Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser une somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral subi du fait du retard avec lequel l'hôpital lui a donné une information sur les résultats de son opération et de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme de 42 483,34 euros au titre des préjudices subis du fait de l'accident médical non fautif survenu le 24 juin 2010.
Par un jugement n° 1412180/6-1 du 3 avril 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de Mme A...formées à l'encontre de l'ONIAM et a condamné l'AP-HP à verser à celle-ci une somme de 2 620 euros.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 juin 2015, Mme A..., représentée par Me F..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1412180/6-1 du 3 avril 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'ONIAM à lui verser une somme de 42 483,34 euros au titre des préjudices subis du fait de l'accident médical non fautif survenu le 24 juin 2010 et a limité la condamnation de l'AP-HP à lui verser une somme de 2 620 euros au titre du préjudice moral subi du fait du retard avec lequel elle a été informée des complications consécutives à son opération de la cataracte ;
2°) de confirmer ce jugement en ce qu'il met les frais d'expertise à la charge de
l'AP-HP ;
3°) de condamner l'AP-HP à lui verser une somme de 5 000 euros ;
4°) de condamner l'ONIAM à lui verser une somme de 42 483,34 euros au titre des préjudices subis du fait de l'accident médical non fautif survenu le 24 juin 2010 ;
5°) de mettre à la charge de l'ONIAM et de l'AP-HP une somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a retenu un déficit fonctionnel permanent de 20% alors que l'expert avait fixé un taux de 26% ; que c'est sur la base du déficit fonctionnel qu'elle aurait présenté si l'opération avait réussi qu'il convient de se placer pour déterminer le déficit fonctionnel permanent ;
- l'ensemble de ses dépenses d'hospitalisation et de consultation doivent donner lieu à indemnisation dès lors qu'elle n'a pas de mutuelle et qu'elle a dû tout prendre en charge ;
- ses frais de transport doivent être indemnisés à hauteur de 603,50 euros, nonobstant le fait qu'elle a perdu le justificatif de certains trajets de taxi ;
- l'ONIAM doit également l'indemniser du préjudice subi du fait de la surveillance régulière dont elle doit faire l'objet en raison de son état de santé consécutif à l'accident ;
- elle présente un déficit fonctionnel permanent fixé à 26%, qui justifie l'octroi d'une somme de 26 244,44 euros ;
- les souffrances endurées ont été fixées à 3,5/7, ce qui justifie l'octroi d'une indemnité de 3 243 euros ;
- elle a subi un préjudice esthétique temporaire lui ouvrant droit à l'octroi d'une indemnité de 800 euros ;
- son préjudice esthétique permanent a été fixé à 1,5/7, ce qui justifie une indemnisation à hauteur de 812 euros ;
- elle subit un préjudice d'agrément lui ouvrant droit à une indemnisation de 5 000 euros ;
- le jugement attaqué doit être confirmé en ce qu'un manquement de l'AP-HP à son devoir d'information a été retenu, mais ce manquement lui ouvre droit à une indemnisation qui ne saurait être inférieure à la somme de 5 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2015, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, représentée par MeE..., demande à la Cour de rejeter la requête de Mme A...et de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'elle n'est pas en mesure de rapporter la teneur des échanges entre la patiente et ses médecins qui ont eu lieu lors des consultations ayant suivi l'intervention ; que, toutefois, l'indemnité qui peut être accordée à la requérante à raison de l'anxiété subie du fait du déficit d'information allégué ne saurait excéder la somme de 2 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2015, l'ONIAM, représenté par MeC..., membre du cabinet BJMR, demande à la Cour de réduire à de plus justes proportions les indemnités allouées à Mme A....
L'ONIAM soutient que :
- Mme A...est fondée à solliciter la réparation des préjudices subis du fait de l'accident médical non fautif survenu lors de son opération de la cataracte ;
- elle peut prétendre à une indemnisation de son déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 1 000 euros, de son déficit fonctionnel permanent à hauteur de 26 244,44 euros, de son préjudice esthétique permanent à hauteur de 812 euros, des souffrances qu'elle a endurées à hauteur de 3 243 euros et des frais d'expertise à hauteur de 620 euros, mais les autres indemnités sollicitées par Mme A...ne sont pas justifiées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chavrier,
- les conclusions de M. Roussel, rapporteur public,
- et les observations de MeE..., pour l'AP-HP, et de MeC..., pour l'ONIAM.
