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01/06/2016 | FRANCE | N°15PA00667

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 01 juin 2016, 15PA00667


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Elysée Construction a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à l'indemniser du préjudice à elle occasionné du fait du comportement fautif de l'administration fiscale au cours et à la suite des opérations de contrôle auxquelles elle a été soumise dans le cadre d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er janvier 2001 au

30 juin 2004.

Par une ordonnance n° 1426113, du 18 décembre 2014, le vice-président de la 1ère section du Tr

ibunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Elysée Construction a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à l'indemniser du préjudice à elle occasionné du fait du comportement fautif de l'administration fiscale au cours et à la suite des opérations de contrôle auxquelles elle a été soumise dans le cadre d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er janvier 2001 au

30 juin 2004.

Par une ordonnance n° 1426113, du 18 décembre 2014, le vice-président de la 1ère section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 11 février et 6 juillet 2015, la SARL Elysée Construction, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance n° 1426113, du 18 décembre 2014 du vice-président de la 1ère section du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité pour faute de 317 000 euros assortie des intérêts de retard et des intérêts capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité de l'ordonnance :

- l'ordonnance attaquée est entachée d'une insuffisance de motivation faute de mentionner les obligations prévues aux articles 19 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et 1er du décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 pris pour l'application de ladite loi ;

- elle est entachée d'erreur de fait pour n'avoir pas analysé avec pertinence la demande qui lui était adressée et en ce qu'elle est fondée sur le fait que la créance indemnitaire était atteinte par la prescription quadriennale ;

- elle est entachée d'une erreur de droit pour méconnaissance des dispositions des articles R. 421-1 et R. 421-5 du code de justice administrative ;

- elle est irrégulière dés lors que sa demande, circonstanciée, n'était pas manifestement irrecevable ;

- le juge a soulevé d'office la prescription quadriennale sans en avoir la compétence ;

Sur le fond :

- la prescription de sa créance a été suspendue jusqu'au 6 juin 2011, date du dernier dégrèvement émis par l'administration fiscale, effaçant définitivement la totalité des créances de l'Etat figurant sur le titre du 26 décembre 2007 ;

- le comportement fautif de l'Etat justifie le versement d'une indemnité de 317 000 euros : la proposition de rectification du 16 novembre 2004, qui fonde les mesures conservatoires, ne prend pas en compte les erreurs grossières commises par la société à son détriment, l'administration a refusé délibérément de tenir compte dans les conséquences financières figurant dans la proposition de rectification du 16 avril 2004 de la taxe sur la valeur ajouté déclarée et payée le 14 septembre 2004, l'administration a fait preuve d'une inertie coupable dans le déroulement de la procédure de vérification de sa comptabilité alors même que des saisies conservatoires étaient mises en oeuvre, elle a procédé à un renouvellement illégal de la vérification initiale concernant l'exercice 2003 et a dépassé le délai légal de trois mois pour l'exercice 2004, le comptable des impôts a fait preuve d'un comportement irresponsable ; le préjudice dont l'indemnisation est demandée a été calculé en cumulant les pertes d'exploitation 2005, 2006, et 2007, par comparaison avec les trois exercices antérieurs.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 juin 2015, le ministre des finances et des comptes publics, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Elysée Construction ne sont pas fondés, et oppose à titre principal, à sa demande, la prescription quadriennale.

Vu les autres pièces du dossier.

