compte tenu des fautes commises par le service public hospitalier, les requérants doivent être déchargés de la somme de 2 576 euros TTC correspondant au forfait journalier ;
S'agissant de l'indemnisation par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales :
- l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales doit, sur le fondement du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, les indemniser des conséquences dommageables résultant de l'infection nosocomiale ayant contribué au décès de M.A....
Par des mémoires, enregistrés le 9 septembre 2014, le 18 février 2015, le 22 janvier 2016 et 29 janvier 2016, le Régime social des indépendants Ile-de-France, représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et/ou l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser, d'une part, la somme de 215 726,63 euros en remboursement des prestations en nature prises en charge avec intérêts de droit à compter de la date de sa première demande en justice sous réserve des prestations qui pourraient être versées ultérieurement et capitalisation en application de l'article 1154 du code civil ;
2°) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et/ou l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
3°) de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et/ou de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de 1 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que les fautes commises par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris dans la surveillance de M. A...sont à l'origine de la chute de ce dernier et qu'en conséquence il a droit aux remboursement des prestations en nature qu'il a prises en charge pour le compte de l'assuré et à l'indemnité de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 décembre 2014, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Mes Saumon et Roquelle-Meyer, conclut au rejet de la requête et à ce que les dépens soient mis à la charge de M. et MmeC....
Il soutient que le décès de M. A...n'est pas imputable à une infection nosocomiale mais aux fautes commises lors de son hospitalisation et qui engagent la responsabilité de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2016, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, représenté par MeF..., conclut au rejet de la requête de M. et Mme C...et des conclusions présentées par le Régime social des indépendants Ile-de-France et, à titre subsidiaire, à ce que le montant des demandes soit ramené à de plus justes proportions.
Il soutient que les moyens présentés par M. et Mme C...et le Régime social des indépendants Ile-de-France ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2016, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Mes Saumon et Roquelle-Meyer, conclut aux mêmes fins que précédemment et, en outre, au rejet des conclusions du Régime social des indépendants Ile-de-France.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code civil, notamment son article 1154 ;
- l'arrêté du 21 décembre 2015 relatif aux montant de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,
- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,
- et les observations de Me Bijoui-Cattan, avocat de M. D...C...et Mme E...A...épouseC....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., né le 25 août 1914, après avoir été hospitalisé à l'hôpital Ambroise Paré à la suite d'une chute consécutive à un malaise qui est survenu à son domicile le 30 août 2007, a été transféré le 18 septembre suivant à l'hôpital Sainte-Périne-Rossini-Chardon-Lagache pour une convalescence et une rééducation fonctionnelle de la hanche gauche sans fracture. Dans la nuit du 18 au 19 septembre 2007, l'intéressé a été victime d'une chute dans le couloir alors qu'il essayait de se rendre aux toilettes. L'examen radiographique qu'il a subi le 26 septembre suivant ayant révélé une fracture sous-trochantérienne droite, l'intéressé a subi une intervention chirurgicale réalisée à l'hôpital Ambroise Paré où il avait été transféré. M. A...sera réadmis à l'hôpital Sainte-Périne-Rossini-Chardon-Lagache pour un suivi post-opératoire. De retour à son domicile, le 17 mars 2008, il est victime de nombreuses chutes qui entraîneront sa réadmission le 31 mars 2008 à l'hôpital Sainte-Périne-Rossini-Chardon-Lagache. Lors de cette nouvelle période d'hospitalisation, M. A...a chuté à plusieurs reprises, notamment, au cours du mois d'avril 2008. L'intéressé qui se plaint de douleurs de la hanche est transféré, une nouvelle fois, à l'hôpital Ambroise Paré en raison d'une fracture per-trochantérienne gauche déplacée diagnostiquée le 8 juin 2008. Deux jours plus tard, une intervention chirurgicale est pratiquée avec mise en place d'un clou. L'évolution de l'état du patient est compliquée par une infection du site opératoire, un staphylocoque doré, ayant entraîné une synovite et ayant nécessité une nouvelle intervention, le 24 juin 2008, au cours de laquelle il est notamment procédé à une ablation du clou. Un traitement antibiotique est prodigué à M.A..., cependant son état de santé se détériore progressivement et, le 19 juillet 2008, M. A...décède dans un contexte de défaillance polyviscérale.
2. Par un jugement du 30 avril 2014, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, mis hors de cause l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et, d'autre part, rejeté la demande de M. D...C...et Mme E...A...épouse C...tendant à la condamnation de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP). M. et Mme C...relèvent régulièrement appel dudit jugement.
