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21/10/2016 | FRANCE | N°15PA00892

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 21 octobre 2016, 15PA00892


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 février 2015 et 11 juillet 2016, la société Zouk communication, représentée par Me Haas, demande à la Cour :

1°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) du 22 octobre 2014 autorisant la société Radio Caraïbes international Guadeloupe à exploiter un service de radio de catégorie B par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dénommé RCI Guadeloupe ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du CSA du 22 o

ctobre 2014 rejetant sa propre candidature ;

3°) d'enjoindre au CSA de réexaminer sa cand...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 février 2015 et 11 juillet 2016, la société Zouk communication, représentée par Me Haas, demande à la Cour :

1°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) du 22 octobre 2014 autorisant la société Radio Caraïbes international Guadeloupe à exploiter un service de radio de catégorie B par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dénommé RCI Guadeloupe ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du CSA du 22 octobre 2014 rejetant sa propre candidature ;

3°) d'enjoindre au CSA de réexaminer sa candidature ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il ne ressort pas des décisions litigieuses que six au moins des membres du CSA étaient présents lors de la séance au cours de laquelle elles ont été adoptées ni qu'elles auraient été adoptées à la majorité des membres présents ;

- il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait été statué sur l'ensemble des candidatures au cours d'une même séance ;

- il n'est pas établi que le dossier de candidature de la société RCI Guadeloupe était complet au regard des exigences de l'article 29 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

- la décision rejetant sa candidature est entachée d'un vice de forme, dès lors qu'elle ne comporte pas les nom, prénom et signature du président du CSA, en méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- la décision d'autorisation délivrée à la société RCI Guadeloupe publiée au Journal officiel ne comporte pas la signature du président du CSA ;

- la décision rejetant sa candidature est entachée d'une erreur de fait, dès lors qu'elle se fonde notamment sur la circonstance erronée qu'aucune radio privée n'était encore autorisée dans la zone en cause ;

- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur de droit dans la mise en oeuvre des critères de l'article 29 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, dès lors que le CSA n'a opéré de comparaison qu'entre les seules radios ayant répondu à l'appel à candidatures du 3 avril 2013 sans examiner l'offre déjà présente sur la zone considérée ;

- l'autorisation accordée à la société RCI Guadeloupe a été prise en violation du principe de diversification des opérateurs, dès lors, d'une part, qu'elle a pour effet d'accorder à celle-ci la possibilité d'émettre dans une zone dans laquelle elle exploite déjà une fréquence et, d'autre part, que le groupe RCI exploitait déjà onze fréquences en Guadeloupe, alors qu'elle-même n'en exploite que deux ;

- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur d'appréciation dans la mise en oeuvre des critères de l'article 29 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, dès lors qu'elles estiment que sa candidature dans la zone considérée participait moins à l'expression pluraliste des courants d'expression socioculturels et répondait moins à l'intérêt du public de la zone que la radio exploitée par la société RCI Guadeloupe, alors que celle-ci, comme plusieurs autres radios généralistes, couvrait déjà la zone concernée contrairement à elle.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 juillet 2015 et 15 juillet 2016, le Conseil supérieur de l'audiovisuel conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Zouk communication ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la société Radio Caraïbes international Guadeloupe, qui n'a pas présenté de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bernard,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., substituant Me Haas, avocat de la société Zouk communication.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision n° 2013-274 en date du 3 avril 2013, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a lancé un appel partiel à candidatures en vue de l'exploitation de services radiophoniques diffusés par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dans le département de la Guadeloupe. Lors d'une réunion plénière du 22 octobre 2014, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a décidé de délivrer une autorisation à la société Radio Caraïbes international Guadeloupe, exploitant le service " RCI Guadeloupe ", pour la zone géographique de " Basse-Terre et les communes rurales du département 971 ", couvrant la partie sud de 1'île de Basse-Terre, ainsi que Terre-de-Haut, dans l'archipel des Saintes. La société Zouk communication demande l'annulation, d'une part, du refus qui a été opposé à sa candidature et, d'autre part, de l'autorisation qui a été accordée à la société Radio Caraïbes international Guadeloupe.

Sur la légalité externe :

2. En premier lieu, aux termes du huitième alinéa de l'article 4 de la loi susvisée du 30 septembre 1986, dans sa version applicable : " Le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne peut délibérer que si six au moins de ses membres sont présents. Il délibère à la majorité des membres présents. Le président à voix prépondérante en cas de partage égal des voix ".

3. Il ressort du procès-verbal de la réunion plénière du Conseil supérieur de l'audiovisuel du 22 octobre 2014 produit en défense, que huit de ses membres étaient présents et que le Conseil a, à la majorité, statué sur l'ensemble des candidatures dont il était saisi pour la zone géographique en cause. Par suite, les moyens tirés de ce que les décisions attaquées auraient été adoptées sans respect des règles de quorum et de majorité et au cours de séances différentes doivent être écartés comme manquant en fait.

