La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2016 | FRANCE | N°13PA00806

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 juin 2016, 13PA00806


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. E... et C...A...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, d'une part, à verser aux ayants droit de Mme D... A...la somme de 108 000 euros en réparation des préjudices subis par celle-ci à raison des fautes commises par les services de l'hôpital Saint-Louis où elle est décédée le 26 février 2008 et, d'autre part, à leur verser la somme de 50 000 euros chacun en réparation de leurs préjudices personnels.

Par un jugement n° 0915963

/6-3 du 12 juillet 2012, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. E... et C...A...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, d'une part, à verser aux ayants droit de Mme D... A...la somme de 108 000 euros en réparation des préjudices subis par celle-ci à raison des fautes commises par les services de l'hôpital Saint-Louis où elle est décédée le 26 février 2008 et, d'autre part, à leur verser la somme de 50 000 euros chacun en réparation de leurs préjudices personnels.

Par un jugement n° 0915963/6-3 du 12 juillet 2012, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par un arrêt avant dire droit du 16 février 2015, statuant sur la requête, enregistrée le 28 février 2013, présentée pour M. C... A..., la Cour a prescrit une mesure d'expertise aux fins de déterminer si le traitement chimiothérapique administré à Mme D... A...à compter du 29 janvier 2008 présentait un caractère fautif et avait fait perdre à celle-ci une chance de vivre plus longtemps, en prenant en compte l'état initial de Mme A... à son arrivée le 9 janvier 2008 à l'hôpital Saint Louis, l'évolution de celui-ci, les différentes pathologies dont elle était atteinte, les traitements qu'elle a subis et les conséquences de la prise en charge hospitalière de l'intéressée jusqu'au 26 février 2008, date de son décès.

Le rapport d'expertise a été déposé au greffe de la Cour le 24 juin 2015.

Par des mémoires, enregistrés les 13 février 2015, 11 janvier 2016, 15 février 2016 et 20 avril 2016, appuyés de pièces complémentaires enregistrées au greffe de la Cour les 16 mai 2016 et 3 juin 2016, M. C... A..., représenté par Me B..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, d'ordonner une contre-expertise, à réaliser par un collège d'experts n'appartenant pas aux cadres de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser, d'une part aux ayants droit de Mme D...A..., la somme totale de 206 000 euros et, d'autre part au titre de ses préjudices personnels, la somme totale de 53 500 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Il soutient que :

- une nouvelle expertise doit être confiée à un collège d'experts composé d'un hématologue, d'un cardiologue, d'un néphrologue et éventuellement d'un immunologue indépendants de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, dès lors que celle qui a été déposée devant la Cour est imprécise, incomplète et prête à diverses interprétations et que l'expert n'a ni convoqué ni entendu les professionnels de santé qui ont suivi Mme A... ;

- la responsabilité pour faute de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris est engagée, dès lors que le traitement était inadapté et a été administré sans essai clinique, alors que Mme A...n'avait pas été suffisamment explorée sur le plan cardiaque et n'avait pas donné son consentement ;

- la responsabilité pour faute de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris est également engagée pour défaut de surveillance et de suivi ;

- les préjudices subis par Mme A... doivent être indemnisés à hauteur de 3 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire de 100 % du 9 janvier au 26 février 2008, 45 000 euros au titre des souffrances évaluables à 7/7, 40 000 euros au titre de la perte de chance de survie, 5 000 euros en réparation du défaut de sollicitation de son consentement, 15 000 euros au titre de son préjudice moral, 80 000 euros au titre du préjudice d'agrément à raison de la perte de quatre années de vie, 10 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence, 3 000 euros au titre du préjudice d'agrément et 5 000 euros au titre des pertes de revenus ;

- les préjudices subis à titre personnel par le requérant doivent être indemnisés à hauteur de 7 000 euros en remboursement des frais d'obsèques, 6 500 euros au titre de son préjudice d'affection et 40 000 euros au titre de son préjudice d'accompagnement, dès lors qu'il est atteint d'une maladie neurologique nécessitant l'aide d'une tierce personne et que sa mère était importante dans le dispositif de soutien.

