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21/10/2016 | FRANCE | N°15PA02119

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 21 octobre 2016, 15PA02119


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Pull and Bear France a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 8 septembre 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de la section 12 B de l'unité territoriale de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a refusé de l'autoriser à licencier Mme A... B....

Par un jugement n° 1424486/3-3 du 7 avril 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure

devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 mai 2015, 5 ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Pull and Bear France a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 8 septembre 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de la section 12 B de l'unité territoriale de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a refusé de l'autoriser à licencier Mme A... B....

Par un jugement n° 1424486/3-3 du 7 avril 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 mai 2015, 5 juin 2015 et 11 mai 2016, la société Pull and Bear France, représentée par la SELARL Actance, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1424486/3-3 du 7 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 8 septembre 2014 de l'inspecteur du travail ;

3°) d'enjoindre à l'inspection du travail, à titre principal, de lui délivrer l'autorisation de licencier Mme B... ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande d'autorisation de licenciement dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la décision de l'inspecteur du travail :

- est intervenue à la suite d'une procédure irrégulière, dès lors que l'inspecteur du travail n'a pas demandé à Mme B... la communication de ses relevés téléphoniques personnels ;

- est entachée d'une erreur de droit, dès lors que la circonstance que des faits sont commis par un salarié en dehors de l'exécution de son contrat de travail ne fait pas obstacle à ce qu'ils soient qualifiés de fautifs ;

- est entachée d'une erreur de qualification juridique des faits, dès lors que les faits reprochés à Mme B..., consistant en l'utilisation à des fins personnelles du téléphone mobile mis à sa disposition pour l'exercice de son mandat de membre du comité d'entreprise, s'analysent en l'utilisation abusive de biens appartenant à l'entreprise et constituent par suite une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2015, la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable pour défaut de motivation ;

- les moyens soulevés par la société Pull and Bear France ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à Mme A...B..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bernard,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de Me Lajoinie, avocat de la société Pull and Bear France.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été recrutée le 22 janvier 2008 par la société Pull and Bear France. Elle occupait les fonctions de responsable de magasin au sein de l'établissement de La Défense. Elle était par ailleurs membre suppléant du comité d'entreprise et membre du comité central d'entreprise de l'UES Ditex. La société Pull and Bear France a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de la licencier pour faute. Par une décision du 8 septembre 2014, l'inspecteur du travail a refusé de lui accorder cette autorisation. Par la présente requête, la société Pull and Bear France demande l'annulation du jugement du 7 avril 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

I. Sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre chargée du travail :

2. Contrairement à ce que fait valoir la ministre chargée du travail, la requête d'appel présentée par la société Pull and Bear France ne constitue pas la seule reproduction littérale de ses écritures de première instance et énonce, à nouveau, de manière précise les critiques adressées à la décision dont elle a demandé l'annulation au Tribunal administratif de Paris. Elle répond ainsi aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. La fin de non-recevoir opposée en défense doit par suite être écartée.

II. Sur les conclusions de la société Pull and Bear France dirigées contre le jugement attaqué :

3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

4. Un agissement du salarié intervenu en-dehors de l'exécution de son contrat de travail, et notamment dans le cadre de l'exercice de ses mandats, ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat.

5. Par suite, en se fondant sur le motif, tiré de ce que les faits reprochés à Mme B... ne pouvaient être qualifiés de fautifs dès lors qu'ils avaient été commis dans le cadre de l'exercice de ses mandats, sans rechercher si ces faits pouvaient traduire la méconnaissance par l'intéressée d'une obligation découlant de son contrat, l'inspecteur du travail a entaché sa décision d'une erreur de droit. La société requérante est donc fondée à en demander l'annulation pour ce motif.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Pull and Bear France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

III. Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Eu égard au motif d'annulation de la décision litigieuse ci-dessus retenu, l'exécution du présent arrêt n'implique pas nécessairement que l'inspecteur du travail délivre à la société Pull and Bear France l'autorisation de licencier Mme B.... En revanche, il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à l'inspecteur du travail territorialement compétent de réexaminer la demande d'autorisation présentée par la société Pull and Bear France dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par la société requérante.

IV. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Mme B..., bénéficiaire de la décision de l'inspecteur du travail annulée en appel sur recours introduit par le demandeur de première instance, ne peut être regardée comme partie perdante au sens des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dès lors, en tout état de cause, que l'annulation sanctionne une erreur de droit commise par l'administration. Par suite, les conclusions de la société Pull and Bear France, tendant à ce que Mme B... soit condamnée au paiement des sommes qu'elle a exposées et non comprises dans les dépens doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1424486/3-3 du 7 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris et la décision en date du 8 septembre 2014 de l'inspecteur du travail de la section 12 B de l'unité territoriale de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à l'inspecteur du travail territorialement compétent de procéder au réexamen de la demande d'autorisation présentée par la société Pull and Bear France dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Pull and Bear France, à Mme A...B...et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 octobre 2016.

Le rapporteur,

A. BERNARDLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

A. CLEMENTLa République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA02119


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02119
Date de la décision : 21/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - motifs - Erreur de droit - Existence.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Aurélie BERNARD
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : ACTANCE CABINET D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-10-21;15pa02119 ?
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