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28/06/2016 | FRANCE | N°15PA02678

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 28 juin 2016, 15PA02678


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société de fait Pelamourgues et Valadier Escurial a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007.

Par un jugement n° 1101672/1-2 du 15 mai 2012, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12PA03268 du 28 mai 2013, la Cour administrative d'appel de Paris a, sur l'appel de la société, réduit le chiffre d

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société de fait Pelamourgues et Valadier Escurial a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007.

Par un jugement n° 1101672/1-2 du 15 mai 2012, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12PA03268 du 28 mai 2013, la Cour administrative d'appel de Paris a, sur l'appel de la société, réduit le chiffre d'affaires retenu par l'administration au titre des deux années en litige, en conséquence de la prise en compte, d'une part, d'un pourcentage de vins non vendus en salle de 7% au lieu de 5% et, d'autre part, de la vente de " formules " au cours du second semestre 2007, déchargé la société de fait Pelamourgues et Valadier Escurial en droits et pénalités des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, en conséquence de la réduction de sa base d'imposition, alloué à la requérante une somme de 1 000 euros au titre des frais d'instance, et, par l'article 4 de son arrêt, rejeté le surplus de la requête.

Par décision n° 371212 du 29 juin 2015 le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'article 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris n° 12PA03268 du 28 mai 2013 et, dans la mesure de la cassation ainsi prononcée, renvoyé l'affaire devant ladite Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 juillet 2012, 8 mars 2013, 25 avril 2013, 14 mai 2013 et 10 juin 2016, la société de fait Pelamourgues et Valadier Escurial, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101668/1-2 du Tribunal administratif de Paris du

15 mai 2012 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) si nécessaire, de faire procéder à une expertise ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 784 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification du 5 mars 2009 est insuffisamment motivée ;

- la charge de la preuve incombe à l'administration ;

- contrairement à ce que prescrit la doctrine, le vérificateur n'a utilisé qu'une seule méthode de reconstitution ;

- l'échantillon utilisé n'était pas représentatif ;

- la méthode de reconstitution des recettes est excessivement sommaire et radicalement viciée ; elle comporte, en outre des erreurs en ce qui concerne les stocks d'entrée et de sortie, les achats revendus non pondérés, le prix de vente de certains vins, notamment ceux servis dans les formules, le pourcentage des vins non vendus en salle, la prise en compte des formules repas ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas fondées.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 janvier et 15 avril 2013, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête est irrecevable, à défaut du paiement par l'appelante de la contribution pour l'aide juridique, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 3 septembre 2015 la clôture de l'instruction a été fixée

au 2 novembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Legeai,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de Me Lebegue, avocat substitué, représentant la société de fait Pelamourgues et Valadier Escurial.

Une note en délibéré, enregistrée le 16 juin 2016, a été présentée par Me A...pour la société Pelamourgues et Valadier Escurial.

1. Considérant que la société de fait Pelamourgues et Valadier Escurial exploite un

bar-brasserie dans le troisième arrondissement de Paris ; que cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2006 et 2007 ; qu'à l'issue de cette vérification, l'administration a écarté comme non probante sa comptabilité et reconstitué son chiffre d'affaires pour les exercices 2006 et 2007 en utilisant la méthode dite " des vins " ; que le vérificateur a reconstitué les ventes de vin estimées sur la période vérifiée, ces ventes étant calculées à partir des achats et de la variation des stocks physiques et des prix unitaires, et en intégrant un abattement de 5 % pour tenir compte des vins non vendus en terrasse et en salle ; que, pour reconstituer les recettes totales sur la période vérifiée, il a appliqué à ces ventes un coefficient multiplicateur égal à l'inverse du ratio entre ventes de vin en terrasse et en salle et recettes totales ; que ce ratio a été calculé à partir du dépouillement des notes établies pendant 37 journées des mois de novembre 2008 à janvier 2009 ; que l'administration a procédé en conséquence au rehaussement de la base imposable à la taxe sur la valeur ajoutée de la société résultant des minorations de recettes qu'elle avait constatées et aux rappels de taxe correspondants ; que, par un arrêt n° 12PA03268 du 28 mai 2013, la Cour a jugé que le chiffre d'affaires retenu par l'administration pour les deux années en litige devait être réduit en appliquant aux ventes de vins estimées sur la période vérifiée un abattement de 7 % pour les vins non vendus au lieu de 5 % et en prenant en compte l'utilisation de formules de restauration comprenant un verre de vin du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 au lieu de la période du 1er janvier 2006 au 30 juin 2007 ; qu'elle a déchargé en conséquence la société des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2006 et 2007 ; qu'à la suite de la décision du Conseil d'Etat n° 371212 du 29 juin 2015, annulant l'article 4 de cet arrêt, qui rejetait le surplus de la requête de la société, la Cour n'est saisie que dudit surplus ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des finances et des comptes publics :

