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29/09/2016 | FRANCE | N°15PA01429

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 29 septembre 2016, 15PA01429


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D...et M. A...G...ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 11 décembre 2013 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté leur demande présentée au nom de leur fille mineure C...tendant à ce que soit substitué au nom " G... " que porte celle-ci le nom " D...-G... ".

Par un jugement n° 1403110 du 5 février 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoi

re enregistrés les 3 avril 2015 et 7 septembre 2016, Mme D... et M. G..., représentés par Me S...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D...et M. A...G...ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 11 décembre 2013 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté leur demande présentée au nom de leur fille mineure C...tendant à ce que soit substitué au nom " G... " que porte celle-ci le nom " D...-G... ".

Par un jugement n° 1403110 du 5 février 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 avril 2015 et 7 septembre 2016, Mme D... et M. G..., représentés par Me Surjous, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1403110 du 5 février 2015 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 11 décembre 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les premiers juges ont méconnu le principe d'égalité des armes et l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en écartant le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée alors que l'existence d'une délégation de signature publiée ne ressortait pas des pièces du dossier ;

- la décision a été signée par une autorité incompétente faute de publication de l'arrêté renouvelant M. B...dans ses fonctions ;

- la décision en litige n'est pas suffisamment motivée ;

- la décision a été prise en méconnaissance des dispositions des articles 61 et 311-21 du code civil ;

- l'officier d'état civil ne les a pas suffisamment informés ;

- les articles 311-21 et 311-23 du code civil créent une différence de traitement injustifiée selon que la filiation des enfants nés hors mariage est établie avant ou après la déclaration de naissance ;

- leur fille a un intérêt légitime à porter le nom de sa mère adjoint au nom de son père.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 avril 2016, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le décret n° 94-52 du 20 janvier 1994 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Amat,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,

- les observations de Me Surjous, avocat de Mme D...et M.G....

Une note en délibéré présentée pour Mme D...et M. G...a été enregistrée le 21 septembre 2016.

1. Considérant que M. G...et MmeD..., agissant au nom de leur fille mineure née le 2 mai 2009, ont sollicité du garde des sceaux, ministre de la justice la possibilité de substituer au nom de " G... " que porte leur enfant le nom de " D...-G... " ; qu'ils relèvent appel du jugement du 5 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 11 décembre 2013 par laquelle le ministre de la justice a refusé d'autoriser le changement de nom de leur fille ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que contrairement à ce que soutiennent les requérants, il entrait dans l'office des premiers juges, pour examiner le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, de faire application des dispositions du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement et de rechercher l'arrêté de nomination de M. B...régulièrement publié au Journal officiel de la République française ; qu'il n'ont ce faisant méconnu ni le principe du contradictoire ni le droit à un procès équitable consacré par l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué est irrégulier ne peut qu'être écarté ;

Sur le bien fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Considérant, en premier lieu, que par arrêté en date du 12 août 2009, publié au journal officiel du 14 août 2009, M. F...B...a été nommé sous-directeur du droit civil à la direction des affaires civiles et du sceau ; qu'il a été renouvelé dans cet emploi par arrêté du 30 juillet 2012 publié au Journal officiel le 1er août 2012 ; qu'il occupait encore ce poste à la date de la décision en litige ; qu'ainsi et en vertu des dispositions de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement, qui dispose notamment que les sous-directeurs peuvent signer, au nom du ministre et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité, M. B...avait compétence pour signer, au nom du garde des sceaux, ministre de la justice, la décision contestée du 11 décembre 2013 portant refus de changement de nom ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision du 11 décembre 2013 faute de délégation de signature publiée ne peut qu'être écarté ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 6 du décret du 20 janvier 1994 relatif à la procédure de changement de nom : " Le refus de changement de nom est motivé (...) " ;