Par des mémoires, enregistrés les 2 décembre 2015 et 5 janvier 2016, la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, représentée par Me Lefebvre, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui verser la somme totale de 8 605,38 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la présentation de ses écritures, en remboursement des débours qu'elle a exposés pour le compte de Mme A... ;

2°) de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue au 9ème alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

3°) de mettre à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la responsabilité pour faute de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris est engagée, dès lors que le traitement administré à Mme A...était inadapté à son état et à ses symptômes.

Par une intervention, enregistrée le 15 février 2016 et complétée le 20 avril 2016, M. E... A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'ordonner une contre-expertise, à réaliser par un collège d'experts n'appartenant pas aux cadres de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser, d'une part aux ayants droit de Mme D...A..., la somme totale de 206 000 euros et, d'autre part au titre de ses préjudices personnels, la somme totale de 32 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Il se réfère aux moyens exposés dans la requête de M. C... A...et soutient que les préjudices subis à titre personnel doivent être indemnisés à hauteur de 7 000 euros en remboursement des frais d'obsèques et 25 000 euros au titre de son préjudice d'affection.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 décembre 2015 et 27 avril 2016, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, représentée par Me Tsouderos, conclut au rejet des conclusions de M. E... A...et de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et à ce que le montant des conclusions indemnitaires de M. C... A...soient ramené à de plus justes proportions.

Elle soutient que :

- les consorts A...ne sont pas recevables à poursuivre une indemnisation supérieure à celle sollicitée en première instance ;

- la faute commise par l'hôpital étant seulement à l'origine d'une perte de chance d'éviter le décès, laquelle peut être évaluée à 10 %, les préjudices doivent être indemnisés à hauteur de cette perte de chance ;

- les préjudices subis par Mme A... justifient une indemnisation à hauteur de 500 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et 13 000 euros au titre des souffrances évaluées par l'expert à 5/7 ;

- la " perte de chance de survie " n'est pas un poste de préjudice indemnisable ;

- l'indemnisation du préjudice tiré du défaut de consentement n'est pas cumulable avec l'indemnisation du préjudice corporel ;

- le préjudice moral est indemnisé au titre des souffrances subies ; par ailleurs, Mme A... n'a pas subi de préjudice moral distinct de celui résultant des pathologies dont elle était atteinte ;

- Mme A...n'a pas subi de préjudice d'agrément dans la mesure où elle est décédée avant que son état puisse être regardé comme consolidé ;

- il n'est pas établi que Mme A...aurait subi des troubles dans ses conditions d'existence autres que ceux résultant des pathologies dont elle était atteinte ;

- il n'est pas justifié de l'existence de pertes de revenus ;

- M. C... A...n'est pas fondé à demander l'indemnisation de son " préjudice d'accompagnement ", dès lors que celui-ci résulte de son propre état de santé et qu'il est douteux que Mme A...aurait été en mesure de continuer à assumer cette charge ;

- la demande de remboursement des frais d'obsèques doit être rejetée à défaut de présentation de justificatif et ne pourrait sinon qu'être limitée à une somme inférieure à 5 000 euros ;

- les demandes formées pour le compte de M. E... A...sont irrecevables, dès lors que celui-ci n'a pas interjeté appel du jugement ;

- les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris sont irrecevables, dès lors qu'elles sont présentées pour la première fois en appel et que la caisse n'était pas dans l'impossibilité d'indiquer le montant de ses débours devant le tribunal administratif.

Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires présentées en son nom propre par M. E... A..., dès lors qu'il a la qualité d'intervenant à l'instance et non de partie.

M. C... A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 janvier 2013 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu l'ordonnance en date du 9 septembre 2015 taxant et liquidant les frais d'expertise.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bernard,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- les observations de Me Tsouderos, avocat de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris,

- et les observations de Me Lefebvre, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... A...est décédée le 26 février 2008 à l'âge de 55 ans dans les services de l'hôpital Saint Louis à Paris, relevant de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris. Son fils, M. C... A...a relevé appel du jugement du 12 juillet 2012 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser la somme de 108 000 euros aux ayants droit de sa mère et à lui verser la somme de 50 000 euros au titre de ses préjudices personnels. Par un arrêt avant dire droit du 16 février 2015, la Cour a prescrit une mesure d'expertise aux fins de déterminer notamment si le traitement chimiothérapique administré à Mme A... à compter du 29 janvier 2008 présentait un caractère fautif. M. A... demande, dans le dernier état de ses écritures, à titre principal, qu'une nouvelle expertise soit réalisée par un collège d'experts, et, à titre subsidiaire, que l'Assistance publique - hôpitaux de Paris soit condamnée à verser, d'une part aux ayants droit de Mme A..., la somme totale de 206 000 euros et, d'autre part au titre de ses préjudices personnels, la somme totale de 53 500 euros.

