La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/09/2016 | FRANCE | N°15PA03686

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 19 septembre 2016, 15PA03686


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 10 mars 2014 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse, ensemble les décisions implicites par lesquelles le ministre de l'intérieur, d'une part, a rejeté son recours hiérarchique reçu le 27 juin 2014 et, d'autre part, a refusé de lui communiquer les motifs de cette décision.

Par un jugement n° 1430272/5-1 du 16 avril 2015, le Tribunal administratif

de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 10 mars 2014 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse, ensemble les décisions implicites par lesquelles le ministre de l'intérieur, d'une part, a rejeté son recours hiérarchique reçu le 27 juin 2014 et, d'autre part, a refusé de lui communiquer les motifs de cette décision.

Par un jugement n° 1430272/5-1 du 16 avril 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire, enregistrés les 21 septembre 2015, 22 octobre 2015 et 30 août 2016, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1430272/5-1 du 16 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté en date du 10 mars 2014 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse, ensemble les décisions implicites par lesquelles le ministre de l'intérieur, d'une part, a rejeté son recours hiérarchique reçu le 27 juin 2014 et, d'autre part, a refusé de lui communiquer les motifs de cette décision ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa demande de regroupement familial ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son avocat, Me B..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- sa demande devant le Tribunal administratif de Paris et sa requête en appel sont recevables ;

- le mémoire en défense est irrecevable, dès lors qu'il n'est pas produit d'acte donnant pouvoir à son signataire d'ester en justice ;

- c'est à tort que le tribunal n'a pas recherché si les supérieurs du signataire de l'arrêté contesté étaient effectivement absents ou empêchés, alors que le préfet de police n'en justifiait pas ; par ailleurs, l'acte portant délégation de signature n'a pas été produit ;

- contrairement à ce qu'a estimé le préfet de police, sa demande de regroupement familial partiel en faveur de sa seule épouse respecte l'intérêt supérieur de sa fille mineure, consacré par les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dès lors que sa fille pourra poursuivre sa scolarité en Côte d'Ivoire en étant prise en charge par son frère et sa soeur aînés, majeurs ; en outre, il sollicitera un regroupement familial en faveur de sa fille lorsqu'il aura obtenu un logement plus spacieux ; ce faisant, l'arrêté contesté a méconnu ces stipulations et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté contesté méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à l'importante ancienneté de sa relation avec son épouse ;

- l'arrêté contesté méconnait les dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que ses ressources, bien qu'inférieures au SMIC, sont néanmoins stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille ; qu'en outre, d'une part, l'allocation personnalisée au logement doit être prise en compte dans ses ressources et, d'autre part, s'il travaillait à temps complet, son emploi lui permettrait de gagner le SMIC.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 août 2016, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la demande de M. A... enregistrée devant le Tribunal administratif de Paris était irrecevable pour tardiveté ;

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 10 septembre 2015 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 relative à la circulation et au séjour des personnes ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Mme Bernard a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité ivoirienne, relève appel du jugement du 16 avril 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 10 mars 2014 qui a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse, ensemble les décisions implicites par lesquelles le ministre de l'intérieur, d'une part, a rejeté son recours hiérarchique reçu le 27 juin 2014 et, d'autre part, a refusé de lui communiquer les motifs de cette décision en réponse à sa demande reçue le 6 septembre 2014.

I. Sur la recevabilité du mémoire présenté en défense :

2. Par arrêté n° 2015-00425 du 1er juin 2015, publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 5 juin 2015, le préfet de police a donné délégation à M. Jean-Pierre Louis-Philippe, secrétaire administratif de classe exceptionnelle, chef de la section du contentieux des étrangers, pour signer tous actes, dont les mémoires ou recours, à l'exclusion des recours en cassation dans la limite de ses attributions en cas d'absence ou d'empêchement de l'autorité administrative supérieure. La publication de l'arrêté du 1er juin 2015 portant délégation de signature est, en raison de l'objet d'un tel acte, suffisante pour lui conférer date certaine et le rendre opposable aux tiers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de M. C..., signataire du mémoire en défense, doit être écarté.

