Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision en date du 23 octobre 2008 par laquelle l'inspecteur du travail des transports de la subdivision de Melun a accordé à son employeur, la société Val d'Europe airports, l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire, ainsi que les décisions, implicite et explicite, par lesquelles le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire a rejeté son recours hiérarchique.
Par un jugement n° 0903488/1 du 13 mai 2011, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 11PA03094 du 10 mai 2012, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête.
Par une décision n° 363323 du 17 décembre 2014, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 10 mai 2012 et a renvoyé l'affaire devant la même Cour.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et mémoire, enregistrés les 8 juillet 2011 et 8 mars 2016, M. B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0903488/1 du 13 mai 2011 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 23 octobre 2008 de l'inspecteur du travail des transports de la subdivision de Melun et les décisions, implicite et explicite, par lesquelles le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire a rejeté son recours hiérarchique ;
3°) de mettre à la charge de la société Val d'Europe airports la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation, dès lors qu'il ne s'est pas prononcé sur la licéité du mouvement de grève ;
- les décisions contestées sont insuffisamment motivées, dès lors qu'elles ne précisaient pas sur quels éléments juridiques et factuels elles s'appuient pour regarder la grève comme illicite ;
- la grève était licite, dès lors, d'une part, que les salariés de la société Val d'Europe airports n'étaient pas soumis aux dispositions de l'article L. 2512-2 du code du travail et, d'autre part, qu'à supposer même qu'ils y soient soumis, cette circonstance n'est pas de nature à les exclure de la protection prévue à l'article L. 2511-1 du code du travail ;
- son employeur ne rapporte pas la preuve qu'il aurait personnellement fait un usage abusif de son droit de grève en entravant la liberté du travail des autres salariés et le fonctionnement de l'entreprise ;
- il existe un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et ses mandats, dès lors que, parmi les grévistes, seuls les représentants du personnel CGT et les salariés proches de la CGT ont été licenciés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 octobre 2011 et 8 mars 2016, la société Val d'Europe airports, représentée par Me Gulmez, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2012, le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête n'appelle pas, de sa part, d'autres observations que celles produites par la société Val d'Europe airports.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bernard,
- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., substituant Me Gulmez, avocat de la société Val d'Europe airports.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été recruté le 10 février 2003 en qualité de conducteur receveur par la société Val d'Europe airports (VEA). Il était par ailleurs délégué syndical et membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. La société VEA a demandé à l'inspection du travail des transports l'autorisation de le licencier pour faute, au motif qu'il avait participé à une action collective de blocage d'autocars lors d'un mouvement illicite de cessation de travail débuté le 3 juillet 2007. Par une décision du 23 octobre 2008, l'inspecteur du travail des transports de la subdivision de Melun a accordé cette autorisation. M. B... a formé un recours hiérarchique. Par décision du 12 mai 2009, le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire a confirmé la décision de l'inspecteur du travail des transports. Par la présente requête, M. B... demande l'annulation du jugement du 13 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
I. Sur les conclusions de M. B... dirigées contre le jugement attaqué :
2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé notamment, dans le cas de faits survenus à l'occasion d'une grève, des dispositions de l'article L. 2511-1 du code du travail en vertu desquelles la grève ne rompt pas le contrat de travail sauf faute lourde imputable au salarié, et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont celui-ci est investi.
3. Il ressort des pièces du dossier, et particulièrement des procès-verbaux de constat dressés par deux huissiers de justice à la demande de la société VEA, qu'à 7 h 50 le 4 juillet 2008 M. B... bloquait, avec douze autres personnes, un autocar de son employeur immatriculé 867 ELK 77 devant l'hôtel Santa Fe du site de Disneyland Paris. Des passagers de cet autocar ont été conduits vers un taxi. Les grévistes ont laissé l'autocar reprendre sa route à 8 h 01. A 7 h 52, un second autocar, immatriculé 211 HEC 77, a été immobilisé, puis a pu reprendre sa route plusieurs dizaines de minutes plus tard. Ces deux autocars ont par la suite été bloqués par un autre groupe de grévistes devant l'hôtel Séquoia. D'autres groupes de grévistes ont par ailleurs bloqué d'autres autocars. Deux de ces blocages, auxquels ne participait pas M. B..., ont nécessité l'intervention des forces de l'ordre dans la matinée du 4 juillet. A la suite de cette intervention, l'huissier de justice a constaté que les grévistes avaient convenu de ne pas bloquer les autocars plus de dix minutes. Ceux-ci ont ensuite quitté les lieux à 11 h. Le lendemain, 5 juillet 2008, un autre huissier de justice a constaté que M. B... a successivement bloqué trois autocars avec deux autres personnes, mais il ne résulte pas de ses constatations que ces blocages aient duré plus de dix minutes.
4. Il ne ressort pas des constats précités ni d'aucune autre pièce du dossier, et il n'est d'ailleurs pas soutenu, que ces blocages d'autocars se seraient accompagnés d'actes de violence verbale ou physique ou de dégradation de biens matériels. Il ressort au contraire des procès-verbaux, ainsi que des photographies prises par le premier huissier de justice, que les blocages auxquels a personnellement pris part M. B... se sont déroulés dans le calme et n'ont pas nécessité l'intervention des forces de l'ordre. Il n'est pas non plus soutenu ni établi que M. B... aurait joué un rôle particulièrement actif dans l'organisation de ces blocages. Enfin, si les blocages successifs des autocars ont, essentiellement dans la matinée du 4 juillet, ralenti le service assuré par la société VEA, ils n'ont pas désorganisé l'entreprise. Il n'est pas non plus établi qu'ils auraient engendré des coûts autres que ceux résultants de la grève elle-même ni que des clients auraient présenté des réclamations. Dans ces conditions, il ne peut être reproché à M. B... un exercice anormal et gravement fautif des mandats représentatifs dont il était investi. Si l'inspecteur du travail des transports a également pris en compte, dans l'appréciation de la gravité des faits commis par M. B..., la circonstance que ces faits étaient intervenus au cours d'un mouvement illicite de cessation de travail, il ressort des termes mêmes de la décision contestée que l'inspecteur du travail des transports a estimé que la seule circonstance que M. B... ait participé à une grève illicite ne constituait pas une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.
5. Par suite, M. B... est fondé à soutenir qu'il n'a pas commis de faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement et à demander l'annulation des décisions de l'inspecteur du travail des transports du 23 octobre 2008 et du ministre chargé des transports du 12 mai 2009 qui ont autorisé son licenciement.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin, d'une part, de statuer sur la régularité du jugement attaqué et, d'autre part, d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
II. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société VEA demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
8. D'autre part, la société VEA, bénéficiaire de l'autorisation de licenciement annulée en appel sur recours introduit par le demandeur de première instance, ne peut être regardée comme partie perdante au sens des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dès lors, en tout état de cause, que l'annulation sanctionne une erreur d'appréciation commise par l'administration. Par suite, les conclusions de M. B..., tendant à ce que la société VEA soit condamnée au paiement des sommes qu'il a exposées et non comprises dans les dépens doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0903488/1 du 13 mai 2011 du Tribunal administratif de Melun, la décision du 23 octobre 2008 de l'inspecteur du travail des transports de la subdivision de Melun et la décision du 12 mai 2009 du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de la société VEA présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à la société Val d'Europe airports (VEA) et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Bernard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 juin 2016.
Le rapporteur,
A. BERNARDLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
A. CLEMENTLa République mande et ordonne à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA00269