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06/06/2016 | FRANCE | N°14PA02750

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 06 juin 2016, 14PA02750


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...B...et le syndicat CGT des personnels de Natixis et ses filiales ont demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 31 octobre 2011 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a, sur recours hiérarchique, d'une part, annulé la décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur ledit recours, d'autre part, annulé la décision du 18 mai 2011 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser le licenciement de Mme B...et, enfin, autorisé ce l

icenciement.

Par un jugement n° 1109928 du 14 mai 2014, le Tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...B...et le syndicat CGT des personnels de Natixis et ses filiales ont demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 31 octobre 2011 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a, sur recours hiérarchique, d'une part, annulé la décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur ledit recours, d'autre part, annulé la décision du 18 mai 2011 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser le licenciement de Mme B...et, enfin, autorisé ce licenciement.

Par un jugement n° 1109928 du 14 mai 2014, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 31 octobre 2011 du ministre chargé du travail et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 juin 2014 et le 26 juin 2015, la SA Natixis Factor, représenté par Mes Salomé et Seuvic-Conroy, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1109928 du 14 mai 2014 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 31 octobre 2011 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé ;

3°) d'autoriser le licenciement de MmeB... ;

4°) de lui allouer la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens de légalité externe invoqués par Mme B...et le syndicat CGT des personnels Natixis et ses filiales dans le mémoire ampliatif, enregistré le 12 septembre 2013 au greffe du Tribunal administratif de Melun, soit après l'expiration du délai de recours contentieux, sont irrecevables en ce qu'ils relèvent d'une cause juridique qui n'a pas été invoquée dans leur demande introductive d'instance ;

- en tout état de cause, ces moyens de légalité externe ne sont pas fondés ;

- Mme B...a été régulièrement convoquée à un entretien préalable et n'en a pas sollicité le report malgré son placement en garde à vue ;

- aucune disposition législative n'impose que soit communiqué, dans un délai précis, aux membres du comité d'entreprise tout document sur le licenciement envisagé ;

- les faits reprochés à Mme B...commis dans le cadre de l'exécution de ses fonctions mais, également, dans le cadre de la sphère privée, sont matériellement établis ;

- les faits ainsi reprochés à MmeB..., compte tenu de leur gravité et de leur retentissement sur le fonctionnement de l'entreprise, sont de nature à justifier son licenciement ;

- relèvent de la seule appréciation du juge judiciaire et, par suite, sont irrecevables les moyens tirés de faits de harcèlement moral et de discrimination invoqués par Mme B...et le syndicat CGT des personnels Natixis et ses filiales ;

- en tout état de cause, les faits de harcèlement moral et de discrimination ne sont pas établis.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 28 mai 2015 et le 15 janvier 2016, Mme B..., représenté par Me Cadot, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la SA Natixis Factor ;

2°) de mettre à la charge de la SA Natixis Factor la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de statuer ce que de droit aux dépens.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 21 novembre 2014 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- les observations de Me Seuvic-Conroy, avocat de la SA Natixis Factor ;

- et les observations de MeI..., substituant Me Cadot, avocat de MmeB....

Considérant ce qui suit :

1. La SA Natixis Factor, par une demande du 16 mars 2011, a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier pour faute grave MmeB..., exerçant les mandats de déléguée du personnel titulaire, de membre titulaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail - CHSCT - et de membre suppléante du comité d'entreprise aux motifs qu'elle avait proféré des menaces à l'égard de ses collègues sur son lieu de travail, qu'elle avait menacé un de ses collègues de porter atteinte à son intégrité physique sur le lieu de travail et qu'elle avait laissé des messages injurieux à l'encontre de ses collègues, lesdits messages ayant un lien direct avec l'activité professionnelle de Mme B...et le salarié en question. Par une décision du 18 mai 2011, l'inspecteur du travail a retiré la décision tacite d'autorisation de licenciement pour faute et a refusé cette autorisation pour des motifs tenant à des considérations de procédure et de fond. Sur recours hiérarchique de la société intéressée, le ministre du travail a, par décision du 31 octobre 2011, retiré la décision implicite de rejet née le 17 octobre 2011, annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement de Mme B...en estimant que son comportement constituait une faute suffisamment grave pour justifier son licenciement. Par un jugement du 14 mai 2014, dont la SA Natixis Factor relève régulièrement appel, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du ministre chargé du travail et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

I - Sur le bien-fondé du jugement attaqué.