2. Considérant que, contrairement à ce que soutient l'administration, la société requérante a acquitté la contribution pour l'aide juridique de 35 euros alors applicable aux termes des dispositions de l'article 1635 bis Q du code général des impôts ; que, dès lors, la fin de non-recevoir susvisée doit être rejetée ;

Sur les conclusions à fin de décharge des impositions litigieuses :

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales que pour être régulière au regard de ces dispositions, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition, de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de manière à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon utile ;

4. Considérant que la proposition de rectification du 5 mars 2009 adressée à la société de fait Pelamourgues et Valadier Escurial mentionne les impôts concernés par les rectifications, les années d'imposition et les montants des rectifications et rappels opérés, précise les raisons pour lesquelles la comptabilité a été écartée comme irrégulière et non probante, expose également de façon suffisamment circonstanciée les modalités de reconstitution du chiffre d'affaires de ladite société par le recours à la méthode dite des vins, clairement explicitée par la détermination de la part représentée par les vins dans le montant total des ventes réalisées, de la valeur des achats revendus de vins et du montant des recettes toutes taxes comprises reconstituées, ainsi que la pondération des résultats obtenus à partir des informations communiquées par l'entreprise ; que ladite proposition de rectification renvoie en outre utilement à des annexes faisant apparaître les éléments de calcul retenus ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de la proposition de rectification du 5 mars 2009 doit être écarté, ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges ;

Sur le bien-fondé des impositions restant en litige :

5. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration de recourir à plusieurs méthodes de reconstitution des recettes ; qu'à supposer que l'appelante se prévale de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, elle ne peut utilement invoquer la documentation administrative référencée 4 G-3342 du 25 juin 1998, laquelle ne contient pas d'interprétation formelle de la loi fiscale, mais constitue une simple recommandation faite aux services ; que, dés lors, le moyen tiré de l'utilisation d'une seule méthode doit être écarté ;

6. Considérant que l'appelante soutient que la méthode de reconstitution de ses recettes est excessivement sommaire et radicalement viciée, au motif qu'elle repose sur des données de fonctionnement postérieures à la période en litige et non représentatives ; que, toutefois, la méthode de reconstitution des recettes susvisée est justifiée par l'état de la comptabilité présentée par la société de fait et les documents lacunaires produits lors des opérations de contrôle ; que, dans ces conditions, l'administration a été contrainte de solliciter la conservation des notes de tables et des récapitulatifs journaliers établis lors des opérations de contrôle, portant sur une période hivernale de trois mois de novembre 2008 à janvier 2009, qui ne peut, en l'espèce, être regardée comme insuffisamment significative du fait de la fréquentation touristique du quartier dans lequel est situé l'établissement, sur l'ensemble de l'année ;

7. Considérant que l'appelante soutient que la méthode de reconstitution de ses recettes est excessivement sommaire et radicalement viciée, en raison des nombreuses erreurs l'affectant ;

8. Considérant, en premier lieu, que les erreurs minimes alléguées sur les stocks d'entrée et de sortie ne sont pas établies par la seule production de documents manuscrits, non datés, et au demeurant insuffisamment précis ;

9. Considérant, en second lieu, que l'erreur invoquée sur la détermination des achats revendus de vin n'est pas établie, dès lors que l'appelante n'établit pas que les factures d'achat de vins produites pour 2006 sont exhaustives, alors que, par ailleurs, aucune facture n'est produite pour 2007 ; que, par ailleurs, les erreurs alléguées sur le prix de vente de certains vins, sur les échantillons pris en compte par le vérificateur et sur le nombre de formules à retenir, sont fondées sur les termes de la proposition de rectification, alors que le supérieur hiérarchique a procédé à une minoration des rectifications pour tenir compte de ces erreurs affectant la proportion du chiffre d'affaires du vin par rapport au chiffre d'affaires total ;