I - Sur les conclusions d'appel principal présentées par M. et MmeC... :
A - En ce qui concerne la responsabilité de l'AP-HP :
S'agissant de l'organisation et du fonctionnement du service public hospitalier :
3. Il résulte de l'instruction et, plus particulièrement, du rapport de l'expert, qu'antérieurement à son hospitalisation à l'hôpital Ambroise Paré, laquelle est intervenue le 1er septembre 2007 M. A...était cohérent, continent, allait seul aux sanitaires et se déplaçait à l'aide d'une canne. L'expert indique également, au vu d'un compte-rendu médical établi le 18 septembre 2007 par le docteur Moulias de l'hôpital Ambroise Paré, corroboré par un courrier du docteur Maruani du 26 septembre 2007, que " l'évolution a été marquée par une amélioration progressive des douleurs avec reprise de la marche ". En dehors de ces indications, il ne résulte pas de l'instruction que l'attention de l'équipe médicale de l'hôpital Sainte-Périne-Rossini-Chardon-Lagache, où M. A...a été transféré le 18 septembre 2007, ait été attirée par des recommandations quant à une attention ou une surveillance particulières dont aurait dû faire l'objet M. A...compte tenu de son âge, de ses antécédents et de son état de santé. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que le défaut de mise en place des barrières sur le lit qu'occupait M. A...soit constitutif d'une faute du service hospitalier. En effet, d'une part, aucune obligation ne pesait en ce sens sur l'hôpital, et, d'autre part, la pose de telles barrières ne présente guère d'efficacité dès lors, qu'aux termes du rapport de l'expert : " en général, un patient qui veut se lever passe au-dessus des barrières, ce que M. A...a fait au moins une fois ". Les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à invoquer une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier du fait de l'absence d'une surveillance particulière et de la mise en place de barrières sur le lit occupé par M. A....
4. En revanche, il résulte également de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que l'absence de mise à disposition de M. A...d'un urinal, qu'il avait réclamé en lieu et place de la couche dont il avait été muni, est susceptible d'engager la responsabilité du centre hospitalier. En effet, d'une part, ainsi que le souligne l'expert dans son rapport, le fait d'imposer le port de couches sans nécessité physiologique constitue une maltraitance et, d'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que la mise à la disposition d'un urinal aurait été contre-indiquée ou qu'un tel matériel aurait été indisponible. Ainsi, l'absence d'urinal a contraint M.A..., dont le cordon d'appel et le bandeau lumineux de la chambre qu'il occupait étaient défectueux, à se lever nuitamment dans une chambre mal éclairée pour se rendre seul aux toilettes, déplacement qui l'a exposé à la chute dont il a été la victime. Dans les circonstances de l'espèce, la perte de chance de M. A...d'éviter la chute dont il a été la victime du fait de l'absence de mise à disposition d'un urinal doit être fixée à 50%.
S'agissant des actes de diagnostic et de soins :
5. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. ".
La prescription tardive d'une radiographie de la hanche :
6. Il résulte de l'instruction que si à la suite de sa chute, M. A...a fait l'objet d'examens cliniques, il n'a pas été décidé de procédé à une radiographie de la hanche. Ce n'est que le 26 septembre, soit une semaine après la survenance de la chute, alors que M. A...s'était plaint de douleurs récurrentes, qu'une radiographie sera pratiquée en présence notamment d'un oedème et d'un hématome extrêmement marqués à la cuisse droite, signes qui faisaient fortement suspecter une fracture sous-jacente. Le rapport d'inspection diligenté par le médecin inspecteur de la santé publique sur les modalités de prise en charge de M. A... à l'hôpital Sainte Périne conclut que l'essentiel de ce retard est imputable à un dysfonctionnement dans la transformation de l'information et son interprétation, une interprétation inadaptée d'une douleur forte, des perturbations dans le fonctionnement du service et la difficulté de communiquer avec le patient du fait de sa mauvaise maîtrise de la langue française. Toutefois, ainsi que le mentionne le rapport d'expertise " quand un patient ayant fait une chute se plaint de douleurs intenses d'une hanche, la moindre des choses est de faire une radiographie du bassin ". Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le retard à pratiquer une radiographie constitue une faute de diagnostic de nature à engager la responsabilité de l'AP-HP.