2. D'une part, il résulte des dispositions de l'article L. 2323-4 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, que le comité d'entreprise doit, notamment, pour formuler son avis sur le projet de licenciement d'un salarié protégé, disposer d'informations précises et écrites qui lui auront été transmises par l'employeur ainsi que d'un délai d'examen suffisant.

3. D'autre part, il résulte de l'article L. 2421-3 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur, que tout licenciement envisagé par l'employeur d'un salarié élu délégué du personnel, membre du comité d'entreprise ou représentant des salariés au CHSCT, en qualité de titulaire ou de suppléant, est obligatoirement soumis à l'avis du comité d'entreprise.

4. Il appartient à l'employeur de mettre le comité d'entreprise à même d'émettre son avis, en toute connaissance de cause, sur la procédure dont fait l'objet le salarié protégé. A cette fin, il doit lui transmettre, notamment à l'occasion de la communication qui est faite aux membres du comité de l'ordre du jour de la réunion en cause, soit trois jours au moins avant la séance en vertu de l'article L. 2325-16 du code du travail, des informations précises et écrites sur l'identité du salarié visé par la procédure, sur l'intégralité des mandats détenus par ce dernier ainsi que sur les motifs du licenciement envisagé. Il appartient à l'administration saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'apprécier si l'avis du comité d'entreprise a été régulièrement émis, et notamment si le comité a disposé des informations lui permettant de se prononcer en toute connaissance de cause. A défaut, elle ne peut légalement accorder l'autorisation demandée (Conseil d'Etat, 27 mars 2015, Société Den Hartogh, n° 371852).

5. Pour annuler la décision en litige, le tribunal administratif a jugé que la SA Natixis Factor avait méconnu une formalité substantielle dont le non-respect entachait d'irrégularité la procédure de licenciement en ne transmettant pas aux membres du comité d'entreprise les motifs du licenciement envisagé en même temps que la convocation de ces derniers, en date du 10 mars 2011, à la séance extraordinaire du 14 mars suivant au cours de laquelle le comité d'entreprise devait donner son avis sur le licenciement de MmeB..., ladite convocation se bornant à faire mention des mandats détenus par Mme B... et du projet de son licenciement.

6. La SA Natixis Factor soutient qu'aucune disposition législative n'imposait que soit communiqué, dans un délai précis, aux membres du comité d'entreprise tout document sur le licenciement envisagé.

7. Il n'est pas contesté, et il ressort des pièces du dossier, que, d'une part, les membres du comité d'entreprise ont été convoqués à une séance extraordinaire fixée au 14 mars 2011 selon un ordre du jour du 10 mars 2011 libellé de la manière suivante : " Information et consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement de Mme B...qui détient les mandats suivants : délégué du personnel titulaire, membre suppléant du comité d'entreprise et membre du CHSCT. Remise d'avis du comité " et, d'autre part, que la convocation des membres du comité d'entreprise ne comportait pas d'autres éléments utiles à leur information. Il n'est pas davantage contesté que la société intéressée a, lors de la séance extraordinaire du comité d'entreprise, remis à ses membres un document d'information sur le projet de licenciement de MmeB..., lequel sur trois pages exposait les motifs du licenciement envisagé. Si la société intéressée n'a pas été en mesure de justifier de l'impossibilité dans laquelle elle se serait trouvée placée d'annexer ce document à la convocation du 10 mars 2011, la transmission aux membres du comité d'entreprise de ce document seulement lors de la séance extraordinaire du 14 mars 2011 n'est pas, en elle-même, de nature à entacher la procédure d'irrégularité au regard des dispositions précitées du code du travail dès lors que le comité d'entreprise a été à même d'exprimer son avis en toute connaissance de cause. Au cas d'espèce, il ne ressort pas des mentions du procès-verbal de la séance, qui s'est achevée par un avis favorable prononcé à la majorité au licenciement de MmeB..., que les membres du comité d'entreprise auraient été empêchés, préalablement à l'ouverture de la séance ou dès l'ouverture de celle-ci, de prendre connaissance du document qui retraçait les faits reprochés à Mme B...et se limitait, ainsi qu'il a été dit, à trois pages. Il ne ressort, par ailleurs, pas des pièces du dossier que les membres du comité d'entreprise auraient émis des protestations sur les conditions dans lesquelles ce document à été mis leur à disposition. Dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la procédure préalable de licenciement était entachée d'une irrégularité et ont, pour ce motif, annulé la décision du ministre chargé du travail.

