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08/07/2016 | FRANCE | N°15PA01788

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 08 juillet 2016, 15PA01788


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) " On aura tout vu " a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des années 2009 et 2010, ainsi que la décharge des pénalités correspondantes, d'autre part, l'annulation de l'avis de compensation établi le 20 août 2013.

Par un jugement n° 1412026 du 3 mars 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de la socié

té " On aura tout vu ".

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 mai 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) " On aura tout vu " a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des années 2009 et 2010, ainsi que la décharge des pénalités correspondantes, d'autre part, l'annulation de l'avis de compensation établi le 20 août 2013.

Par un jugement n° 1412026 du 3 mars 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de la société " On aura tout vu ".

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 mai 2015, la société " On aura tout vu ", représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1412026 du 3 mars 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la compensation opérée à hauteur de 28 212 euros ;

3°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie et des pénalités correspondantes ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la distinction opérée par l'administration selon que le gérant détient ou non la majorité du capital social n'est pas prévue par le texte, dont l'objectif principal est de s'assurer que le gérant exerce effectivement des fonctions techniques au sein de l'entreprise ; une telle distinction tend d'ailleurs à disparaître si l'on considère le statut d'autres mandataires sociaux, par exemple celui du président d'une société par actions simplifiée ;

- le traitement comptable des rémunérations du personnel conforte l'analyse selon laquelle la rémunération du gérant doit être assimilée à un salaire ;

- le crédit d'impôt recherche étant un régime prévu par le code général des impôts, il convient de se référer à la notion de " salaires " telle qu'elle est retenue par ce code et non à celle de " salarié " définie par le code du travail ; les rémunérations versées à M. A...sont assimilées, en matière d'impôt sur le revenu, à des traitements et salaires conformément à l'article 62 du code général des impôts ; il en résulte que le terme de " salaires " mentionné par l'article 244 quater B du code général des impôts comprend les rémunérations attribuées à un gérant majoritaire de SARL ;

- la documentation 4A-4152 à jour au 9 mars 2001 n° 7 et l'instruction 4A-1-00 du

21 janvier 2000, qui ne visent pas spécifiquement les rémunérations attribuées aux salariés au sens du code du travail, se réfèrent aux " dépenses de personnel " ; ces commentaires renvoient au paragraphe 6 de la documentation 4A-4113 qui retient une définition fiscale des salaires ;

- l'administration a confirmé par rescrit du 15 septembre 2009 que la rémunération d'un gérant majoritaire de SARL était éligible aux dépenses prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt recherche ; selon cette décision, ni les textes applicables ni la documentation 4A-412 ne réduisent les dépenses de personnel éligibles aux seules dépenses de personnel salarié ; cette documentation 4A-412 précise qu'en ce qui concerne les modalités de prise en compte des rémunérations des personnels de recherche, il convient de se reporter à la documentation 4A-4113 ; ainsi, le rescrit confirme l'interprétation selon laquelle les notions de " dépenses de personnel " et de " salaires " doivent être retenues selon une définition propre au code général des impôts " ;

- la documentation 5H-12 paragraphe 2, qui énumère les éléments imposables selon les modalités de l'article 62 du code général des impôts, mentionne les allocations, indemnités ou gratifications versées par la société à quelque titre que ce soit ;

- d'un point de vue économique, refuser la prise en compte des rémunérations des gérants majoritaires de SARL constituerait un frein au développement de l'activité créatrice de la mode en France.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 novembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions dirigées contre l'avis de compensation sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Cheylan, premier conseiller,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.

1. Considérant que la société " On aura tout vu " a pour activité, d'une part, la création de modèles de vêtement de haute couture uniques vendus à une clientèle spécifique, d'autre part, la fabrication d'accessoires et de produits dérivés vendus dans des boutiques au détail ou vendus en gros à des entreprises du secteur du luxe ; qu'elle a bénéficié du remboursement de créances relatives au crédit d'impôt en faveur de la recherche pour des montants de 80 568 euros en 2009 et 68 576 euros en 2010 ; que, lors d'une vérification de comptabilité, l'administration a remis en cause une fraction du crédit d'impôt correspondant à la quote-part des rémunérations versées à M. A...en sa qualité de directeur artistique, au motif que ces rémunérations ne constituaient pas des salaires ; que, par une proposition de rectification du 1er août 2012, des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés ont en conséquence été notifiés à la société " On aura tout vu " au titre des années 2009 et 2010 ; que l'administration a procédé, par un avis du 20 août 2013, à une compensation entre le montant de la créance de crédit d'impôt que détenait la société et des impositions dont celle-ci était par ailleurs redevable ; que la société " On aura tout vu " relève appel du jugement du 3 mars 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui avaient été assignées à la suite de ce contrôle ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la compensation :

2. Considérant qu'en utilisant, au stade du recouvrement, la compensation pour affecter la créance de crédit d'impôt détenue par la société " On aura tout vu " au paiement de dettes fiscales dues par cette dernière, l'administration fiscale a pris une décision qui n'est pas détachable de la procédure contentieuse engagée par la société ; que, dès lors, les conclusions de la requête de la société " On aura tout vu " qui tendent à l'annulation de l'avis de compensation établi le

