La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/06/2016 | FRANCE | N°15PA00080

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 01 juin 2016, 15PA00080


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Le Verger de Vincennes a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2008 au 30 avril 2011.

Par un jugement n° 1208499/3 du 6 novembre 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 janvier et 2 juillet 2015, la société Le

Verger de Vincennes, représentée par Me A...et MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Le Verger de Vincennes a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2008 au 30 avril 2011.

Par un jugement n° 1208499/3 du 6 novembre 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 janvier et 2 juillet 2015, la société Le Verger de Vincennes, représentée par Me A...et MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 6 novembre 2014 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées ;

3°) de poser, le cas échéant, une question préjudicielle portant sur les modalités de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux dépenses exclusivement affectées à des opérations d'hébergement et de prise en charge de la dépendance ouvrant droit à déduction ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la règle de l'affectation s'appliquant en amont indépendamment de l'existence de services distincts d'activité, les droits à déduction ne peuvent être calculés avec l'application du coefficient de taxation ;

- la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant certaines dépenses a été remise en cause alors même que ces dépenses étaient prises en compte pour la détermination du tarif journalier et de la dépendance ;

- les dépenses en cause ne concourent pas à la fois à des opérations taxables et à des opérations exonérées ;

- les dépenses de loyer n'ayant pas été prises en compte dans la détermination du forfait soin et ayant été intégrées dans le forfait hébergement, c'est par une inexacte application de la règle de l'affectation que la société n'a déduit qu'une partie de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les dépenses de loyer ;

- l'application du coefficient de taxation forfaitaire est contraire au principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 mai 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société Le Verger de Vincennes ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive n°2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public.

1. Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, la société Le Verger de Vincennes, qui exploite un établissement d'hébergement médicalisé pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), a fait l'objet de rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2008 au 30 avril 2011 résultant de la remise en cause de déductions qu'elle avait exercées ; qu'elle fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande de décharge, en droits et pénalités, de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts :

" I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération / (...) " ; qu'aux termes de l'article 273 du même code : " Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions d'application de l'article 271. Ils fixent notamment : / (...) / les modalités suivant lesquelles la déduction de la taxe ayant grevé les biens ou services qui ne sont pas utilisés exclusivement pour la réalisation d'opérations imposables doit être limitée ou réduite. (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 205 de l'annexe II au code général des impôts dans sa rédaction issue du décret n°2007-566 du 16 avril 2007 applicable à compter du 1er janvier 2008 et pris en application de l'article 273 précité : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. " ; qu'aux termes de l'article 206 de ladite annexe : " I.-Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. / II.-Le coefficient d'assujettissement d'un bien ou d'un service est égal à sa proportion d'utilisation pour la réalisation d'opérations imposables. Les opérations imposables s'entendent des opérations situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des articles 256 et suivants du code général des impôts, qu'elles soient imposées ou légalement exonérées. / III.-1. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est égal à l'unité lorsque les opérations imposables auxquelles il est utilisé ouvrent droit à déduction. / 2. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est nul lorsque les opérations auxquelles il est utilisé n'ouvrent pas droit à déduction. / 3. Lorsque le bien ou le service est utilisé concurremment pour la réalisation d'opérations imposables ouvrant droit à déduction et d'opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction, le coefficient de taxation est calculé selon les modalités suivantes : / 1° Ce coefficient est égal au rapport entre : / a. Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; / b. Et, au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations imposables, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. / Les sommes mentionnées aux deux termes de ce rapport s'entendent tous frais et taxes compris, à l'exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée ;

2° Lorsqu'un assujetti a constitué des secteurs distincts d'activité en application de l'article 209, le chiffre d'affaires à retenir pour le calcul du rapport mentionné au 1° est celui du ou des secteurs pour lesquels le bien ou le service est utilisé ; / (...) " ;

4. Considérant, enfin, que l'article 261 4. 1° ter du code général des impôts exonère de taxe sur la valeur ajoutée " les soins dispensés par les établissements privés d'hébergement pour personnes âgées mentionnés au 6° de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, pris en charge par un forfait annuel global de soins en application de l'article

