La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2016 | FRANCE | N°15PA01036

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 30 juin 2016, 15PA01036


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Net Aveyron a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) a rejeté sa demande tendant au remboursement de la somme de 83 519,39 euros versée au titre de la redevance annuelle domaniale de mise à disposition de fréquences radioélectriques pour les années 2009 et 2010, d'autre part, d'enjoindre à l'Etat de lui restituer la somme de 83 519,39 euros, assortie

des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts.

Par un jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Net Aveyron a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) a rejeté sa demande tendant au remboursement de la somme de 83 519,39 euros versée au titre de la redevance annuelle domaniale de mise à disposition de fréquences radioélectriques pour les années 2009 et 2010, d'autre part, d'enjoindre à l'Etat de lui restituer la somme de 83 519,39 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1401894/5-2 du 5 février 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 mars 2015, la société Net Aveyron représentée par Me A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1401894/5-2 du 5 février 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle l'ARCEP a rejeté sa demande tendant au remboursement de la somme de 83 519,39 euros versée au titre de la redevance annuelle domaniale de mise à disposition de fréquences radioélectriques pour les années 2009 et 2010 ;

3°) de condamner l'Etat à lui restituer la somme de 83 519,39 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts à compter du 17 mai 2013 ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle maintient ses moyens de première instance ;

- le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de l'illégalité du montant des coefficients visés à l'article 5 du décret n° 2007-1532, en particulier le coefficient " k1 ", dont le caractère objectif et pertinent n'est pas démontré, entachant son jugement d'irrégularité ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en validant les modalités de calcul de la redevance au regard de la décision SNIR du Conseil d'Etat ;

- l'ARCEP n'apporte aucune justification sur les avantages économiques auxquels sont censés correspondre certains coefficients servant de base de calcul à la redevance, alors que c'est sur elle que repose la charge de la preuve de la prise en compte dans la fixation des règles de calcul de la redevance des avantages retirés par le titulaire de l'autorisation et du caractère juste et proportionné de la valeur des coefficients retenus ;

- les différents coefficients définis à l'article 5 du décret n° 2007-1532 ont été fixés sans aucune justification de leur montant et ne permettent ni à l'exposante ni au juge d'exercer leur contrôle sur la base de calcul de la redevance en litige ;

- la redevance contestée devra être remboursée dès lors que le décret n° 2007-1532 a fixé des règles et un taux uniformes de redevance pour les faisceaux hertziens sans tenir compte des différences de situation avec les opérateurs mobiles et des avantages retirés par l'occupation domaniale, en violation du principe de non-discrimination posé par l'article 13 de la directive 2002/20/CE et des principes qui gouvernent l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques ;

- les sociétés du groupe Altitude sont assujetties aux mêmes règles des articles 4 et 5 du décret de 2007 que les opérateurs mobiles concernant les redevances relatives aux faisceaux hertziens alors qu'ils sont placés dans des situations différentes et ne retirent pas les mêmes avantages de l'exploitation de ces faisceaux, en violation du principe général d'égalité ;

- si le Conseil d'Etat a, dans sa décision société BLS, écarté le moyen tiré de la méconnaissance par le calcul de la redevance domaniale l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, il l'a fait antérieurement aux difficultés économiques rencontrées par les sociétés du groupe Altitude à raison de l'échec de la technologie Wimax ;

- si l'exposante n'entend pas soutenir que la redevance litigieuse est, à elle seule, la cause de ses difficultés économiques, son caractère disproportionné au regard de ses résultats d'exploitation et de l'usage qu'elle retire de l'autorisation, méconnait l'article 13 de la directive " autorisation ".

Une mise en demeure a été adressée à l'ARCEP le 18 janvier 2016, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive " autorisation ") ;

- la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et les services de communications électroniques (directive " cadre ") ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des postes et communications électroniques ;

- le décret n° 2007-1531 du 24 octobre 2007 instituant une redevance destinée à couvrir les coûts exposés par l'Etat pour la gestion de fréquences radioélectriques ;

- le décret n° 2007-1532 du 24 octobre 2007 relatif aux redevances d'utilisation des fréquences radioélectriques dues par les titulaires d'autorisations d'utilisation de fréquences délivrées par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ;

- l'arrêté du 24 octobre 2007 portant application du décret n° 2007-1532 du 24 octobre 2007 relatif aux redevances d'utilisation des fréquences radioélectriques dues par les titulaires d'autorisations d'utilisation de fréquences délivrées par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- et les conclusions de M. Roussel, rapporteur public.

