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30/06/2016 | FRANCE | N°15PA00209

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 30 juin 2016, 15PA00209


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1402944 du 14 novembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2015, M.A..., représenté par MeB..., demande à la Cou

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1°) d'annuler le jugement n° 1402944 du 14 novembre 2014 du Tribunal administratif de Paris ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1402944 du 14 novembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2015, M.A..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1402944 du 14 novembre 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la proposition de rectification du 6 décembre 2011 est insuffisamment motivée dès lors que le service vérificateur n'a pas exposé la méthode qu'il a utilisée pour reconstituer les chiffres d'affaires et les bénéfices des exercices vérifiés ;

- le service n'a utilisé qu'une seule méthode de reconstitution des chiffres d'affaires et des bénéfices des exercices vérifiés ;

- la méthode utilisée est radicalement viciée dans son principe et dans son montant ; le service n'a pas tenu compte des renseignements apportés pendant les opérations de contrôle et dès lors, la reconstitution effectuée ne correspond pas aux conditions d'exploitation du restaurant ;

- le service aurait dû utiliser la méthode dite des liquides ou celle dite du riz ;

- les interventions sur place n'étaient pas suffisantes pour procéder à des constatations représentatives de la consommation et du fonctionnement du restaurant sur toute la période vérifiée ;

- à titre subsidiaire, la méthode utilisée est excessivement sommaire ;

- si la Cour décide de ne pas procéder à la décharge totale des impositions supplémentaires, il lui est demandé de fixer les bases " ex aequo et bono " en réduisant les redressements de moitié ;

- les pénalités infligées sur le fondement du a) de l'article 1729 du code général des impôts ne sont pas motivées ;

- elles ne sont pas justifiées dès lors que le service ne démontre pas le caractère intentionnel qui caractérise le manquement délibéré ou la mauvaise foi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

-la requête est irrecevable en application de l'article R. 411-1 du code de justice administrative dès lors que M. A...s'est borné à reproduire sa demande de première instance sans avoir présenté de moyens nouveaux dans le délai d'appel ;

- les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.

1. Considérant que " La Cascade ", restaurant de spécialités asiatiques, exploité à titre individuel par M.A..., a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle le service vérificateur a notamment écarté la comptabilité qui lui avait été présentée et reconstitué les chiffres d'affaires et les bénéfices des exercices vérifiés ; que M. A..., qui conteste les redressements correspondant à cette reconstitution, relève appel du jugement du 14 novembre 2014, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondantes ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.(...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon utile ;

3. Considérant que la proposition de rectification du 6 décembre 2011 adressée à M. A... mentionne les impositions et les années concernées, ainsi que la nature, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, dans des conditions de nature à permettre au contribuable de connaître et de contester utilement les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge ; qu'à cet égard, ce document précise les raisons ayant conduit le vérificateur à écarter la comptabilité présentée, en relevant les nombreuses irrégularités l'entachant ainsi que l'absence de production de pièces justificatives, lui ôtant selon lui toute valeur probante ; qu'il expose également la méthode et les modalités de reconstitution des recettes dégagées par l'activité du restaurant au cours des exercices en cause ; qu'en particulier, les modalités de détermination du coefficient de 1,6 qui est appliqué par le service au chiffre d'affaires hors taxe déclaré afin d'obtenir le montant du chiffre d'affaires taxable en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sont précisées ; que le service n'était pas tenu de décrire dans la proposition de rectification les autres méthodes possibles de reconstitution des recettes de l'activité de restauration de M. A...ni de faire état des motifs l'ayant conduit à rejeter ces méthodes ; qu'ainsi, M. A...n'est pas fondé à soutenir que, faute pour le vérificateur d'avoir exposé les raisons pour lesquelles il n'a pas été fait application de la méthode dite des liquides ou de celle dite du riz, qu'il estime plus appropriées à la reconstitution du chiffre d'affaires d'un restaurant de spécialités asiatiques, la proposition de rectification serait insuffisamment motivée au regard des exigences des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...a contesté, dans le délai de trente jours qui lui était imparti, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée que le service lui a notifiés selon la procédure de rectification contradictoire ; qu'il incombe, dès lors, à l'administration d'établir le bien-fondé de ces rappels ;

En ce qui concerne la méthode de reconstitution retenue par l'administration :