Le traitement des autres pathologies dont souffrait M.A... :
7. Il ne résulte pas de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que les autres pathologies, notamment l'insuffisance cardiaque, dont souffrait M. A...n'ont pas fait l'objet d'une prise en charge adaptée. En particulier, il n'est pas établi, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, que l'arrêt du traitement au lasilix dont M. A... faisait l'objet a été à l'origine, le 21 septembre 2007, de la survenance d'un oedème pulmonaire mineur.
B - En ce qui concerne l'indemnisation au titre de la solidarité nationale des conséquences de l'infection nosocomiale contractée par M.A... :
8. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / [...] ". Aux termes de l'article L. 1142-1-1 du même code : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : / 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ; / [...] ".
9. Il résulte de l'instruction et plus particulièrement, du rapport d'expertise, que M. A...a, le 8 juin 2008, fait une chute ayant engendré une fracture per-trochantérienne gauche ostéosynthétisée par un clou gamma lors de l'intervention chirurgicale réalisée deux jours plus tard, soit le 10 juin 2008. Si l'expert indique que " L'indication opératoire et la technique utilisée [ont été] conformes aux règles de l'art ", il précise, toutefois, que les suites opératoires ont été compliquées d'une infection du site opératoire à staphylocoque doré, soit une infection nosocomiale, notée dès le 23 juin 2008. Après analyse bactériologique du germe confirmant sa nature, M. A...a été placé sous antibiothérapie. Le 24 juin 2008, il a subi une nouvelle intervention chirurgicale pour enlever le clou gamma suivie d'une résection de la hanche ainsi qu'une synovectomie articulaire. Ainsi qu'il résulte du rapport d'expertise, la prise en charge post-opératoire de M. A...a été conforme aux règles de l'art. L'expert note enfin que M. A...est décédé, le 19 juillet 2008, par défaillance polyviscérale.
10. Il résulte également de l'instruction et, notamment, de l'évaluation du docteur Cudennec du 3 juillet 2008, que l'antibiothérapie produisait des effets. D'une part, il a noté l'existence d'un " bénéfice espéré de la poursuite de cette antibiothérapie ". D'autre part, il a fait mention de ce qu'elle devait être poursuivie de la façon la plus efficace. Par suite, en l'absence de toute indication sur l'inefficacité de ce traitement en raison, notamment, d'une résistance du staphylocoque doré à l'antibiothérapie, l'infection nosocomiale contractée dans les suites opératoires de l'intervention chirurgicale du 10 juin 2008 ne présente pas, ainsi que l'a jugé le Tribunal administratif de Paris, un lien de causalité direct et certain avec le décès de M. A....
11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C...ne sont, en tout état de cause, pas fondés à soutenir que le décès de M. A...serait imputable à une infection nosocomiale occasionnée par des actes de soins reçus lors de son hospitalisation du mois de juin 2008. Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer le jugement du Tribunal administratif de Paris mettant l'ONIAM hors de cause.
C - En ce qui concerne l'indemnisation des préjudices :
S'agissant des préjudices de M.A... :
12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 6 que sont seuls indemnisables les préjudices résultant de la perte de chance d'éviter la chute qui est survenue dans la nuit du 18 au 19 septembre 2007, et le préjudice résultant du retard à prescrire une radiographie pour diagnostiquer la fracture du col du fémur dont M. A...a été victime, ce dernier consistant, en l'absence de toute incidence sur la réussite de l'intervention chirurgicale du 28 septembre 2007, en les souffrances subies par M. A...pendant la période correspondant à ce retard.
Les préjudices à caractère patrimonial :
13. Il résulte de l'instruction et, plus particulièrement, du rapport d'expertise que l'expert a évalué les besoins de M. A...au titre de la tierce personne, sur la période courant du 18 au 30 mars 2008, période pendant laquelle il a pu regagner son domicile, à deux heures par jour. Le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que les frais liés à l'assistance à domicile de la victime par une tierce personne, alors même qu'elle serait assurée par un membre de sa famille, soient évalués à une somme qui ne saurait être inférieure à la rémunération réelle moyenne d'une aide ménagère en région parisienne et qui prenne en compte les charges sociales incombant à l'employeur d'un salarié à domicile et les droits à congés payés de ce salarié à domicile. Il y a lieu, dès lors, pour la période sus-rappelée, d'évaluer les dépenses correspondant à ce chef de préjudice, calculées sur la base d'un prix horaire de 23 euros sur une durée annuelle de 400 jours (les congés payés étant ainsi pris en considération), les charges sociales dues par l'employeur d'un salarié à domicile étant incluses dans ce prix horaire, à la somme de 552 euros. L'indemnité réparatrice allouée, compte tenu du taux de perte de chance applicable, sera fixée à la somme de 276 euros.
