Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée Sun et beauté institut a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 7 juillet 2014 par lequel le préfet de police a décidé la fermeture pour une durée de quarante jours du local qu'elle exploite 17 rue Cambronne à Paris (75015).
Par un jugement n° 1411796/3-2 du 4 mars 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 mars 2015 et 28 mai 2015, la société Sun et beauté institut, représentée par Me Basset, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1411796/3-2 du 4 mars 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que l'arrêté contesté :
- méconnaît les dispositions de l'article L. 8272-2 du code du travail, dès lors qu'il ne se fonde que sur un seul des trois critères cumulatifs qu'elles prévoient ;
- méconnaît le principe non bis in idem, posé à l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et à l'article 4 du protocole n° 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il prononce une sanction administrative qui se cumule avec une sanction pénale ayant le même objet et tendant à la sauvegarde d'intérêts qui se confondent ;
- est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il compromet gravement sa pérennité en se cumulant avec les sanctions financières prises par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que, pour une première infraction, en outre d'une durée limitée, la sanction financière de remboursement des cotisations éludées était suffisante et que les gérants n'ont pas une bonne connaissance du droit du travail français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2015, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Sun et beauté institut ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bernard,
- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,
- et les observations de Me Basset, avocat de la société Sun et beauté institut.
Considérant ce qui suit :
1. La société Sun et beauté institut exploite un établissement de soins esthétiques et onglerie au 17 rue Cambronne à Paris (75015). Le 18 février 2014, un contrôle a été effectué par des agents de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), accompagnés des services de police, au cours duquel il a été constaté que cet établissement employait deux personnes de nationalité chinoise n'ayant pas fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche. L'une d'elles était en outre dépourvue de titre de séjour et donc d'autorisation de travail. Un procès-verbal relevant les infractions aux dispositions des 1° et 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail, constitutives de travail illégal, a en conséquence été dressé. Au vu de ce procès-verbal et après avoir mis en oeuvre la procédure contradictoire, le préfet de police a, par un arrêté en date du 7 juillet 2014, décidé la fermeture de l'établissement pour une durée de quarante jours sur le fondement des dispositions de l'article L. 8272-2 du code du travail. Par la présente requête, la société Sun et beauté institut demande l'annulation du jugement du 4 mars 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8272-2 du code du travail dans leur version applicable, issue de l'article 86 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 : " Lorsque l'autorité administrative a connaissance d'un procès-verbal relevant une infraction prévue aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1, elle peut, eu égard à la répétition et à la gravité des faits constatés et à la proportion de salariés concernés, ordonner par décision motivée la fermeture de l'établissement ayant servi à commettre l'infraction, à titre provisoire et pour une durée ne pouvant excéder trois mois. Elle en avise sans délai le procureur de la République ".
3. Il résulte de ces dispositions que la mise en oeuvre de la sanction administrative de fermeture d'un établissement qu'elles prévoient est conditionnée par la réunion de trois conditions cumulatives, tirées de la répétition des infractions dans le temps, de la gravité des faits et de la proportion des salariés concernés. Il ressort, d'ailleurs, des travaux parlementaires de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 que le législateur a entendu exclure que la sanction administrative de fermeture d'un établissement puisse être prise lors d'un premier constat d'emploi illégal ou, en cas de récidive, lorsque l'infraction aura, à chaque fois, porté sur un très petit nombre de salariés.
4. Par suite, en se fondant sur deux seulement de ces trois conditions cumulatives, à savoir la gravité des faits constatés et la proportion de salariés concernés, le préfet de police a entaché son arrêté d'erreur de droit. La société requérante est donc fondée à en demander l'annulation pour ce motif.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Sun et beauté institut est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Sun et beauté institut et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1411796/3-2 du 4 mars 2015 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté en date du 7 juillet 2014 du préfet de police sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à la société Sun et beauté institut une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sun et beauté institut et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,
- Mme Bernard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 octobre 2016.
Le rapporteur,
A. BERNARDLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
A. CLEMENTLa République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA01232