8. Il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle B...tant devant le Tribunal administratif que devant elle.

II - Sur la légalité du licenciement.

A - En ce qui concerne les moyens relatifs à la procédure administrative de licenciement :

9. Mme B...se prévaut, à l'encontre de la décision en litige, des moyens tirés de l'incompétence de son signataire, de son insuffisance de motivation, de l'absence de précision dans la mention des mandats détenus quant à la qualité de titulaire ou de suppléant et du non-respect du principe du contradictoire lors de l'instruction du recours hiérarchique formé par la SA Natixis Factor et dans le cadre du retrait de la décision implicite de rejet dudit recours.

10. L'appelant doit énoncer, dans le délai d'appel, la ou les causes juridiques sur lesquelles il entend fonder sa requête. Il suit de là que, postérieurement à l'expiration dudit délai et hors le cas où il se prévaudrait d'un moyen d'ordre public, l'appelant n'est recevable à invoquer un moyen nouveau que pour autant que celui-ci repose sur la même cause juridique qu'un moyen ayant été présenté dans le délai d'introduction de l'appel (Conseil d'Etat, 11 janvier 1995, Lepage, n° 123665).

11. Mme B...n'a soulevé dans sa demande introductive d'instance, enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Melun le 27 décembre 2011, que des moyens de légalité interne tirés de l'irrégularité de la consultation du comité d'entreprise, de l'irrégularité de sa convocation à l'entretien préalable et à la séance dudit comité, de l'erreur de fait et de ce que les faits qui lui étaient reprochés n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement. Ce n'est que dans un mémoire complémentaire, enregistré le 12 septembre 2013, soit après l'expiration du délai de recours contentieux, que l'intéressée a invoqué les moyens précités, ressortant d'une cause juridique distincte, et qui ne sont pas d'ordre public. Par suite, et à l'exception du moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision litigieuse, qui est d'ordre public et qui doit être écarté comme manquant en fait, M.H..., directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, chef du département soutien et appui au contrôle, ayant bénéficié d'une délégation de signature consentie par une décision du 5 juillet 2007, publiée au Journal officiel le 20 juillet suivant, à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions ou conventions à l'exclusion des décrets, les moyens invoqués doivent être écartés comme irrecevables.

B - En ce qui concerne les moyens relatifs à la procédure interne à l'entreprise de licenciement :

a. S'agissant du moyen tiré de l'irrégularité de la convocation à l'entretien préalable :

12. Mme B...soutient que la SA Natixis Factor l'a mise dans l'impossibilité de se rendre à l'entretien préalable alors qu'elle n'ignorait pas qu'elle avait été placée en garde à vue et l'a, ainsi, privée de la possibilité de pouvoir présenter tout élément utile à sa défense.

13. Il résulte des dispositions de l'article L. 1232-2 du code du travail que, d'une part, l'employeur convoque le salarié protégé qu'il entend licencier avant tout décision préalable par lettre recommandée ou remise en main propre contre décharge, laquelle indique l'objet de la convocation, et que, d'autre part, l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de ladite lettre.

14. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...a été convoquée par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 2 mars 2011, pour l'entretien préalable à son licenciement fixé au 11 mars 2011 à 12 heures. Mme B...fait valoir qu'elle a été convoquée, le 9 mars suivant, au commissariat de police de Charenton-le-Pont pour s'expliquer sur des faits de violences, menaces de mort et appels malveillants à l'encontre d'un de ses collègues de travail, M.F..., convocation dont son employeur a eu connaissance, puisqu'elle a été placée en garde à vue le 11 mars 2011 à compter de 9 heures 10 et qu'ainsi elle a été empêchée de se rendre à l'entretien préalable de licenciement. Toutefois, dans ces circonstances, il appartenait, à Mme B...de solliciter le report de l'entretien préalable dès lors que son employeur, qui était tenu, en raison de sa mise à pied, d'organiser l'entretien préalable dans les dix jours à compter de celle-ci en vertu des dispositions de l'article R. 2421-6 du code du travail, s'il avait effectivement connaissance de la convocation de Mme B...au commissariat, ne pouvait prévoir le placement en garde à vue qui allait s'ensuivre. Par suite, le moyen tiré de ce que l'impossibilité pour Mme B...de se rendre à l'entretien préalable à son licenciement entache d'irrégularité la procédure doit être écarté.

b. S'agissant du moyen tiré de l'irrégularité de la convocation à la séance du comité d'entreprise :

15. Mme B...soutient que, placée en garde à vue le 11 mars 2011, elle n'a pu prendre connaissance de sa convocation en vue de la séance du comité d'entreprise et s'y rendre. De sorte qu'elle doit être regardée comme n'ayant jamais été convoquée à ladite séance.

16. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...a été convoquée à la séance du comité d'entreprise fixée au 14 mars 2011 par une lettre en recommandée avec demande d'accusé de réception du 10 mars 2011 soit avant le début de son placement en garde et dans des délais compatibles pour lui permettre de pouvoir préparer utilement sa défense et se faire assister par un tiers. En tout état de cause, le prolongement de sa garde à vue, qui n'est pas imputable à la SA Natixis Factor laquelle ne pouvait anticiper la prolongation de cette garde à vue jusqu'au 12 mars 2011, a cessé non en fin de journée comme l'a prétendu l'intéressée mais en fin de matinée, à 11 heures 30, ce qui lui laissait le temps de pouvoir retirer sa convocation. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que Mme B...n'a pris aucune disposition pour s'organiser en sollicitant, notamment, de son employeur le report de la séance du comité d'entreprise ou bien l'assistance d'un tiers dans la procédure en raison de son arrêt de travail. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de sa convocation à la séance du comité d'entreprise ne peut qu'être écarté.

C - En ce qui concerne le bien-fondé du licenciement :

a. S'agissant du moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits :

17. Mme B...soutient que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis.

18. Il ressort des pièces du dossier et, plus particulièrement, de la décision attaquée, qu'il est reproché à Mme B..." d'avoir proféré des menaces de mort à l'encontre de ses collègues sur le lieu de travail et par messages téléphoniques, d'avoir menacé l'un de ses collègues et d'être passée à l'acte en dehors de l'entreprise en l'arrosant d'huile bouillante, ce geste entrainant des soins à l'hôpital et une incapacité de travail de trente jours, de créer, par ces agissements un climat d'angoisse et de stress permanent au sein de son équipe ".

19. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, le 11 janvier 2011, M.C..., responsable de gestion, a avisé MmeA..., directeur d'exploitation, que Mme B...avait prononcé des menaces de mort à l'encontre de ses collègues le matin même. La SA Natixis Factor a produit plusieurs attestations de collègues de Mme B...qui évoquent cet incident ainsi que les difficultés de travailler au quotidien avec celle-ci en raison de son comportement très colérique, emporté, injurieux et menaçant à leur égard ainsi que le retentissement de ce comportement sur leur santé et leur travail. Contrairement à ce que soutient l'intéressée, la seule circonstance que ces attestations aient été établies quelques semaines après les faits n'est pas de nature à remettre en cause leur crédibilité, compte tenu notamment de l'atmosphère que Mme B...faisait régner au sein des salariés de l'entreprise. En tout état de cause, l'attestation d'une déléguée syndicale CGT, établie le 5 septembre 2011, soit très postérieurement aux faits, produite par Mme B...n'est pas de nature à remettre en cause la réalité des faits qui lui sont reprochés.

20. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le 18 janvier 2011, Mme B...ayant fait un malaise sur son lieu de travail, les pompiers ont été appelés pour la prendre en charge. Au moment de cette prise en charge, l'intéressée a adopté une attitude injurieuse et menaçante à l'égard des personnels de secours et des témoins de la scène. Les pièces produites par la SA Natixis Factor permettent d'attester de cet incident ainsi que de son retentissement sur le personnel. En tout état de cause, MmeB..., qui se borne à soutenir que refuser une prise en charge n'est pas fautif et que sa faculté de discernement était altérée compte tenu de son état de santé, n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause la réalité des faits qui lui sont reprochés.

21. Enfin, il ressort des pièces du dossier et, notamment du procès-verbal d'audition de M. F..., établi le 28 février 2011, que, le 25 février 2011, ce dernier s'est rendu au domicile de Mme B...à la suite d'une altercation téléphonique survenue le matin du 25 février. Dans un contexte passionnel une dispute a éclaté, et des menaces de mort ont été proférées par Mme B...qui a ensuite projeté en direction de M. F...une poêle contenant de l'huile chaude, puis de l'eau bouillante. M.F..., gravement brûlé, a fait l'objet d'une incapacité temporaire de travail de trente jours. Ces faits ont, par la suite, donné lieu à la condamnation de MmeB..., par la Cour d'appel de Paris, à trois ans d'emprisonnement, dont deux avec sursis, avec mise à l'épreuve de deux ans et obligation de soins et de s'abstenir de tout contact avec la victime. Il est, en outre, établi que le 28 février 2011, de même que le 4 mars suivant, Mme B...a adressé à un autre de ses collègues, M.D..., présent au sein de l'entreprise, ce jour, plusieurs messages téléphoniques injurieux.

