Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...A...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour.
Par un jugement n° 1424793/5-2 du 9 avril 2015, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé la décision implicite attaquée, d'autre part, enjoint au préfet de police de délivrer à Mme A... C...une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 juin 2015, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1424793/5-2 du 9 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...C...devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision implicite par laquelle il a rejeté la demande de titre de séjour de Mme A...C...au motif que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- si l'intéressée est née en France en 1987, elle ne produit aucune preuve de sa présence sur le territoire français entre février 2003 et décembre 2010 et ne verse au dossier que des pièces insuffisamment probantes pour justifier de l'effectivité de sa présence pour la période allant de l'année 2011 au mois d'avril 2013 ;
- le tribunal s'est exclusivement fondé sur les déclarations de l'intéressée pour retenir que cette absence de preuve résultait de sa déscolarisation et de sa désocialisation ;
- Mme A...C...ne démontre pas l'intensité et l'ancienneté de ses liens avec sa famille en France et ne justifie ni même n'allègue être dépourvue d'attaches au Maroc ;
- l'intéressée ne justifie d'aucune insertion professionnelle ;
- que s'agissant des autres moyens soulevés en première instance, il s'en rapporte à ses écritures devant le Tribunal administratif de Paris.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 septembre 2015, Mme A...C..., représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'absence de justificatif de sa présence en France s'explique par la situation familiale particulière dans laquelle elle a évolué durant son enfance, notamment les violences physiques commises par son père qui, si elles ne l'ont pas directement visée, ont nécessairement eu un impact sur elle et sa scolarité ;
- ses attaches familiales se situent en France auprès de sa mère, son frère et sa soeur ;
- si les deux promesses d'embauche qu'elle a produites concernent des métiers très différents, elles ont la particularité de ne nécessiter ni expérience ni diplôme ;
- la décision implicite du préfet de police est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Cheylan, premier conseiller,
- et les observations de Me Zaregradsky, avocat de Mme A...C....
1. Considérant que Mme A...C..., ressortissante marocaine née en France le 8 avril 1987, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 25 novembre 2013 ; que le silence gardé sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet ; que, par une lettre du 2 septembre 2014 en réponse à une demande de communication de motifs de cette décision, le préfet de police a indiqué que Mme A...C...n'apportait pas suffisamment de preuves de sa résidence en France pendant huit ans de façon continue ; que le préfet de police relève appel du jugement du 9 avril 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision ;
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...). " ;
3. Considérant que Mme A...C...fait valoir qu'elle n'a jamais quitté le territoire français depuis sa naissance en 1987, qu'elle a poursuivi toute sa scolarité en France avant d'être " déscolarisée par son père " en 2003, qu'elle vit chez sa mère, titulaire d'une carte de résident, et que sa soeur et son frère ont la nationalité française ; que toutefois, le certificat médical du 18 septembre 2015 qu'elle produit, par lequel un médecin généraliste atteste que l'intéressée est sa patiente régulièrement suivie depuis 2000, n'est pas de nature à établir la présence continue de Mme A... C...pendant ces 15 années ; que le carnet de santé qu'elle présente ne mentionne aucune consultation médicale postérieure à 1998 ; que les photographies produites, qui montrent de jeunes enfants avec leur mère, n'ont pas pu être réalisées après 2003 ; que les copies d'enveloppe à son nom expédiées en 2006 et en 2007 ne sont pas davantage de nature à démontrer qu'elle résidait habituellement en France à l'adresse mentionnée sur ces enveloppes ; que si la requérante fournit la copie des pages de deux passeports délivrés à son nom qui ne mentionnent qu'un séjour d'un mois au Maroc en 1999, l'examen de ces documents fait apparaître que la date de validité du premier passeport expirait en juin 2004 et que le second passeport n'a été établi qu'en mai 2011 ; qu'ainsi, ces documents ne sont d'aucune utilité pour démontrer sa présence en France entre 2004 et 2011 ; que le récépissé de dépôt de demande de renouvellement de son passeport en date du 20 mai 2011 et la décision lui refusant la délivrance d'un certificat de nationalité française notifiée le
17 juillet 2012, ne permettent d'attester que d'une présence ponctuelle aux dates indiquées ; que Mme A...C...fait valoir que l'absence de preuve de sa présence en France résulterait de sa déscolarisation et de sa désocialisation, liées aux violences commises par son père ; que s'il ressort des pièces du dossier que le père de Mme A...C..., qui a quitté le domicile conjugal en novembre 2009, a été condamné pour des violences commises à l'égard de son épouse et de son fils, cette circonstance ne saurait expliquer l'absence de justificatif de résidence habituelle en France de Mme A...C...sur une période de huit ans ; que, par ailleurs, Mme A...C...ne justifie pas de son insertion professionnelle en France ni même d'une perspective réelle d'activité en fournissant deux promesses d'embauche postérieures à la décision contestée ; que la requérante, qui est célibataire sans charge de famille, ne démontre pas être dépourvue d'attaches familiales au Maroc ; qu'à cet égard, elle n'apporte aucun élément au soutien de son allégation selon laquelle ses grands-parents, qui demeuraient au Maroc, seraient décédés ; que, dans ces conditions, et en dépit des attestations établies en septembre 2015 par des membres de sa famille et une personne se présentant comme un ami proche, la décision contestée n'a pas porté au droit de
Mme A...C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et des dispositions précitées pour annuler la décision par laquelle il a implicitement refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A...C... ;
4. Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... C...devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;
Sur les autres moyens invoqués par Mme A...C... :
5. Considérant, en premier lieu, que le préfet n'est tenu, en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour, et non de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, Mme A...C...n'établit pas être en situation de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 ; que, par suite, le préfet de police n'était pas tenu de saisir pour avis la commission du titre de séjour ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) " ;
7. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 3, que Mme A...C...ne justifie pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision contestée ; que, par suite, le préfet de police n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour visée à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
8. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que
Mme A...C...n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision par laquelle il a implicitement refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A...C... ; que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par
Mme A...C..., de même que celles qu'elle a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1424793/5-2 du 9 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A...C...devant le Tribunal administratif de Paris, ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- M. Boissy, premier conseiller,
- M. Cheylan, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 juillet 2016.
Le rapporteur,
F. CHEYLAN Le président,
L. DRIENCOURT
Le greffier,
A-L. PINTEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02339