II. Sur la compétence du signataire de l'arrêté contesté :

3. Par arrêté n° 2013-01158 du 18 novembre 2013, publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 22 novembre 2013, le préfet de police a donné délégation à M. Christophe Besse, conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, chef du 6ème bureau de la sous-direction de l'administration des étrangers de la direction de la police générale de la préfecture de police, pour signer tous actes, arrêtés et décisions dans la limite de ses attributions en cas d'absence ou d'empêchement de l'autorité administrative supérieure. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que les supérieurs hiérarchiques du signataire n'auraient pas été absents ou empêchés. D'autre part, la publication de l'arrêté du 18 novembre 2013 portant délégation de signature est, en raison de l'objet d'un tel acte, suffisante pour lui conférer date certaine et le rendre opposable aux tiers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté comme manquant en fait.

III. Sur le bien-fondé de l'arrêté contesté :

4. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. ".

5. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet de police a rejeté la demande de regroupement familial présentée par M. A... au seul bénéfice de son épouse aux motifs, d'une part, qu'il n'était pas établi que l'intérêt supérieur de leur fille mineure née en 1999 ne serait pas méconnu et, d'autre part, que la moyenne mensuelle de ses ressources était inférieure au salaire minimum de croissance (SMIC) en vigueur.

A. En ce qui concerne le motif tiré de l'intérêt supérieur de la fille de M. A... :

6. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". En outre, il résulte des dispositions du second alinéa de l'article L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'un regroupement familial partiel peut être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants.

7. M. A... a sollicité un regroupement familial partiel au seul bénéfice de son épouse. Il ressort des pièces du dossier que M. A... et son épouse ont trois enfants, dont l'un est encore mineur. M. A... ne conteste pas que leur dernière fille, âgée de 14 ans à la date de sa demande, vit auprès de sa mère en Côte d'Ivoire. En se bornant à faire valoir, sans plus de précision, qu'il est dans l'intérêt de sa fille de poursuivre sa scolarité en Côte d'Ivoire, que son frère et sa soeur majeurs pourraient la prendre en charge et, de manière quelque peu contradictoire, qu'il sollicitera un regroupement familial en sa faveur lorsqu'il aura obtenu un logement plus spacieux, M. A... n'établit pas que la séparation de son épouse et de leur fille ne sera pas préjudiciable à cette dernière, alors que l'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de ses parents. Par suite, le préfet de police, en considérant que l'intérêt supérieur de l'enfant de M. A... s'opposait à sa demande de regroupement familial partiel, n'a méconnu ni les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ni les dispositions de l'article L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

B. En ce qui concerne le motif tiré de l'insuffisance des ressources de M. A... :

8. Il résulte des dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le regroupement familial peut notamment être refusé au motif que le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont à cet égard prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales, du revenu de solidarité active et de certaines autres allocations de solidarité. En vertu des dispositions de l'article R. 411-4 du même code, les ressources sont considérées comme suffisantes pour une famille de deux ou trois personnes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à la moyenne mensuelle du SMIC appréciées sur une période de douze mois.

9. M. A... ne conteste pas que la moyenne mensuelle de ses ressources sur la période de référence était inférieure au SMIC en vigueur, quand bien même le montant de l'aide personnalisée au logement qu'il perçoit serait prise en compte. En tout état de cause, l'aide personnalisée au logement, qui permet à son bénéficiaire de réduire ses dépenses de logement, est versée directement par la caisse d'allocations familiales à l'organisme bailleur. Elle ne constitue donc pas une ressource stable au sens des dispositions citées au point précédent. Par ailleurs, la circonstance que M. A... travaille à temps partiel et que, rapporté à un temps complet, son salaire serait égal ou supérieur au SMIC est sans emport, dès lors que seuls les revenus effectivement perçus peuvent être pris en compte pour apprécier le montant des ressources des demandeurs. Par suite, le préfet de police, en considérant que les ressources de M. A... étaient insuffisantes pour permettre de faire droit à sa demande de regroupement familial, n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées des articles L. 411-5 et R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

C. En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

10. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. M. A... fait valoir, sans plus de précision, que sa relation avec son épouse est ancienne, leur premier enfant étant né en 1991. Toutefois, M. A... ne conteste pas sérieusement l'allégation du préfet de police selon laquelle il réside en France depuis 1973, alors que son épouse a toujours vécu en Côte d'Ivoire. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 7 ci-dessus, la demande de regroupement familial partiel présentée par M. A... au seul bénéfice de son épouse méconnait l'intérêt supérieur de leur plus jeune enfant. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de police, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées par son avocat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 septembre 2016.

Le rapporteur,

A. BERNARDLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

A. CLEMENTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 15PA03686


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03686
Date de la décision : 19/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-01 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Demande de titre de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Aurélie BERNARD
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : PUILLANDRE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-09-19;15pa03686 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award