Par une ordonnance du 14 mars 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 4 avril 2016 à

12 heures.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Legeai,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL Elysée Construction, qui exerce une activité de marchands de biens, relève régulièrement appel de l'ordonnance n° 1426113, du 18 décembre 2014 par laquelle le vice-président de la 1ère section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice à elle occasionné du fait du comportement fautif de l'administration fiscale au cours et à la suite des opérations de contrôle auxquelles elle a été soumise dans le cadre d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er

janvier 2001 au 30 juin 2004, qui ont conduit à des rappels d'impositions ultérieurement dégrevées dans leur intégralité ; qu'elle a demandé à cette fin l'annulation des décisions implicites de rejet nées du silence gardé par le ministre du budget sur ses demandes indemnitaires en date des 5 février 2007 et 21 décembre 2009 ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant que, par l'ordonnance attaquée, prise sur le fondement du 7° de l'article R.222-1 du code de justice administrative, le vice-président de la 1ère section du Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la SARL Elysée Construction, sans instruction, en lui opposant la prescription quadriennale ; que, ce moyen n'étant pas d'ordre public, la société requérante est fondée à soutenir que, ce faisant, le premier juge a entaché son ordonnance d'irrégularité ; qu'il y a lieu, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués contre ladite ordonnance, d'annuler cette ordonnance et de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par la SARL Elysée Construction devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur la demande présentée par la société Elysée Construction devant le Tribunal administratif de Paris :

3. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 modifiée relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis " ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 7 de la loi susvisée du

31 décembre 1968 : " L'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond (...) " ; que les dispositions du premier alinéa de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1968, en vertu desquelles l'administration doit invoquer la prescription quadriennale avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond, ne sauraient être interprétées comme interdisant à un ministre d'invoquer cette prescription pour la première fois en appel lorsque le jugement de première instance a été rendu sans instruction ;

4. Considérant que les demandes indemnitaires présentées par la SARL Elysée Construction les 5 février 2007 et 21 décembre 2009 tendaient à la réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis, au cours des exercices 2005, 2006 et 2007, du fait du contrôle engagé à son encontre en 2004 et notamment de la mise en oeuvre, en décembre 2004, de mesures conservatoires ; que, si ces demandes ont, conformément aux dispositions de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 précitées, interrompu le délai de prescription quadriennale pour faire courir un nouveau délai de quatre ans, ce délai expirait le 31 décembre 2013 ; qu'aux termes de l'article L.207 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'une réclamation contentieuse est admise en totalité ou en partie, le contribuable ne peut prétendre à des dommages-intérêts ou à des indemnités quelconques, à l'exception des intérêts moratoires prévus à l'article L.208 " ; que, dès lors, ne fait pas obstacle à la prescription quadriennale la circonstance que le dernier dégrèvement émis par l'administration soit intervenu au cours de l'année 2011, ce dégrèvement concernant la créance fiscale distincte de la créance indemnitaire ; qu'en effet, les préjudices dont la société demande réparation ne trouvent pas leur fait générateur dans la mise en recouvrement des impositions, en décembre 2007, mais dans les mesures conservatoires mises en oeuvre par l'administration en cours du contrôle, en décembre 2004 ; que, d'ailleurs, les préjudices invoqués par la société Elysée Construction concernent la période antérieure à la mise en recouvrement des impositions en cause ; que, par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le délai de prescription quadriennale a été interrompu par sa réclamation formée, après mise en recouvrement, contre les impositions en cause ; que, faute pour elle d'avoir réitéré sa demande indemnitaire entre le 21 décembre 2009 et le 4 novembre 2014, date à laquelle elle a saisi le Tribunal administratif de Paris, le ministre défendeur est fondé à opposer la prescription quadriennale à sa requête ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler l'ordonnance attaquée et de rejeter la demande présentée par la SARL Elysée Construction devant le Tribunal administratif de Paris ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1426113 du 18 décembre 2014 du vice-président de la 1ère section du Tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la SARL Elysée Construction devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que le surplus de ses conclusions devant la Cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Elysée Construction et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2016, à laquelle siégeaient :

Mme Brotons, président de chambre,

M. Magnard, premier conseiller,

M. Legeai, premier conseiller.

Lu en audience publique le 1er juin 2016.

Le rapporteur,

A. LEGEAI Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA00667


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00667
Date de la décision : 01/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : CABINET RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-06-01;15pa00667 ?
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