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20/09/2016 | FRANCE | N°15PA03321

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 20 septembre 2016, 15PA03321


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions implicites par lesquelles le ministre des finances et des comptes publics, le ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique et le ministre des affaires étrangères et du développement international ont rejeté son recours gracieux du 25 avril 2014 tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de licenciement de 86 250 euros et une indemnité compensatrice de congés payés, assorties des in

térêts au taux légal, d'enjoindre à l'Etat de faire procéder à cette indemni...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions implicites par lesquelles le ministre des finances et des comptes publics, le ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique et le ministre des affaires étrangères et du développement international ont rejeté son recours gracieux du 25 avril 2014 tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de licenciement de 86 250 euros et une indemnité compensatrice de congés payés, assorties des intérêts au taux légal, d'enjoindre à l'Etat de faire procéder à cette indemnisation, et de condamner l'Etat à lui verser ces indemnités assorties des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1412406/5-2 du 18 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes.

Procédure contentieuse devant la Cour :

Par une requête, un mémoire ampliatif et un mémoire en production de pièces, enregistrés respectivement les 18 août, 18 et 19 novembre 2015, MmeA..., représentée par la société civile professionnelle (SCP) Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 18 juin 2015 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 111 375 euros assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ceux-ci ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à la suite de l'intervention du jugement du tribunal local compétent de la ville de Moscou du 28 octobre 2014 déclinant sa compétence, elle a introduit le 15 avril 2014 une demande préalable d'indemnisation auprès des ministres concernés, qui a été implicitement rejetée, puis a saisi le Tribunal administratif de Paris, qui a également rejeté sa demande par le jugement attaqué ;

- la minute de ce jugement n'a pas été signée par les magistrats l'ayant rendu ;

- ce tribunal a accueilli à tort l'exception d'incompétence invoquée par l'administration, ce qui contredit la décision de la juridiction russe ;

- les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public accomplissant une mission diplomatique, sont des agents contractuels de droit public quel que soit leur emploi ;

- l'ambassade de France jouant un rôle prédominant dans le fonctionnement de cette agence, et son financement étant surtout constitué de dotations publiques, son caractère administratif ne peut être contesté ;

- elle a travaillé durant 23 ans pour la mission économique de l'ambassade de France et a été licenciée le 13 novembre 2013 de manière rétroactive à compter du 24 juin 2013, sans bénéficier d'indemnités à raison de son ancienneté, ni de ses congés payés, non plus que d'un préavis, sans être rémunérée entre le 24 juin et le 13 novembre 2013 ;

- les ministres concernés devaient ordonner au commissaire du gouvernement compétent de mettre en oeuvre ses pouvoirs de tutelle.

Par deux mémoires enregistrés les 29 octobre et 2 décembre 2015, et par un mémoire récapitulatif du 25 août 2016, l'établissement Business France, venant aux droits de l'établissement Ubifrance, fait valoir que :

- les missions économiques d'Ubifrance relèvent des services de l'ambassade de France dans le pays d'accueil, depuis le décret du 30 janvier 2004, le rattachement de ses bureaux aux missions diplomatiques ayant été réaffirmé par le décret du 31 décembre 2008, puis par celui du 22 décembre 2014 ;

- il en résulte que les personnels sous contrats, comme MmeA..., relèvent exclusivement du droit du pays de résidence ;

- MmeA..., ayant été recrutée en 1990 en qualité d'agent contractuel de droit local, ne pouvait relever des termes du décret du 4 mai 1960, de même qu'en 2010 lors de la conclusion de son nouveau contrat avec Ubifrance, le CFCE ayant alors déjà fusionné avec celui-ci.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2016, le ministre des finances et des comptes publics demande le rejet de la requête de MmeA.... Il fait valoir que :

- la loi du 1er août 2003 portant création de l'établissement public Ubifrance, Agence française pour le développement international des entreprises, dispose que son personnel est constitué de salariés de droit privé ;

- le décret du 31 décembre 2008 précise que le personnel est recruté sur des contrats de travail soumis au droit du pays de résidence ;

- ainsi, la rupture du contrat de travail intervenue le 31 mai 2013 relève bien des seules juridictions russes, lesquelles ont d'ailleurs été saisies par l'intéressée, la demande indemnitaire de celle-ci ne pouvant donc prospérer devant les juridictions françaises ;

- le pouvoir de tutelle de l'Etat ne peut s'exercer, selon les dispositions du décret susmentionné, que sur les délibérations du conseil d'administration d'Ubifrance et pas sur les mesures relatives à la gestion du personnel ;