L. 174-7 du code de la sécurité sociale " ;

5. Considérant que la société requérante conteste le principe de la déductibilité partielle de la taxe grevant des dépenses de consommation d'eau, de gaz, d'électricité, de crédit-bail immobilier, de loyers, d'honoraires, d'assurance, d'entretien et de prestations de service et de frais généraux divers ; qu'elle soutient qu'elle exerce trois types d'activités relevant de régimes différents pour l'application de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'elle distingue à cet effet son activité de soins, entrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée mais exonérée de cette taxe en vertu des dispositions précitées de l'article 261 4. 1° ter du code général des impôts et, d'autre part, ses activités effectivement assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, liées à l'hébergement des personnes âgées et aux prestations d'assistance nécessitées par la dépendance ; qu'elle fait valoir que les dépenses susmentionnées sont entièrement affectées à son activité taxable et que la taxe sur la valeur ajoutée les grevant est par suite intégralement déductible ;

6. Considérant, toutefois, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les biens et services en cause seraient exclusivement utilisés pour la réalisation des opérations taxables ; que la circonstance que l'établissement perçoive le forfait annuel global de soins, versé par la Caisse primaire d'assurance-maladie, pour les soins que son personnel soignant est autorisé à effectuer, et que le Code de l'action sociale et des familles exclurait certaines dépenses du calcul dudit forfait et prévoirait leur inclusion dans le calcul du forfait hébergement, ne saurait démontrer par elle-même que lesdites dépenses ne seraient exposées que pour la réalisation des activités imposables, au sens des dispositions précitées du code général des impôts ; qu'il résulte au contraire de l'instruction que les biens et services en cause, utilisés par l'établissement pour l'accueil des personnes âgées dépendantes qu'il héberge, nourrit et assiste, sur lesquelles il veille et auxquelles il prodigue les soins nécessités par leur état, concourent à cet accueil ; que, par suite, lesdits biens et services servant de manière transversale à cet accueil doivent être regardés comme utilisés concurremment pour la réalisation des différentes opérations effectuées de manière complémentaire par l'établissement, alors même que les dépenses correspondantes auraient dû être exposées dans l'hypothèse où ledit établissement n'aurait pas dispensé de prestations de soins non taxables ; que, dans ces conditions et en vertu de l'article 271 précité, comme des dispositions règlementaires prises pour son application, seule une fraction de la taxe grevant les biens et services en cause est déductible, à raison de leur part, déterminée selon les modalités prévues par les dispositions précitées du code général des impôts, dans la réalisation de celles des opérations effectuées par l'établissement qui ouvrent droit à déduction ;

7. Considérant que, loin de contredire le principe de neutralité fiscale, la déductibilité de la taxe d'amont grevant des biens et services dans la seule mesure où ceux-ci servent à la réalisation d'opérations taxées garantit ce principe ; que ce mode partiel et forfaitaire de déduction, prévu par les textes internes ne contredit pas, en lui-même, les objectifs de la directive n°2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée qu'invoque la société ; qu'il n'est pas contraire aux articles 167 et suivants de cette directive et notamment aux dispositions de l'article 173, lesquelles prévoient que la déduction de la taxe grevant des biens et services utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction et des opérations n'ouvrant pas droit à déduction n'est admise que pour la partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations et autorisent par conséquent la détermination d'un prorata de déduction ; que les biens et services en cause ayant été, ainsi qu'il a été dit au point 6., partiellement affectés à l'exercice d'une activité non taxable, la non déductibilité partielle de la taxe grevant les dépenses correspondantes ne saurait être regardée comme portant atteinte au principe susmentionné ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice de l'Union Européenne, que la société Le Verger de Vincennes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Le Verger de Vincennes est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le Verger de Vincennes et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal

d'Ile-de-France Est.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2016, à laquelle siégeaient :

Mme Brotons, président de chambre,

M. Magnard, premier conseiller,

M. Legeai, premier conseiller,

Lu en audience publique le 1er juin 2016.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

7

2

N° 15PA00080


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00080
Date de la décision : 01/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : CABINET FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-06-01;15pa00080 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award