5. Considérant que le garde des sceaux, ministre de la justice, après avoir rappelé les dispositions de l'article 61 du code civil, a indiqué dans la décision du 11 décembre 2013 qu'en l'absence de déclaration conjointe des parents, le nom du père a été attribué à l'enfant C...et que la possibilité qu'ils avaient de lui attribuer les noms de ses deux parents lors de la déclaration de sa naissance ne leur conférait pas par la suite un intérêt légitime, au sens de l'article 61 du code civil, au changement de nom sollicité ; qu'ainsi, et même si le garde des sceaux, ministre de la justice n'a pas indiqué la raison pour laquelle le courrier du 2 novembre 2009 ne pouvait être regardé comme constituant la déclaration conjointe prévue par l'article 311-21 du code civil, la décision attaquée qui comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle est fondée est suffisamment motivée ;

En ce qui concerne la légalité interne

6. Considérant qu'aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. Le changement de nom est autorisé par décret " ; qu'aux termes de l'article 311-21 du même code dans sa version alors applicable : " Lorsque la filiation d'un enfant est établie à l'égard de ses deux parents au plus tard le jour de la déclaration de sa naissance ou par la suite mais simultanément, ces derniers choisissent le nom de famille qui lui est dévolu : soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux. En l'absence de déclaration conjointe à l'officier de l'état civil mentionnant le choix du nom de l'enfant, celui-ci prend le nom de celui de ses parents à l'égard duquel sa filiation est établie en premier lieu et le nom de son père si sa filiation est établie simultanément à l'égard de l'un et de l'autre (...) " ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que M. G...et Mme D...ont simultanément reconnu par anticipation, le 17 février 2009, leur enfant C...née le 2 mai 2009 ; qu'en application de l'article 311-21 du code civil précité, en l'absence de déclaration conjointe à l'officier d'état civil mentionnant le choix du nom de l'enfant, l'enfant a pris, le jour d'établissement de son acte de naissance, le nom de son père ; que la " déclaration conjointe " établie par les requérants le 2 novembre 2009 adressée au garde des sceaux, ministre de la justice a été rédigée postérieurement à l'attribution du nom par l'officier d'état civil ; qu'elle constitue ainsi une demande de changement de nom dès lors que les dispositions précitées de l'article 311-21 du code civil, qui concernent le choix par les parents du nom de famille attribué à l'enfant lors de sa naissance, ne permettent pas de déroger au principe d'immutabilité et de fixité du nom une fois ce nom attribué ; que si Mme D...et M. G...font valoir, sans d'ailleurs le démontrer, qu'ils ont été mal informés par l'officier d'état civil et n'ont pas entendu renoncer à leur droit de choisir pour leur fille un nom de famille formé de leurs deux noms, il résulte des dispositions précitées qu'un tel droit n'existait que jusqu'à la déclaration de naissance ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que les requérants ne peuvent utilement se prévaloir, pour écarter l'application des dispositions du code civil régissant leur situation, des dispositions selon eux plus favorables de l'article 311-23 du même code applicables aux enfants dont la filiation n'est établie qu'après leur déclaration de naissance ; que s'ils soutiennent, en produisant notamment deux actes de naissance de tiers, que l'administration accueillerait des demandes d'adjonction de nom postérieurement à la naissance d'un enfant dont les deux liens de filiation étaient établis le jour de sa naissance, l'article 23 de la loi du 4 mars 2002 modifiée relative au nom de famille a prévu des dispositions transitoires pour les enfants nés antérieurement à son entrée en vigueur dans le cadre desquelles l'enfant des requérants, née en 2009, n'entre pas en tout état de cause ;

9. Considérant, enfin, que si Mme D...et M. G...font valoir qu'il est de l'intérêt de leur fille d'avoir, dès son enfance, un nom de famille conforme au nom d'usage qu'elle porte et qui la rattache tant à la famille de sa mère qu'à celle de son père, le garde de sceaux, ministre de la justice a pu sans erreur d'appréciation estimer que les circonstances de l'espèce ne caractérisaient pas un intérêt à changer de nom au sens de l'article 61 du code civil ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D... et M. G... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... et de M. G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...D..., à M. A... G...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Amat, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2016.

Le rapporteur,

N. AMATLa présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

A. LOUNIS La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA01429


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15PA01429
Date de la décision : 29/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-03 Droits civils et individuels. État des personnes. Changement de nom patronymique.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Nathalie AMAT
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : SURJOUS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-09-29;15pa01429 ?
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