1. Considérant que Mme B...A..., née en 1932, a subi le 24 juin 2010, à l'Hôtel-Dieu, hôpital relevant de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, une intervention visant à traiter une cataracte de l'oeil droit ; qu'au cours de l'intervention, la survenue d'une rupture de la capsule du cristallin a empêché la pose de l'implant ; que les suites de l'intervention, depuis laquelle l'oeil droit de l'intéressée est dépourvu de cristallin, ont été marquées par des épisodes inflammatoires de l'oeil, ainsi que par une dégradation du nerf optique par hypertonie oculaire et atrophie optique, conduisant à une importante perte d'acuité visuelle de l'oeil droit jusqu'à un niveau inférieur à 1 sur 20 ; qu'en raison des inflammations présentées, il n'a pu être envisagé ni la pose d'un nouvel implant ni de correction externe ; qu'en revanche, l'intéressée a été opérée d'une cataracte de l'oeil gauche le 25 mars 2013, permettant une récupération partielle de l'acuité visuelle de cet oeil ; que Mme A... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant, d'une part, à la condamnation de l'ONIAM à lui verser la somme de 42 483,34 euros, en indemnisation des préjudices consécutifs à l'accident médical non fautif dont elle a été victime le 24 juin 2010 et, d'autre part, à la condamnation de l'AP-HP à lui verser la somme de 5 000 euros, en indemnisation du préjudice résultant de la faute qu'auraient commise les services de l'hôpital de l'Hôtel-Dieu en ne l'informant que tardivement de l'échec de son opération ;
Sur l'indemnisation au titre de la solidarité nationale :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique :
" (...) II. Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25%, est déterminé par ledit décret " ; que l'article D. 1142-1 du même code prévoit que : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24%. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50% " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée en référé, que la rupture capsulaire intervenue au cours de l'opération du 24 juin 2010 mentionnée au point 1, laquelle a été réalisée dans les règles de l'art, constitue un accident non fautif directement imputable à un acte de soins ; que cet accident a rendu l'oeil droit de Mme A... aphaque et a provoqué des inflammations ainsi qu'une dégradation du nerf optique par hypertonie oculaire et atrophie optique ; que l'acuité visuelle de l'oeil droit de l'intéressée, évaluée entre 2/10èmes et 3/10èmes avant l'intervention litigieuse, était inférieure à 1/20ème à la suite des complications liées à cette intervention ; que, par ailleurs, l'opération de la cataracte de l'oeil gauche réalisée le 25 mars 2013 a permis à Mme A...de récupérer une vision de cet oeil à 6/10èmes ;
4. Considérant que Mme A...soutient qu'il y a lieu de retenir le taux de 26% de déficit fonctionnel permanent fixé par l'expert, taux que celui-ci a déterminé en se référant à la capacité dont l'intervention aurait permis la récupération en l'absence de l'accident médical en cause ;
5. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'économie générale du dispositif institué par l'article L. 1142-1 du code de la santé publique et prévoyant la prise en charge, au titre de la solidarité nationale, des conséquences dommageables d'un aléa thérapeutique, que, lorsque cet aléa ne résulte pas d'une cause extérieure au traitement ou à l'intervention mais leur est intrinsèque, le taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique qui lui est imputable ne saurait s'apprécier que par rapport à la situation du patient en l'absence de traitement ou d'intervention et non par rapport à la situation qui aurait été la sienne en cas de succès de ceux-ci ;
6. Considérant que c'est, en conséquence, à bon droit que le tribunal a jugé que le taux d'atteinte à l'intégrité physique devait être apprécié en tenant compte de la différence entre la capacité visuelle de Mme A...avant l'intervention et celle qui est la sienne après consolidation des conséquences de l'accident ;
7. Considérant que le déficit que Mme A...aurait présenté en l'absence d'opération, compte tenu de la vision de son oeil droit avant l'intervention, doit être fixé à 12% ; que son déficit fonctionnel permanent après sa consolidation a été fixé à 32% ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que le taux de déficit fonctionnel permanent correspondant à la réduction de capacité visuelle de Mme A...du fait de l'accident devait être évalué à 20%, ce qui ne lui ouvrait pas droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale en application des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique citées au point 2 ;
Sur la responsabilité de l'AP-HP :
8. Considérant que l'article L. 1111-2 du code de la santé publique dispose que : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. / La volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 4127-35 du même code : " Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension. (...) " ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction, sans que cela ne soit sérieusement contesté par l'AP-HP, que Mme A... n'a pas été informée avant le 27 juillet 2010 de l'échec de l'opération du 24 juin précédent, notamment de l'impossibilité de poser l'implant prévu ; que ce retard dans l'information quant au résultat de l'acte de soins réalisé est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'AP-HP ; que Mme A...n'établit pas, en revanche, la réalité des reproches, relatifs à l'agressivité dont il aurait fait preuve à son encontre, qu'elle a adressés au médecin qui l'a prise en charge ;
10. Considérant que ce manque d'information sur l'échec de l'intervention a été à l'origine d'un surcroît d'anxiété chez Mme A...; que c'est en faisant une juste appréciation de ce préjudice que le tribunal a estimé que celui-ci devait être indemnisé à hauteur de 2 000 euros ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'ONIAM et a limité l'indemnisation qui lui est due par l'AP-HP à la somme de 2 000 euros ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que les conclusions présentées par Mme A..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à l'encontre de l'AP-HP et de l'ONIAM, qui n'ont pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par l'AP-HP ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'AP-HP tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et à la Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 7 avril 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Polizzi, président assesseur,
- Mme Chavrier, première conseillère,
Lu en audience publique, le 16 juin 2016.
La rapporteure,
A-L. CHAVRIERLe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
M. D...
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 15PA02209