1. Considérant que la société Net Aveyron relève appel du jugement du 5 février 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle l'ARCEP a rejeté sa demande tendant, d'une part, au remboursement de la somme de 83 519,39 euros versée au titre de la redevance annuelle domaniale de mise à disposition de fréquences radioélectriques pour les années 2009 et 2010, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de lui restituer la somme de 83 519,39 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que la société Net Aveyron soutient que le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de l'illégalité du montant des coefficients de calcul de la redevance domaniale " bf ", " es ", et " k1 ", entachant les jugements attaqués d'irrégularité ; qu'il ressort, toutefois, de la lecture desdits jugements qu'ils répondent aux points 7 à 10, au moyen tiré de ce que le niveau des coefficients retenus pour le calcul de la redevance méconnaitrait le principe de proportionnalité ; que, par suite, et alors qu'ils n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments invoqués à l'appui de ce moyen, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'une omission à statuer sur un moyen opérant ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 13 de la directive 2002/20 du 7 mars 2002 susvisée : " Les Etats membres peuvent permettre à l'autorité compétence de soumettre à une redevance les droits d'utilisation des radiofréquences ou des numéros ou les droits de mettre en place des ressources sur ou sous des biens publics ou privés, afin de tenir compte de la nécessité d'assurer une utilisation optimale de ces ressources. Les Etats membres font en sorte que ces redevances soient objectivement justifiées, transparentes, non discriminatoires et proportionnées eu égard à l'usage auquel elles sont destinées et tiennent compte des objectifs fixés à l'article 8 de la directive 2002/21/CE (directive cadre) " ; qu'aux termes de cet article : " (...) Les autorités réglementaires nationales promeuvent la concurrence dans la fourniture des réseaux de communications électroniques, des services de communications électroniques et des ressources et services associés, (...), contribuent au développement du marché intérieur, (...) soutiennent les intérêts des citoyens de l'Union européenne " ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 2007-1532 du 24 octobre 2007 susvisé : " Les titulaires d'une autorisation d'utilisation de fréquences (...) accordée par une décision de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes sont assujettis : (...) - au paiement d'une redevance annuelle domaniale de mise à disposition de fréquences radioélectriques dont le montant est déterminé conformément au chapitre Ier du présent décret (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de ce décret : " Par dérogation à l'article 2, les titulaires d'une autorisation d'utilisation de fréquences exploitant un réseau mobile terrestre ouvert au public sont assujettis au paiement d'une redevance dont le montant est déterminé par le chapitre III. Lorsqu'il n'est pas déterminé par le chapitre III, ce montant est précisé dans le cahier des charges annexé aux autorisations correspondantes. / Pour les autorisations d'utilisation des fréquences pour l'exploitation d'un réseau mobile terrestre ouvert au public, les chapitres Ier et II et le premier alinéa de l'article 14 du présent décret ne sont pas applicables " ; qu'aux termes de l'article 4 dudit décret : " Les coefficients définis ci-après servent au calcul des montants des redevances. / Le coefficient " l " représente la largeur de bande de fréquences attribuée, exprimée en MHz. / Le coefficient " bf " caractérise la bande de fréquences. / Le coefficient " lb " caractérise l'adéquation de longueur de bond dans le cas du service fixe point à point. / Le coefficient " es " caractérise l'efficacité spectrale dans le cas du service fixe point à point. / Le coefficient " a " caractérise les autorisations d'utilisation de fréquences par allotissement. / Le coefficient " c " caractérise la surface couverte par l'autorisation d'utilisation de fréquences. / Les coefficients " k1 ", " k2 ", " k3 ", " k4 " sont des valeurs de référence. / Les valeurs des coefficients bf, lb, es, a, k1, k2, k3, k4 sont fixées par arrêté du ministre chargé des communications électroniques " ; qu'aux termes de l'article 5 du même décret : " Pour une assignation du service fixe point à point, le montant annuel, exprimé en euros, de la redevance de mise à disposition résulte du produit des coefficients l, bf, lb, es, k1 (...) " ;

5. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation. " ;