22. Il résulte de ce qui précède que la matérialité des faits reprochés à Mme B...est établie.

b. S'agissant du moyen tiré du caractère non fautif des faits reprochés les 11 et 18 janvier 2011 :

23. Mme B...soutient que les faits qui se rapportent à des messages adressés à ses collègues sur leurs téléphones personnels et dans le cadre de relations extra-professionnelles ne sauraient être regardés comme constitutifs de faute dans l'exécution de son contrat de travail.

24. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un acte ou un comportement du salarié survenu en dehors de l'exécution de son contrat de travail, notamment dans le cadre de l'exercice de ses fonctions représentatives, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits en cause sont établis et de nature, compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise, à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, eu égard à la nature des fonctions de l'intéressé et à l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail (Conseil d'Etat, 4 juillet 2005, Mme G..., n° 272193).

25. Contrairement à ce que soutient MmeB..., les faits qui lui sont reprochés à l'égard de MM. F...etD..., alors même qu'ils ont eu lieu en dehors de l'exécution du contrat de travail, ont eu, compte tenu de la vive émotion que son comportement a suscité chez ses collègues, des répercussions sur le fonctionnement de l'entreprise de nature à rendre impossible son retour au sein de la SA Natixis Factor. Par suite, la SA Natixis Factor pouvait tenir compte de tels agissements fautifs dans le cadre de la procédure de licenciement mise en oeuvre à l'encontre de MmeB....

c. S'agissant du moyen tiré de l'insuffisante gravité des fautes :

26. Mme B...soutient que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.

27. Au soutien de son argumentation, si l'intéressée se prévaut de la carence de son employeur au regard des difficultés relationnelles rencontrées avec son ancien manager, du harcèlement dont elle a été victime et de son état de santé, ces circonstances ne sont toutefois pas de nature à justifier les faits qui lui sont reprochés. En effet, non seulement les difficultés invoquées et liées au harcèlement ne sont pas suffisamment établies, mais ces difficultés ne peuvent, en tout état de cause, constituer une raison susceptible d'expliquer le comportement violent et emporté de Mme B... à l'encontre de M. F...et, plus généralement, à l'égard de ses collègues. Mme B...ne peut davantage invoquer l'état de santé qui aurait été le sien, le 11 janvier 2011, date de survenance des faits, alors que l'expertise psychiatrique dont elle a fait l'objet le 11 mars 2011, alors qu'elle était placée en garde à vue, a conclu qu'elle n'était atteinte d'aucun trouble psychique ou neuropsychique de nature à abolir ou altérer son discernement. Par suite, ces faits ainsi que ceux précédemment rappelés aux points 19 à 21 ci-dessus, sont eu égard à leur gravité, à leur préméditation et à leur répétition, de nature à fonder l'autorisation de licenciement en litige.

d. S'agissant du moyen tiré de l'existence d'un lien avec le mandat détenu :

28. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande de licenciement serait liée à l'exercice du mandat par Mme B...et que cette dernière aurait fait l'objet d'une discrimination.

29. Il résulte de tout ce qui précède que la SA Natixis Factor est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 31 octobre 2011 du ministre chargé du travail. Il y a lieu, en conséquence, d'annuler ledit jugement et de rejeter la demande de Mme B...telle qu'elle a été présentée devant le Tribunal administratif de Melun ainsi que les conclusions qu'elle a présentées devant la Cour au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la SA Natixis Factor n'étant pas la partie perdante à l'instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en tout état de cause, de rejeter les conclusions de la SA Natixis Factor présentées sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1109928 du 14 mai 2014 du Tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Melun ainsi que ses conclusions d'appel présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la SA Natixis Factor sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Natixis Factor, à Mme E...B..., au syndicat CGT des personnels de Natixis et ses filiales et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 juin 2016.

Le rapporteur,

S. BONNEAU-MATHELOTLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA02750


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02750
Date de la décision : 06/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : CAPSTAN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-06-06;14pa02750 ?
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