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28/05/2013 | FRANCE | N°12PA03268

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 28 mai 2013, 12PA03268


Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2012, présentée pour la société STEF E...et C...Escurial, ayant son siège 29 rue de Turenne à Paris (75003), par Me A... ; la société STEF E...et C...Escurial demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101672 du Tribunal administratif de Paris en date du 15 mai 2012 qui a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
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Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2012, présentée pour la société STEF E...et C...Escurial, ayant son siège 29 rue de Turenne à Paris (75003), par Me A... ; la société STEF E...et C...Escurial demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101672 du Tribunal administratif de Paris en date du 15 mai 2012 qui a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 4 784 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2013 :

- le rapport de M. Pagès, rapporteur,

- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société STEF E...et C...Escurial ;

Connaissance prise de la note en délibéré présentée le 14 mai 2013 par Me A...pour la STEF E...et C...Escurial ;

1. Considérant que la société créée de fait entre M. D...E...et Mme B... C...exploite un bar-brasserie sous l'enseigne Escurial 29 rue de Turenne à Paris (3ème arrondissement) ; qu'imposable selon le régime des sociétés de personnes prévu à l'article 8 du code général des impôts, elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2006 et 2007 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration lui a notifié, selon la procédure de rectification contradictoire, divers rehaussements notamment en matière de taxe sur la valeur ajoutée procédant d'une reconstitution de son chiffre d'affaires après rejet de la comptabilité ; que la société STEF E...et C...Escurial relève appel du jugement du 15 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 ;

Sur la fin de non recevoir opposée par le ministre de l'économie et des finances :

2. Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie et des finances, la requérante a bien acquitté la contribution pour l'aide juridique de 35 euros ; que la fin de non recevoir susvisée ne peut donc qu'être rejetée ;

Sur les conclusions à fin de décharge des impositions litigieuses :

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant que le moyen tiré du défaut de motivation de la proposition de rectification du 5 mars 2009 doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, la requérante n'apportant aucun élément nouveau qui n'ait été débattu en première instance ;

Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :

4. Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie et des finances, la charge de la preuve de la pertinence de la méthode de reconstitution de recettes incombe en l'espèce à l'administration, par application des dispositions combinées des articles L. 55 et L. 192 du livre des procédures fiscales, dès lors que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne s'est pas prononcée, la requérante s'étant désistée de sa saisine, et que le service a recouru à la procédure de rectification contradictoire ;

5. Considérant que, pour procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires de la STEF E...et C...Escurial, l'administration, qui s'est limitée aux consommations réalisées en terrasse et en salle, a utilisé la méthode des vins en dépouillant l'intégralité des notes correspondant à une période de 37 jours travaillés sur une période de trois mois entre novembre 2008 et janvier 2009 ; qu'elle a ainsi déterminé les recettes de vins et le rapport " chiffre d'affaires vins / chiffre d'affaire global " avant de reconstituer le chiffre d'affaires en appliquant un coefficient global pondéré aux achats revendus réels, après application d'un pourcentage de vins non vendu en salle et en terrasse estimé à 5 % ; qu'alors que la société avait déclaré un chiffre d'affaires hors taxes de 492 127 euros au titre de l'exercice clos en 2006 et de 530 550 euros au titre de l'exercice suivant, les chiffres d'affaires ainsi reconstitués ont été portés respectivement à 729 996 euros et 688 781 euros selon la proposition de rectification du 5 mars 2009 ; qu'à la suite de l'entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, ces montants ont été diminués de 93 897 euros pour 2006 et de 65 536 euros pour 2007 ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au service vérificateur de recourir à plusieurs méthodes de reconstitutions de recettes ; qu'à supposer que la requérante se prévale de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, elle ne peut utilement invoquer la documentation administrative référencée 4 G-3342 en date du 25 juin 1998, laquelle ne contient pas d'interprétation formelle de la loi fiscale, mais constitue une simple recommandation préconisant aux agents des impôts de recourir à plusieurs méthodes de reconstitution des recettes ; que le moyen tiré de l'utilisation d'une seule méthode de reconstitution des recettes ne peut donc qu'être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que la requérante soutient que la méthode de reconstitution de ses recettes est excessivement sommaire, voire même radicalement viciée, au motif que les chiffres d'affaires reconstitués par le service procèdent de données de fonctionnement postérieures à la période en litige et non représentative ; que, toutefois, la méthode de reconstitution de recettes susvisée, est justifiée tant par l'état de la comptabilité présentée par la STEF E...et C...Escurial que par les documents produits lors des opérations de contrôle ; qu'ainsi, à défaut de toute note de table et de récapitulatif, pour la période en litige, le vérificateur s'est vu contraint de solliciter la conservation des notes de tables et des récapitulatifs journaliers établis au cours de la période des opérations de contrôle, laquelle s'est déroulée sur une période de trois mois, de novembre 2008 à janvier 2009 ; que du fait de difficultés techniques rencontrées par la société, 37 jours ont été retenus par le vérificateur ; que cette période de référence, au demeurant imposée par les circonstances qui viennent d'être rappelées, ne peut, en l'espèce, être regardée comme insuffisamment significative du fait de la fréquentation touristique du Marais sur l'ensemble de l'année ;