Les préjudices à caractère extra-patrimonial :
Au titre du pretium doloris :
14. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise que l'expert a évalué ce préjudice à 5 sur une échelle de 7 dont 3 sur 7 sont, notamment, imputables au défaut de prise en charge. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant l'indemnité réparatrice compte tenu du retard à diagnostiquer la fracture, à 3 600 euros.
Au titre du préjudice esthétique :
15. Il résulte de l'instruction et, plus précisément, du rapport d'expertise, que le préjudice esthétique doit être fixé à 3 sur une échelle de 7 dont 2 sur 7 sont, notamment, imputables au défaut de prise en charge. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant l'indemnité réparatrice, compte tenu du taux de perte de chance applicable, à 900 euros.
Au titre des troubles dans les conditions d'existence :
16. Il résulte de l'instruction et, plus particulièrement, du rapport d'expertise que si M. A... a souffert d'un déficit fonctionnel temporaire du 19 septembre 2007 au 17 mars 2008, date de son retour à domicile, puis du 31 mars au 19 juillet 2008, date de son décès, seul celui afférent à la première période, qui est en lien avec la chute de M. A...dans la nuit du 18 au 19 septembre 2007, est susceptible d'être indemnisé. Il sera, dès lors, fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence, incluant le déficit fonctionnel temporaire, ainsi que du préjudice moral subi par M.A..., en fixant l'indemnité réparatrice, compte tenu du taux de perte de chance applicable, à la somme de 2 450 euros.
S'agissant des préjudices de M. et MmeC... :
Au titre des frais d'obsèques :
17. Si M. et Mme C...justifient avoir supporté des frais d'obsèques à concurrence de la somme de 10 491,04 euros, ils ne peuvent, toutefois, prétendre en obtenir le remboursement en l'absence d'un lien de causalité directe entre la chute de M. A...dans la nuit du 18 au 19 septembre 2007 et son décès le 19 juillet 2008, par défaillance polyviscérale. Par suite, ce chef de préjudice ne peut qu'être écarté.
Au titre du préjudice moral :
18. Il résulte de l'instruction que le préjudice moral invoqué par Mme A...peut, dans les circonstances de l'espèce et compte tenu de ses liens avec M.A..., être fixé, par application du taux de perte de chance, à la somme de 1 000 euros. En revanche, M. C...ne peut prétendre à une indemnisation de son préjudice moral propre.
19. Il y a lieu, en conséquence de ce qui a été dit ci-dessus, de réformer le jugement attaqué et de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 8 226 euros au titre de l'indemnité à allouer à M. et Mme C...en réparation des préjudices subis tant par M. A...que de leurs préjudices propres.
D - En ce qui concerne la décharge du forfait journalier :
20. Si M. et Mme C...demandent à être déchargés du paiement du forfait hospitalier d'un montant de 2 576 euros qui leur est réclamé par l'hôpital Sainte-Perrine-Rossini-Chardon-Lagache correspondant à la période d'hospitalisation de M. A...comprise entre le 2 octobre 2007 et le 17 mars 2008, ils ne peuvent utilement invoquer les circonstances de son hospitalisation ainsi que la mauvaise organisation du service hospitalier et la faute commise dans l'organisation dudit service pour critiquer le bien-fondé de la somme mise à leur charge. Dans ces conditions, les conclusions tendant à la décharge du forfait hospitalier ne peuvent qu'être rejetées.
II - Sur les conclusions incidentes présentées par le RSI Ile-de-France :
En ce qui concerne le remboursement des débours engagés consécutivement à la chute de M. A...dans la nuit du 18 au 19 septembre 2007 :
21. Il résulte de l'instruction et, notamment, du récapitulatif des décomptes " prestations " au 31 juillet 2014 que le RSI Ile-de-France justifie avoir pris en charge la somme globale de 215 726,63 euros au titre des diverses hospitalisations de M. A...à l'hôpital Ambroise Paré et à l'hôpital Sainte-Périne-Rossini-Chardon-Lagache. A cette occasion, le RSI Ile-de-France justifie, d'une part, pour la journée du 26 septembre 2007, de frais médicaux à hauteur de la somme de 137,34 euros et, d'autre part, pour la période du 26 septembre au 2 octobre 2007, correspondant à l'hospitalisation de M. A...à l'hôpital Ambroise Paré, de frais d'hospitalisation à concurrence de la somme de 8 105,70 euros, lesquels sont seuls en lien direct et certain avec la faute ayant occasionné la chute de M. A...et la rupture du col du fémur qui en a résulté. Par suite, le RSI Ile-de-France peut prétendre au remboursement de ces sommes, compte tenu du taux de perte de chance applicable, à hauteur de 4 121,52 euros.