10. Considérant, en troisième lieu, que l'erreur alléguée sur les recettes au bar est sans incidence sur les impositions en litige dès lors que ces recettes n'ont pas été reconstituées ;

11. Considérant, en revanche, que, contrairement à ce que soutient l'administration, l'erreur résultant de la prise en compte d'un prix de vente du Chardonnay au verre et au pichet de, respectivement, 4 euros et 7 euros, au lieu d'un prix effectif de 4,6 euros et 7,6 euros, a une incidence, sur le calcul du ratio entre les recettes de vente de vin et le montant total des recettes, défavorable au contribuable, la prise en compte d'un prix supérieur entraînant une diminution du coefficient multiplicateur et, dès lors, des recettes reconstituées ; que l'erreur invoquée n'étant pas contestée en défense, il y a lieu d'accorder à la société requérante une réduction des impositions litigieuses, en conséquence de sa correction ;

12. Considérant, de même, que la minoration du prix de vente des vins servis avec les " formules ", retenu par le vérificateur à hauteur de 19 euros au lieu de 19,20 euros le litre, a pour effet de majorer les recettes reconstituées, dès lors que les ventes de vin dans le cadre de ces formules venaient en déduction des recettes estimées des ventes totales de vin ; que l'erreur invoquée n'étant pas contestée en défense, il y a lieu, également, de prononcer une réduction des impositions litigieuses en conséquence de sa correction ;

13. Considérant qu'il résulte ce qui précède que la méthode de reconstitution des recettes ne peut être regardée comme radicalement viciée ou excessivement sommaire dans son ensemble, eu égard à la faible importance des erreurs relevées ; que, par ailleurs, la méthode de reconstitution proposée par la société de fait Pelamourgues et Valadier Escurial ne peut être retenue comme permettant une meilleure appréciation des recettes, dès lors qu'elle se fonde sur la correction d'erreurs nullement établies ;

Sur les pénalités :

14. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ; qu'en relevant les graves lacunes de la comptabilité, la dissimulation d'achats et l'importance des recettes occultées, sur l'ensemble de la période vérifiée, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence de manquements délibérés au sens des dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une expertise, il y a lieu de réduire le chiffre d'affaires de la société de fait Pelamourgues et Valadier Escurial au titre des années 2006 et 2007 par la prise en compte, d'une part, d'un prix de vente du Chardonnay, au verre et au pichet, pour des montants respectifs

de 4,6 euros et 7,6 euros, d'autre part, d'un prix au litre du vin servi avec les " formules " de

19,20 euros au lieu de 19 euros, et de prononcer, en conséquence, la réduction, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de cette société titre de la période du

1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 ; que le jugement attaqué doit être réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le chiffre d'affaires de la société de fait Pelamourgues et Valadier Escurial, au titre des années 2006 et 2007, est réduit en conséquence de la prise en compte, d'une part, d'un prix de vente du Chardonnay, au verre et au pichet, pour des montants respectifs de 4,6 euros et 7,6 euros, d'autre part, d'un prix au litre du vin servi avec les " formules " de 19,20 euros au lieu de 19 euros.

Article 2 : La société de fait Pelamourgues et Valadier Escurial est déchargée, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 en conséquence de la réduction de sa base d'imposition définie à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement n° 1101672/1-2 du Tribunal administratif de Paris du 15 mai 2012 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société de fait Pelamourgues et Valadier Escurial et au ministre des finances et des comptes publics. Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2016, à laquelle siégeaient :

Mme Brotons, président de chambre,

Mme Appèche, président assesseur,

M. Legeai, premier conseiller.

Lu en audience publique le 28 juin 2016.

Le rapporteur,

A. LEGEAILe président,

I. BROTONSLe greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA02678


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : SELARL GUIDET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 28/06/2016
Date de l'import : 05/07/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 15PA02678
Numéro NOR : CETATEXT000032792700 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-06-28;15pa02678 ?
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