I. Sur l'intervention présentée par M. E... A... :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 724 du code civil : " Les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt ". Le droit à réparation d'un dommage est transmis aux héritiers même si la victime décède avant d'avoir introduit une action en réparation. M. C... A..., fils de Mme A..., qui a qualité de partie en appel, est saisi de plein droit des biens, droits et actions de la défunte et a, dès lors, qualité, le cas échéant sans le concours des autres héritiers, pour exercer l'action indemnitaire tendant à obtenir, au bénéfice de la succession, la réparation des préjudices subis par Mme A... du fait de la faute imputable à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris.

3. M. E... A..., conjoint survivant de Mme A..., qui était demandeur en première instance, n'a pas interjeté appel du jugement du 12 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il n'a dès lors pas qualité de partie à l'instance d'appel. Toutefois, en sa qualité d'ayant droit de Mme A..., il justifie d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien des conclusions présentées par M. C... A...tendant à obtenir, au bénéfice de la succession, la réparation des préjudices subis par Mme A.... Son intervention doit, dès lors, être admise dans cette mesure.

4. En revanche, M. E... A..., en sa qualité d'intervenant, n'est pas recevable à présenter des conclusions qui lui sont propres. Par suite, les conclusions de M. E... A...tendant à obtenir la réparation de ses préjudices personnels doivent être rejetées.

II. Sur les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de Paris :

5. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la caisse primaire d'assurance maladie de Paris a été mise en cause par le Tribunal administratif de Paris. Toutefois, ladite caisse n'a saisi le tribunal administratif d'aucune demande. Par suite, ainsi que le fait valoir l'Assistance publique - hôpitaux de Paris en défense, elle n'est pas recevable à demander pour la première fois en appel sa condamnation à lui rembourser le montant des débours qu'elle a exposés pour le compte de Mme A... avant la date de lecture du jugement du tribunal administratif.

6. Par ailleurs, ses conclusions tendant à la condamnation de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue au 9ème alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale doivent être rejetées par voie de conséquence de l'irrecevabilité de ses conclusions principales.

III. Sur les conclusions présentées par le requérant tendant à ce qu'une nouvelle expertise soit prescrite :

7. M. A... demande qu'une nouvelle expertise soit réalisée par un collège d'experts n'appartenant pas aux cadres de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, composé d'un hématologue, d'un cardiologue, d'un néphrologue et éventuellement d'un immunologue. Toutefois, contrairement à ce que soutient M. A..., l'expertise qui a été déposée devant la Cour par le docteur Paule, médecin chimiothérapeute, répond de manière suffisamment précise, complète et claire à l'ensemble des questions posées par la Cour dans son arrêt avant dire droit du 16 février 2015. Enfin, il ne résulte nullement de l'instruction que la convocation par l'expert des professionnels de santé qui ont suivi Mme A... à l'hôpital Saint Louis en 2008 aurait pu avoir une influence sur les conclusions de l'expertise. Dans ces conditions, la prescription d'une nouvelle expertise n'est pas utile à la solution du litige et présenterait ainsi un caractère frustratoire. Il y a lieu, par suite, de rejeter ces conclusions.