4. En deuxième lieu, la société requérante a soutenu dans sa requête, sans plus de précision, qu'il n'était pas établi que le dossier de candidature de la société RCI Guadeloupe était complet au regard des exigences de l'article 29 de la loi susvisée du 30 septembre 1986. En défense, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a produit ledit dossier. En réplique, la société requérante n'a pas apporté de précision permettant d'apprécier le bien fondé de son moyen. Celui-ci ne peut donc qu'être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes du second alinéa de l'article 4 de la loi susvisée du 12 avril 2000, désormais codifié à l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ". Le Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui est une autorité administrative au sens de l'article 1er de la ladite loi, est en conséquence soumis à ces prescriptions. S'agissant d'une autorité de caractère collégial, il est satisfait aux exigences découlant de celles-ci dès lors que les décisions que prend le Conseil portent la signature de son président, accompagnée des mentions, en caractères lisibles, prévues par cet article.

6. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il ressort des pièces du dossier que les décisions attaquées répondent toutes deux à ces exigences. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance doit être écarté.

Sur la légalité interne :

7. Aux termes de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986, le Conseil supérieur de l'audiovisuel " accorde les autorisations en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. / Il tient également compte : (...) 5° de la contribution à la production de programmes réalisés localement. / (...) Le Conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d'une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d'autre part. Il s'assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l'information politique et générale ".

8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que jusqu'à l'intervention des décisions attaquées, aucun service radiophonique privé ne bénéficiait d'une autorisation d'émettre dans la zone géographique visée par l'appel à candidature. En se fondant notamment sur cette circonstance pour adopter les décisions attaquées, le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a donc pas commis d'erreur de fait.

9. En deuxième lieu, il ressort également des pièces du dossier que les programmes de plusieurs services privés, dont le service " RCI Guadeloupe ", qui bénéficiaient d'autorisations dans une zone limitrophe, pouvaient être reçus dans une partie de la zone d'appel à candidature. Toutefois, les services de radio non autorisés dans une zone ne disposent d'aucun droit pour y émettre et leur signal peut être brouillé par d'autres fréquences qui viendraient à y être autorisées. En outre, il n'est ni soutenu ni établi que les services en cause étaient entendus dans des conditions d'écoute normale sur la totalité de la zone d'appel à candidature. Dans ces conditions, le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a commis ni erreur de droit ni erreur d'appréciation dans la mise en oeuvre des critères de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 précité en n'opérant pas de comparaison entre les services ayant répondu à l'appel à candidatures et les services entendus sans autorisation dans une partie de la zone d'appel à candidature.

10. En dernier lieu, il appartient au Conseil supérieur de l'audiovisuel, lorsqu'il statue sur l'attribution des autorisations d'exploiter des services radiophoniques, d'apprécier l'intérêt de chaque projet pour le public au regard de l'impératif de la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels. Lorsque ces projets présentent un intérêt équivalent pour le public, il peut se déterminer en prenant en compte la nécessité d'assurer la diversification des opérateurs. Cet objectif de diversification peut être pris en compte tant dans la zone qu'au niveau du comité technique régional en mesurant tant le nombre d'autorisations que la population couverte par le service, tant par service que par groupe possédant plusieurs radios. Cette diversification peut aussi être mesurée par catégorie de nature de services selon les catégories A, B, C, D ou E définies par le Conseil supérieur de l'audiovisuel.

11. La société requérante fait valoir que l'autorisation accordée à la société Radio Caraïbes international Guadeloupe a été prise en violation du principe de diversification des opérateurs, dès lors que le groupe auquel celle-ci appartient exploitait déjà onze fréquences en Guadeloupe, alors qu'elle-même n'en exploite que deux.

12. Il ressort des pièces du dossier que le Conseil supérieur de l'audiovisuel a attribué l'unique fréquence disponible dans la zone géographique de " Basse-Terre et les communes rurales du département 971 " au service de radio " RCI Guadeloupe " classé en catégorie B au motif que cette radio généraliste diffuse quatre heures quotidiennes d'informations et de rubriques locales et était, ce faisant, susceptible de participer dans une plus grande mesure à l'expression pluraliste des courants d'expression socioculturels et de mieux répondre à l'intérêt du public dans une zone où aucune radio privée n'était encore autorisée, alors que les trois autres services candidats, tel que celui de la société requérante, proposaient une programmation essentiellement musicale, avec, au plus, une heure quotidienne d'informations et de rubriques locales. Eu égard à ce motif, et alors même que le groupe RCI est titulaire en Guadeloupe d'un plus grand nombre de fréquences que la société requérante, le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a pas fait, dans les circonstances de l'espèce, une inexacte application des critères qu'il lui appartient de concilier en vertu des dispositions précitées de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986, et notamment de ceux de sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels et de diversification des opérateurs.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Zouk communication n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions qu'elle attaque. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Zouk communication est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Zouk communication, au Conseil supérieur de l'audiovisuel et à la société Radio Caraïbes international Guadeloupe.

Copie en sera adressée à la ministre de la culture et de la communication.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 octobre 2016.

Le rapporteur,

A. BERNARDLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

A. CLEMENTLa République mande et ordonne à la ministre de la culture et de la communication en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA00892


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00892
Date de la décision : 21/10/2016
Type d'affaire : Administrative

Analyses

56-04-01-01 Radio et télévision. Services privés de radio et de télévision. Services de radio. Octroi des autorisations.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Aurélie BERNARD
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-10-21;15pa00892 ?
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