6. Considérant que la société Net Aveyron soutient que les modalités de calcul fixées par le décret n° 2007-1532 ne répondent pas à l'objectif de gestion optimale des ressources en radiofréquences fixé par l'article 13 de la directive 2002/20/CE et par l'article 8 de la directive 2002/21/CE et ne sont pas conformes aux principes qui gouvernent l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques en n'intégrant ni le chiffre d'affaires réalisé grâce à l'occupation, ni la localisation précise de l'autorisation sur le territoire, ni la densité démographique de la zone couverte par l'allotissement ou l'assignation ; que, d'une part, en proportionnant la fixation de la redevance domaniale de mise à disposition des radiofréquences à la largeur de la bande de fréquence attribuée et à la surface couverte par l'autorisation d'utilisation de fréquences et en tenant compte ainsi des avantages tirés de l'utilisation de la fréquence, le décret litigieux répond à l'objectif de gestion optimale des ressources en radiofréquences fixé par l'article 13 de la directive 2002/20 et ne contrevient pas aux dispositions précitées de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques ; que, d'autre part, la société requérante n'établit pas, par les éléments qu'elle produit, que les modalités de fixation de la redevance litigieuse conduiraient à un montant disproportionné aux avantages procurés par l'occupation du domaine public hertzien, nonobstant la baisse des résultats commerciaux des opérateurs titulaires d'autorisations de fréquences hertziennes utilisant le système d'exploitation WiMAX depuis l'intervention du décret

n° 2007-1532 invoquée par la société requérante ; que, dans ces conditions, le moyen soulevé ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant que si la société Net Aveyron soutient qu'il n'est pas justifié de la pertinence économique des niveaux des coefficients " bf " et " k1 ", tels qu'ils ont fixés par les dispositions de l'arrêté du 24 mars 2007 susvisé, elle ne fournit aucun commencement de critique desdits coefficients à l'appui de son moyen ; que, dans ces conditions, il ne peut qu'être écarté ; que si elle soutient, en outre, que la fixation du niveau des coefficients s'appliquant au service fixe point à point, notamment le coefficient " es ", à un montant identique pour l'ensemble des entreprises titulaires d'une autorisation d'utilisation de fréquences, sans distinction selon la nature des services offerts aux clients finaux révèle des critères d'établissement du montant des redevances déconnectés de toute considération de l'usage effectif qui est fait du domaine public hertzien, elle n'établit ni que la différence de situation entre les entreprises selon la nature des services offerts imposerait, notamment au regard du droit de l'Union, une fixation des coefficients en cause à des niveaux différents ni, en tout état de cause, que le montant de la redevance litigieuse revêtirait, de cette seule circonstance, un caractère disproportionné ; que le moyen soulevé doit, par suite, être écarté ;

8. Considérant que la société Net Aveyron soutenait également en première instance qu'aucune différence de situation entre les opérateurs exploitant un réseau hertzien fixe et les opérateurs exploitant un réseau mobile terrestre ouvert au public ne permet de justifier des modalités de calcul différentes de la redevance annuelle domaniale due par ces deux catégories d'opérateur, et que, partant, les dispositions précitées du décret n° 2007-1532 méconnaissent le principe d'égalité ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que ces opérateurs sont, tant d'un point de vue juridique que d'un point de vue technique et économique, placés dans des situations différentes ; que, d'une part, en application des dispositions de l'article L. 42-2 du code des postes et des communications électroniques, seules les autorisations d'utilisation des fréquences permettant l'exploitation d'un réseau mobile ouvert au public font l'objet d'une sélection par appel à candidature, les autorisations d'utilisation des fréquences fixes étant délivrées au fur et à mesure des demandes reçues par l'ARCEP ; que, d'autre part, d'un point de vue technique, les opérateurs exploitant un réseau hertzien fixe, qui se répartissent entre les opérateurs de service fixe point à point et les opérateurs de boucle locale radio, ont vocation à assurer un service local principalement destiné à permettre l'accès à la ressource numérique des territoires ruraux, alors que les opérateurs exploitant un réseau mobile terrestre ouvert au public ont vocation à offrir principalement des services de téléphonie mobile à l'échelle nationale ; qu'enfin, les conditions d'exploitation commerciale de la ressource hertzienne occupée par les opérateurs de réseaux fixes et les opérateurs de réseaux mobiles diffèrent profondément, ces derniers comptant près de 73,1 millions de clients au 31 décembre 2012 et ayant généré cette même année un chiffre d'affaires de 18 milliards d'euros quand les premiers comptaient à la même date moins de 50 000 abonnés pour un chiffre d'affaires de 15 millions d'euros ; que, par suite, le moyen tiré de la rupture d'égalité entre les différentes catégories d'opérateurs doit être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Net Aveyron n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions d'appel à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Net Aveyron est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Net Aveyron et à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Polizzi, président assesseur,

- Mme Julliard, première conseillère,

Lu en audience publique, le 30 juin 2016.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

N. ADOUANE

La République mande et ordonne au la ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

5

N° 10PA03855

2

N° 15PA01036


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA01036
Date de la décision : 30/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SELARL ERIC VEVE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-06-30;15pa01036 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award