- le ministre ne peut donc user de ses pouvoirs de tutelle pour ordonner au directeur général d'Ubifrance de verser l'indemnité sollicitée par la requérante.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi no 2003-721 du 1er août 2003, pour l'initiative économique ;

- la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises, notamment son article 46 ;

- l'ordonnance n° 2004-1555 du 22 décembre 2014 portant fusion de l'Agence française pour les investissements internationaux et d'Ubifrance, Agence française pour le développement international des entreprises ;

- le décret n° 60-425 du 4 mai 1960 portant statut des personnels du centre national du commerce extérieur ;

- le décret n° 69-697 du 18 juin 1969 portant fixation du statut des agents contractuels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif ;

- le décret n° 2002-772 du 3 mai 2002 relatif à l'organisation des services à l'étranger du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ;

- le décret no 2004-103 du 30 janvier 2004, modifié par le décret no 2008-1548 du 31 décembre 2008, et par le décret n° 2014-1571 du 22 décembre 2014, respectivement relatifs à Ubifrance et à Business France ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Privesse,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de Me Rachou, avocat de Business France.

1. Considérant que Mme A...a été recrutée en 1990 par le ministère de l'économie et des finances, en qualité d'agent contractuel, et placée sur un emploi d'attachée au poste d'expansion économique du consulat général de France à Saint-Pétersbourg dans la Fédération de Russie, où elle est restée en fonction jusqu'à son engagement par l'établissement public Ubifrance, par un contrat de travail à durée indéterminée daté du 1er septembre 2010, qui a pris effet à compter de cette même date ; que par une décision du 13 novembre 2013 elle a été licenciée à compter du 24 juin précédent ; qu'elle relève appel du jugement du 18 juin 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation des conséquences indemnitaires de ce licenciement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que la minute du jugement attaqué comporte la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; que la circonstance que ces signatures ne figuraient pas sur les copies du jugement adressées aux parties ne constitue pas une irrégularité ;

Sur le fond :

3. Considérant que juge administratif français, juge d'attribution en matière de contrat international, n'est compétent pour connaître des litiges nés de l'exécution ou de la rupture de ces contrats que lorsqu'ils sont régis par la loi française et qu'ils concernent un agent public ; que les contrats conclus à l'étranger pour le recrutement sur place de personnels non statutaires sont, à défaut de dispositions législatives ou réglementaires contraires, régis par la loi choisie par les parties, selon un choix exprès ou qui doit résulter de façon certaine des stipulations du contrat ; qu'à défaut, ces contrats sont régis par la loi du pays où ils sont exécutés ;

4. Considérant, en premier lieu, que la situation de Mme A...n'est pas régie par le décret n° 69-697 du 18 juin 1969 portant fixation du statut des agents contractuels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif, de nationalité française, en service à l'étranger, dont le champ d'application, précisé par un arrêté ministériel du même jour, se limite aux agents en service dans les missions diplomatiques et les postes consulaires ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 50 de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 et de l'article 12 du décret n° 2004-103 du 30 janvier 2004 relatif à Ubifrance, hormis le cas des fonctionnaires détachés ou mis à disposition, le personnel de cet établissement est constitué de salariés de droit privé français recrutés en France, ou de personnels recrutés dans le respect des conventions internationales du travail par des contrats de travail soumis au droit du pays de résidence ; qu'en l'espèce, le contrat de travail dont a bénéficié Mme A...depuis le 1er septembre 2010 est exclusivement régi par le droit russe ; qu'il en résulte que le litige qui l'oppose à l'Etat et à l'établissement Ubifrance au sujet des conséquences indemnitaires de son licenciement échappe à la compétence de la juridiction administrative ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Paris à rejeté ses conclusions tendant au versement d'une indemnité et à l'annulation du refus d'enjoindre à Ubifrance de la verser ; que, par voie de conséquence, ses conclusions fondées sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au ministre de l'économie et des finances, au secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du

développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et

des français de l'étranger et à l'agence Business France, venant aux droits de l'établissement Ubifrance.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- M. Privesse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 septembre 2016.

Le rapporteur,

J-C. PRIVESSE Le président,

B. EVEN

Le greffier,

I. BEDRLa République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA03321


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03321
Date de la décision : 20/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

26-07-05-01 Droits civils et individuels.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : CABINET LAMY LEXEL

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-09-20;15pa03321 ?
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