5. Considérant que, pour reconstituer les recettes réalisées par le restaurant La Cascade pendant la période vérifiée, le vérificateur s'est fondé sur les tableaux récapitulatifs mensuels des ventes journalières fournis par M.A..., mettant en évidence un pourcentage moyen de règlements en espèces de 16 %, et sur les constatations matérielles qu'il a effectuées dans le restaurant lors de quatre visites, dont il est ressorti que le pourcentage moyen de paiement en espèces s'élevait en réalité à 76 % ; que le service en a déduit une omission des recettes en espèces de 60 % ; qu'afin d'obtenir le montant du chiffre d'affaires taxable et celui des bénéfices imposables de l'activité de restauration de M.A..., il a alors appliqué un coefficient de 1,60 au chiffre d'affaires hors taxe déclaré par le contribuable ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur s'est rendu à quatre reprises au sein de l'établissement La Cascade, trois fois à l'heure du déjeuner et une fois, à l'heure du dîner, afin d'examiner les modes de consommation et de règlement de la clientèle, ainsi que les conditions d'exploitation du restaurant, lesquelles sont demeurées identiques pendant la période vérifiée ; qu'en l'absence de dépôt d'espèces sur le compte bancaire de l'entreprise, de terminal de carte bancaire au sein de l'établissement et de toutes pièces justificatives fiables quant aux recettes de celui-ci, ces interventions sur place étaient suffisantes pour permettre au service d'opérer des constatations représentatives des ventes et du fonctionnement de ce restaurant ; que, si M. A...soutient que la méthode des liquides ou celle du riz auraient permis de retracer de manière plus réaliste les ventes de son restaurant, la globalisation des recettes ne permettait pas une ventilation des types de consommations ; qu'il s'ensuit qu'eu égard aux données comptables disponibles, la méthode de reconstitution retenue pas l'administration n'était ni excessivement sommaire ni radicalement viciée ; que, par suite, les conclusions présentées à titre subsidiaire par M. A...tendant à ce que la Cour fixe les nouvelles bases d'imposition ex aequo et bono, doivent être rejetées ;

7. Considérant, enfin, que l'instruction administrative reprise à la documentation de base 4 G 3342 n° 4, qui précise notamment que, le cas échéant, les bases imposables du contribuable sont reconstituées selon plusieurs méthodes de reconstitution ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale, au sens et pour l'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dont M. A...serait fondé à se prévaloir ;

Sur l'application des pénalités de l'article 1729 du code général des impôts :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable.(...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'administration doit faire connaître au contribuable, au moins trente jours avant la mise en recouvrement de la pénalité, les motifs de la sanction envisagée et la possibilité de présenter ses observations ;

9. Considérant, en premier lieu, que la proposition de rectification du 6 décembre 2011 qui a été adressée à M.A... plus de 30 jours avant la mise en recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge en sa qualité d'exploitant du restaurant La Cascade pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, fait référence, sous un chapitre relatif aux pénalités, à la majoration pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts et en précise le taux ; que ce document mentionne qu'en " s'abstenant de comptabiliser une proportion importante des recettes en espèces ", ce que ne pouvait ignorer M.A..., celui-ci a " volontairement minoré le chiffre d'affaires déclaré " dans des proportions importantes et de manière réitérée au cours de chaque année ; que l'administration, qui a également laissé au redevable un délai de trente jours pour présenter ses observations, a ainsi régulièrement motivé la pénalité pour manquement délibéré dont ont été assorties les impositions supplémentaires en litige ;

10. Considérant, en second lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts que la pénalité pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives ; que, pour établir cette mauvaise foi, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt ;

11. Considérant que, comme il a déjà été dit, si les tableaux récapitulatifs mensuels des ventes journalières fournis par M. A...mettaient en évidence un pourcentage de règlements en espèces de 16 %, le service a finalement retenu un pourcentage de paiement en espèces de l'ordre de 76 % et en a déduit que 60 % des recettes payées en espèces n'avaient pas été déclarées par le contribuable ; qu'eu égard à l'importance des recettes réglées en espèces qui n'ont ainsi pas été comptabilisées et à la gravité des irrégularités comptables relevées par le service et qui ne sont pas contestées par le requérant, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'insuffisance des déclarations de M. A...et de son intention délibérée de se soustraire à l'impôt et, par suite, du bien-fondé de la pénalité en litige ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des finances et des comptes publics, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (Pôle fiscal de Paris centre et services spécialisés).

Délibéré après l'audience du 16 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Coiffet, président,

- M. Platillero, premier conseiller,

- Mme Larsonnier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 30 juin 2016.

Le rapporteur,

V. LARSONNIERLe président,

V. COIFFET

Le greffier,

S. JUSTINELa République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA00209


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00209
Date de la décision : 30/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : Mme COIFFET
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : SELARL RSDA

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-06-30;15pa00209 ?
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