8. Considérant, en troisième lieu, que la requérante soutient que la méthode de reconstitution des recettes est excessivement sommaire, voire même radicalement viciée, au motif que plusieurs erreurs affectent cette méthode ;

9. Considérant que les erreurs alléguées sur les stocks d'entrée et de sortie, au demeurant peu importantes, ne sont pas justifiées, ainsi que le soutien l'administration, par la production de documents manuscrits, non datés, et insuffisamment précis quant aux opérations qu'ils sont censés retracer ;

10. Considérant que l'erreur alléguée sur la détermination des achats revendus de vin n'est pas justifiée dès lors que, comme le soutient à juste titre le ministre, la requérante ne prouve pas que les factures d'achat de vins produites pour 2006 seraient exhaustives alors que, par ailleurs, aucune facture n'est produite pour 2007 ;

11. Considérant que l'erreur alléguée sur le prix de vente des vins retenus est fondée sur les termes de la proposition de rectifications alors que, comme il a été dit ci-dessus, le supérieur hiérarchique a procédé à une minoration des rectifications en tenant compte notamment d'erreurs affectant la proportion du chiffre d'affaires du vin par rapport au chiffre d'affaires total ; que ce moyen ne peut donc qu'être écarté ;

12. Considérant que l'erreur alléguée sur la part de vente de vin par rapport au montant total des ventes réalisées est fondée sur le fait que le prix de vente du Chardonnay au verre et au pichet a été retenu pour 4 et 7 euros au lieu de 4, 6 et 7, 6 euros ; que, toutefois, comme le souligne le second mémoire en défense, ces erreurs, à les supposer établies, s'avèrent favorables à la société ;

13. Considérant que l'erreur alléguée sur les recettes au bar est, en tout état de cause, sans incidence sur les impositions en litige dès lors qu'il est constant que ces recettes n'ont pas été reconstituées ;

14. Considérant que s'agissant de la durée d'utilisation des " formules ", repas servis à un prix forfaitaire et accompagnés d'un verre de vin, la société requérante soutient que si le supérieur hiérarchique a effectivement pris en compte l'utilisation de " formules " pour l'année 2006 et le premier semestre 2007, il convient également de prendre en compte ces " formules " pour le second semestre 2007 ; que le ministre de l'économie et des finances se borne à soutenir que ce sont les représentants de la société eux-mêmes qui se sont limités à cette période lors de leur entrevue avec le supérieur hiérarchique ; que, toutefois, en se bornant à opposer les affirmations orales des représentants de la société, qui sont explicitement démenties par la requérante, sans autre justification de la limitation de la durée d'utilisation des formules, le ministre n'apporte pas sur ce point la preuve qui lui incombe de la pertinence de la méthode de reconstitution de recettes ; qu'ainsi pour la reconstitution du chiffre d'affaires de l'exercice 2007, il y a lieu de prendre en compte la proposition de la formule à la clientèle pour le deuxième semestre de l'année ;