IV. Sur le bien fondé du jugement attaqué :

8. En vertu des dispositions du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, les établissements publics d'hospitalisation ne sont en principe responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

9. Il résulte de l'instruction, et notamment des éléments produits du dossier médical de Mme A... et du rapport de l'expert désigné par la Cour, que Mme A... était suivie depuis 2005 à l'hôpital Saint Louis à Paris pour une maladie de Waldenström. Son état de santé s'étant dégradé, elle a été hospitalisée dans ce même hôpital à compter du 9 janvier 2008. Après de nombreux examens, une amylose avec atteinte digestive, cardiaque et rénale a été diagnostiquée. Le 29 janvier 2008, un traitement chimiothérapique lui a été administré. L'expert indique qu'une exploration cardiaque plus complète aurait dû être effectuée avant de commencer la chimiothérapie et que le traitement choisi n'était pas adapté à l'état de Mme A... et aux symptômes qu'elle présentait, alors qu'il existait d'autres traitements adaptés. Plus précisément, l'expert estime que le cyclophosphamide (Endoxan(r)), administré à une dose de plus d'un gramme en une seule injection, était tout à fait contre indiqué chez une patiente présentant deux facteurs de risque connu de cardiotoxicité induite par ce médicament. Cette injection a été la cause, dès le lendemain, d'un choc cardiogénique et d'un trouble du rythme cardiaque. En outre, ce protocole de chimiothérapie a induit une neutropénie qui a permis le développement quelques temps plus tard d'une septicémie et d'une pneumopathie grave qui n'a pu être soignée. Il résulte ainsi de l'instruction que si la maladie dont était atteinte Mme A... engageait son pronostic vital à moyen terme, c'est l'administration de cyclophosphamide qui a directement causé sa mort le 26 février 2008 dans les services de l'hôpital Saint Louis. Il suit de là que l'administration de ce médicament constitue une faute médicale de nature à engager l'entière responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris.

10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

11. Il appartient en conséquence à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions indemnitaires présentées par M. A....

V. Sur l'indemnisation :

A. En ce qui concerne l'évaluation des préjudices subis par Mme A... :

12. Le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause. Si la victime du dommage décède avant d'avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers. Il suit de là que le droit à réparation des préjudices tant matériels que personnels subis par Mme A... est entré dans le patrimoine de ses héritiers.

S'agissant des préjudices à caractère patrimonial :

13. M. A... n'apporte aucune précision ni aucun élément au soutien de sa demande tendant au versement de la somme de 5 000 euros au titre des pertes de revenus que sa mère aurait subies. Ces conclusions ne peuvent donc qu'être rejetées.

S'agissant des préjudices à caractère personnel :

14. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Mme A... a subi, en raison de la faute médicale commise, des souffrances physiques évaluées à 5 sur une échelle de 7, induites notamment par le choc cardiogénique subi le 30 janvier 2008 et la pose d'un pacemaker en urgence. Elle a également subi un déficit fonctionnel temporaire total d'une durée d'un mois du 30 janvier 2008 au 26 février 2008, date de son décès. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris les sommes respectives de 13 000 euros et de 500 euros en réparation desdits préjudices. Le requérant ne peut en revanche demander, en outre, des sommes au titre, d'une part, des " troubles dans les conditions d'existence " de sa mère, lesquels sont indemnisés au titre du déficit fonctionnel temporaire total, et, d'autre part, du préjudice d'agrément, lequel n'a vocation à indemniser que des préjudices postérieurs à la consolidation de l'état de la victime.

15. En second lieu, le droit à réparation du préjudice résultant pour la victime décédée de la douleur morale qu'elle a éprouvée du fait de la conscience d'une espérance de vie réduite en raison d'une faute du service public hospitalier dans la mise en oeuvre ou l'administration des soins qui lui ont été donnés, constitue un droit entré dans son patrimoine avant son décès qui peut être transmis à ses héritiers. Il n'en va, en revanche, pas de même du préjudice résultant de la mort précoce en elle-même, dès lors que ce préjudice n'apparaît qu'au jour du décès de la victime et n'a pu donner naissance à aucun droit entré dans son patrimoine avant ce jour.

16. Il résulte de l'instruction que Mme A... a eu conscience de la dégradation brutale de son état de santé et d'une mort probable à la suite de l'administration du traitement chimiothérapique. Dans ces conditions, Mme A... a subi un préjudice d'angoisse ainsi qu'un préjudice moral en raison du défaut de sollicitation de son consentement à ce traitement. Il sera fait une juste appréciation de ces préjudices en allouant une somme de 3 000 euros. En revanche, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le requérant n'est pas fondé à demander l'indemnisation de la " perte de chance de survie " de sa mère et du préjudice d'agrément de celle-ci à raison de la perte de quatre années de vie.