20 août 2013 à hauteur d'une somme de 28 212 euros, ne sont pas recevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions en décharge :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. Le taux du crédit d'impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d'euros et de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant. / (...) II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : / (...) b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. (...) / (...) h) Les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir et définies comme suit : / 1° Les salaires et charges sociales afférents aux stylistes et techniciens des bureaux de style directement et exclusivement chargés de la conception de nouveaux produits (...) / 2° Les dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l'état neuf qui sont directement affectées à la réalisation d'opérations visées au 1° (...) " ; que l'article 49 septies I de l'annexe III au même code dispose : " Pour la détermination des dépenses de recherche visées aux a, b, f et au 2° du h du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, il y a lieu de retenir : / a. Les dotations aux amortissements fiscalement déductibles ; / b. Au titre des dépenses de personnel, les rémunérations et leurs accessoires ainsi que les charges sociales, dans la mesure où celles-ci correspondent à des cotisations sociales obligatoires. " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir peuvent bénéficier du crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche telles que définies par les dispositions du h) du II de l'article 244 quater B ; que ces dispositions visaient, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009, les salaires et charges sociales afférents aux stylistes et techniciens des bureaux de style ; que le législateur, en précisant que seuls les salaires pouvaient être pris en compte dans les dépenses de recherche exposées par les entreprises de ce secteur, a nécessairement entendu limiter les dépenses éligibles aux rémunérations allouées au titre d'un contrat de travail ; que les dépenses de personnel mentionnées par les dispositions de l'article 49 septies I de l'annexe III concernent les seules dépenses visées par les dispositions du b) du II de l'article 244 quater B, qui ne sont pas applicables aux entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le crédit d'impôt dont la société requérante a obtenu la restitution comprenait une quote-part de rémunérations versées à M. A...correspondant, selon les déclarations de la société, à des fonctions de directeur artistique ; que celui-ci, qui détenait 51 % des parts du capital social, était gérant majoritaire de la société ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et qu'il n'est pas allégué que les rémunérations en litige auraient été allouées à M. A...au titre d'un contrat de travail ; que la société requérante se prévaut de ce que le montant imposable des rémunérations perçues par certains gérants majoritaires de sociétés à responsabilité limitée est déterminé, en application de l'article 62 du code général des impôts, selon les règles applicables aux traitements et salaires ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 4, la notion de salaires doit être regardée comme faisant référence aux rémunérations allouées au titre d'un contrat de travail ; que, dès lors, la catégorie d'imposition retenue en matière d'impôt sur le revenu est sans incidence sur la qualification des dépenses de recherches ouvrant droit au crédit d'impôt pour les entreprises du secteur textile-habillement-cuir ; qu'en l'absence de dispositions expresses en ce sens, le traitement comptable des rémunérations en cause ne saurait être pris en compte pour l'application des règles fiscales prévues par l'article 244 quater B ; que, par suite, c'est par une exacte application des dispositions précitées que le bénéfice du crédit d'impôt a été refusé à concurrence des rémunérations en litige ;

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

6. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. " ; que si ces dispositions instituent une garantie contre les changements de doctrine de l'administration, qui permet aux contribuables de se prévaloir des énonciations contenues dans les notes ou instructions publiées, qui ajoutent à la loi ou la contredisent, c'est à la condition que les intéressés entrent dans les prévisions de la doctrine, appliquée littéralement, résultant de ces énonciations ; que le juge ne peut se fonder sur les intentions des auteurs d'une instruction pour en apprécier sa portée ;

7. Considérant que la société requérante invoque les commentaires reproduits dans la documentation de base référencée 4A-4152 n° 2 à jour au 9 mars 2001, selon lesquels " Sont pris en compte les salaires et charges sociales afférents aux stylistes et techniciens de bureaux de style directement et exclusivement chargés de la conception des collections de nouveaux produits et aux ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation de prototypes et d'échantillons non vendus ", ainsi que les commentaires reproduits au n° 7 de la même documentation qui précisent que les dépenses de personnel sont retenues dans les conditions générales exposées aux paragraphes 6 et suivants de la documentation de base 4A-4113 ; que toutefois, les commentaires du paragraphe 2 de la documentation 4A-4152 ne contiennent pas d'interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt ; que la documentation de base 4A-4113, et en particulier son paragraphe 6, visent les dispositions du b) du II de l'article 244 quater B qui ne sont pas applicables aux entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir ; qu'ainsi, la société n'entre pas dans les prévisions de ladite documentation ; que si la société soutient que l'utilisation des notions de salaires et de dépenses de personnel dans la même documentation permet de conclure à une confusion des deux notions, il n'appartient pas au juge d'apprécier l'intention des auteurs de la documentation invoquée ; que le paragraphe 2 de la documentation 5H-12 cité par la société requérante, qui énumère les éléments imposables selon les modalités de l'article 62 du code général des impôts, ne saurait être regardé comme contenant une interprétation formelle de

l'article 244 quater B qui constitue le fondement légal des rehaussements ; que, par suite, la société requérante ne peut utilement se prévaloir des commentaires ci-dessus mentionnés sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

8. Considérant que la société requérante invoque en outre une décision de rescrit 2009/53 du 15 septembre 2009 de portée générale qui admet que les dépenses de personnel concernant des gérants majoritaires exposées par des sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés puissent être incluses dans l'assiette du crédit d'impôt recherche ; que toutefois, cette réponse commente les dispositions du b) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts et celles de

l'article 49 septies I de l'annexe III au même code qui, ainsi qu'il a été dit au point 4, ne sont pas applicables aux entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir ; que, dès lors, la société requérante, qui n'entre pas dans les prévisions de cette décision, ne saurait s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société " On aura tout vu " n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, verse à la société " On aura tout vu " la somme qu'elle demande sur ce fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société " On aura tout vu " est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée " On aura tout vu " et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Driencourt, président de chambre,

- M. Boissy, premier conseiller,

- M. Cheylan, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 juillet 2016.

Le rapporteur,

F. CHEYLAN Le président,

L. DRIENCOURTLe greffier,

A-L. PINTEAU

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA01788


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA01788
Date de la décision : 08/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: M. Frédéric CHEYLAN
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : C.V.S.

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-07-08;15pa01788 ?
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