15. Considérant que la société requérante indique qu'il faudrait prendre en compte, d'une part, 4 865 formules vendues par an au lieu de 4 745 et, d'autre part, un prix de 19, 20 euros le litre de vin servi dans les formules au lieu de 19 euros ; que si la première erreur n'est pas utilement contestée par l'administration, qui se borne à invoquer les jours de fermeture de l'établissement, alors que la proposition de rectifications indique que l'établissement est ouvert quasiment tous les jours de l'année, c'est à juste titre qu'elle soutient que la seconde erreur, à la supposer établie, est favorable au contribuable ; que la société requérante ne fournissant pas un calcul précis sur la pondération respective de ces deux erreurs, ce moyen doit être écarté ;

16. Considérant que s'agissant du pourcentage de vins non vendus en salle qui selon la requérante doit être fixé à 7 % au lieu de 5 %, l'administration ne conteste pas que ce pourcentage concerne non seulement les pertes et les offerts mais aussi les vins vendus au bar et ceux utilisés en cuisine ; qu'eu égard aux éléments précis énoncés par la requérante dans son mémoire en réplique et non utilement contestés dans le second mémoire en défense, le ministre n'apporte pas sur ce point la preuve qui lui incombe de la pertinence de la méthode de reconstitution de recettes ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la méthode de reconstitution de recettes ne doit pas être regardée dans son ensemble comme radicalement viciée ou excessivement sommaire ; qu'en revanche la société requérante soutient sans être utilement contredite que ladite méthode est erronée s'agissant du pourcentage de vins non vendus en salle fixé à 5 % au lieu de 7 % et de la durée d'utilisation des " formules " du 1er janvier 2006 au 30 juin 2007 alors qu'il y a lieu de retenir une durée d'utilisation desdites formules du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 ;

18. Considérant, en quatrième lieu, que si la requérante propose une méthode alternative de reconstitution de recettes, cette méthode est en fait la même que celle utilisée par le vérificateur correction faite des prétendues erreurs qui, sauf sur les deux points susvisés, ne sont pas établies ; que ce moyen ne peut donc qu'être écarté ;

Sur les pénalités :

19. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;

20. Considérant que l'administration, en se référant notamment aux dissimulations d'achats et de recettes, dans des proportions qui induisent une volonté manifeste de se soustraire à l'impôt, établit le manquement délibéré au sens des dispositions précitées de l'article 1729 précité du code général des impôts ;

21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de recourir à l'expertise sollicitée, que la société requérante est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions litigieuses en droits et pénalités à concurrence de la minoration des droits rappelés résultant d'une réduction de chiffre d'affaires correspondant à la prise en compte d'un pourcentage de vins non vendus en salle de 7 % au lieu des 5 % retenus par le vérificateur et d'une durée d'utilisation des " formules " du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 au lieu de la période du 1er janvier 2006 au 30 juin 2007 retenue par le vérificateur; que le surplus de ses conclusions à fin de décharge des impositions litigieuses doit être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la STEF E...et C...et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le chiffre d'affaires de la société de fait E...et C...Escurial au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 est réduit à concurrence de la réduction de chiffre d'affaires, retenu par le service, correspondant à la prise en compte d'un pourcentage de vins non vendus en salle de 7 % au lieu des 5 % retenus par le vérificateur et d'une durée d'utilisation des formules du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 au lieu de la période du 1er janvier 2006 au 30 juin 2007 retenue par le vérificateur.

Article 2 : La société de fait E...et C...Escurial est déchargée en droits et pénalités des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 en conséquence de la réduction de la base d'imposition définie à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : L'État versera la somme de 1 000 euros à société de fait E...et C...Escurial au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le jugement n° 1101672 du Tribunal administratif de Paris du 15 mai 2012 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

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N° 12PA03268

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N° 12PA03268


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA03268
Date de la décision : 28/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LOOTEN
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : SELARL GUIDET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-05-28;12pa03268 ?
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