En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :
22. Il y a lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit, de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 1 047 euros, au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, que le RSI Ile-de-France sollicite sur le fondement des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'ONIAM :
23. Il résulte des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, que les recours des tiers payeurs, subrogés dans les droits d'une victime d'un dommage qu'ils indemnisent, s'exercent à l'encontre des auteurs responsables de l'accident. En confiant à l'ONIAM, établissement public à caractère administratif de l'Etat placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé, la mission d'indemniser, dans les conditions définies, notamment, au II de l'article L. 1142-1 précité du code de la santé publique, les dommages occasionnés par la survenue d'une infection nosocomiale, le législateur a institué à l'article L. 1142-22 du même code un dispositif assurant l'indemnisation des victimes concernées au titre de la solidarité nationale. Il s'ensuit que, dans l'exercice de la mission qui lui est confiée par cet article, l'ONIAM est tenu d'indemniser à ce titre et non en qualité d'auteur responsable. Par suite, les tiers payeurs ayant versé des prestations à la victime d'un dommage occasionné par une infection nosocomiale ne peuvent exercer contre l'ONIAM le recours subrogatoire prévu par les articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale. L'ONIAM est donc fondé à soutenir que les conclusions présentées par le RSI Ile-de-France tendant à sa condamnation à lui rembourser les dépenses exposées pour son assuré et à lui verser l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ne peuvent, en tout état de cause, être admises.
24. Il y a lieu, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, de réformer le jugement attaqué et de mettre à la charge de l'AP-HP, sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, la somme de 4 121,52 euros en remboursement des débours engagés consécutivement à la chute dont a été victime M. A...dans la nuit du 18 au 19 septembre 2007, cette somme portera intérêts à compter du 9 novembre 2012, date de la première demande en justice, lesquels intérêts seront capitalisés à compter du 9 novembre 2013 et à chaque échéance annuelle, ainsi que la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
III - Sur les dépens :
25. Il y a lieu, compte tenu de ce qui a été dit plus haut, de mettre à la charge de l'AP-HP les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 762 euros et, par suite, de réformer le jugement attaqué en ce sens.
IV - Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
26. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AP-HP le versement de la somme de 1 500 euros à M. et Mme C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et, sur le fondement de ces mêmes dispositions, le versement de la somme de 1 300 euros au RSI Ile-de-France. Dès lors que l'ONIAM n'est pas la partie perdante à l'instance, les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le RSI Ile-de-France et dirigées contre l'ONIAM ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est mis hors de cause et ses conclusions d'appel rejetées.
Article 2 : L'Assistance publique-hôpitaux de Paris est condamnée à verser à M. et Mme C...la somme de 8 226 euros.
Article 3 : L'Assistance publique-hôpitaux de Paris est condamnée à verser les sommes de 4 121,52 euros et de 1 047 euros au Régime social des Indépendants Ile-de-France au titre respectivement du remboursement des débours engagés pour M. A...et de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. La somme de 4 121,52 euros portera intérêts à compter du 9 novembre 2012. Les intérêts seront capitalisés à compter du 9 novembre 2013 et à chaque échéance annuelle.
Article 4 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 762 euros sont mis à la charge de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris.
Article 5 : Le jugement du 30 avril 2014 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : L'Assistance publique-hôpitaux de Paris versera la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à M. et Mme C...et la somme de 1 300 euros somme au Régime social des Indépendants Ile-de-France.
Article 7 : Le surplus des conclusions d'appel de M. et Mme C...et de l'appel incident du Régime social des Indépendants Ile-de-France est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C...et Mme E...A...épouseC..., au Régime social des Indépendants Ile-de-France, à l'Assistance publique-hôpitaux de Paris et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,
- Mme Bernard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 7 novembre 2016.
Le rapporteur,
S. BONNEAU-MATHELOTLe président,
J. LAPOUZADELe greffier,
A. CLEMENTLa République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA02773