C. En ce qui concerne l'évaluation des préjudices subis par M. C... A... :

S'agissant des préjudices à caractère patrimonial :

17. M. A... n'apporte aucun justificatif de ses débours au soutien de sa demande tendant au versement de la somme de 7 000 euros en remboursement des frais d'obsèques de sa mère. Ces conclusions ne peuvent donc qu'être rejetées.

S'agissant des préjudices à caractère personnel :

18. Il résulte de l'instruction que M. A..., majeur titulaire d'une carte d'invalidité mentionnant un taux de 80 %, vivait au domicile de ses parents. Eu égard à la circonstance de ce que sa mère, en raison de la maladie dont elle était atteinte, avait une perspective de vie écourtée, il sera fait une juste appréciation de son préjudice d'affection en le fixant à la somme de 14 000 euros. Il y a également lieu de mettre à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris une somme de 500 euros en réparation du préjudice d'accompagnement de M. A..., résultant des bouleversements de son mode de vie au quotidien pendant la période de déficit fonctionnel temporaire total de sa mère.

19. Par ailleurs, M. A... fait valoir qu'il est atteint d'une maladie neurologique nécessitant l'aide d'une tierce personne et que sa mère était importante dans le dispositif de soutien. Toutefois, sa demande d'indemnisation présentée à ce titre ne peut qu'être rejetée dès lors que ce préjudice résulte de son seul handicap et n'est pas en lien direct avec la faute médicale dont sa mère a été victime, et qu'au surplus elle n'est pas assortie de précisions.

20. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par l'Assistance publique - hôpitaux de Paris aux conclusions de M. A... en tant qu'elles tendent au versement d'indemnités supérieures à celles chiffrées en première instance, qu'il y a lieu de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser à M. A..., d'une part en sa qualité d'ayant droit de Mme A..., la somme globale de 16 500 euros et, d'autre part au titre de ses préjudices personnels, la somme globale de 14 500 euros.

VI. Sur les frais d'expertise :

21. Il y a lieu de mettre la totalité des frais de l'expertise décidée par arrêt avant dire droit du 16 février 2015, liquidés et taxés à la somme de 2 419,88 euros TTC, à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris.

VII. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et des articles 37 et 43 de la loi susvisée du 10 juillet 1991, que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut demander au juge de mettre à la charge, à son profit, de la partie perdante que le paiement des seuls frais qu'il a personnellement exposés, à l'exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle confiée à son avocat. En revanche, l'avocat de ce bénéficiaire peut demander au juge de mettre à la charge de la partie perdante la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit le recouvrement à son profit de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

23. M. C... A..., pour le compte de qui les conclusions de la requête relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être réputées présentées, n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée. Par ailleurs, l'avocat de M. A... n'a pas demandé que lui soit versée par l'Assistance publique - hôpitaux de Paris la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

24. En deuxième lieu, M. E... A..., intervenant, n'est pas partie à la présente instance. Par suite, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à la condamnation de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui payer la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

25. En dernier lieu, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de M. E... A...est admise en tant qu'elle est présentée au soutien des conclusions de M. C... A...tendant à obtenir, au bénéfice de la succession, la réparation des préjudices subis par Mme A....

Article 2 : Le jugement n° 0915963/6-3 du 12 juillet 2012 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 3 : L'Assistance publique - hôpitaux de Paris est condamnée à verser à M. C... A..., d'une part en sa qualité d'ayant droit de Mme A..., la somme totale de 16 500 euros et, d'autre part au titre de ses préjudices personnels, la somme totale de 14 500 euros euros.

Article 4 : Les frais de l'expertise, décidée par arrêt avant dire droit du 16 février 2015, taxés et liquidés à la somme de 2 419,88 euros TTC, sont mis à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de M. E... A...tendant à obtenir la réparation de ses préjudices personnels ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de Paris sont rejetées.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris et à M. E... A....

Délibéré après l'audience du 6 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Luben, président,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juin 2016.

Le rapporteur,

A. BERNARDLe président,

I. LUBEN

Le greffier,

A. CLEMENTLa République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 13PA00806


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA00806
Date de la décision : 20/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-04-02-02 Procédure. Instruction. Moyens d'investigation. Expertise.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Aurélie BERNARD
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : SELARL VIDAL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-06-20;13pa00806 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award