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26/05/2016 | FRANCE | N°14PA03992

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 26 mai 2016, 14PA03992


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Italian Way a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2009, ainsi que des pénalités correspondantes et, d'autre part, de la retenue à la source mise à sa charge au titre des années 2007, 2008 et 2009 et de l'intérêt de retard correspondant.

Par un jugement n° 1310521 du 9 juillet 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejet

sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 septemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Italian Way a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2009, ainsi que des pénalités correspondantes et, d'autre part, de la retenue à la source mise à sa charge au titre des années 2007, 2008 et 2009 et de l'intérêt de retard correspondant.

Par un jugement n° 1310521 du 9 juillet 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2014, la société Italian Way, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1310521 du 9 juillet 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2009, ainsi que des pénalités correspondantes et, d'autre part, de la retenue à la source mise à sa charge au titre des années 2007, 2008 et 2009 et de l'intérêt de retard correspondant ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les impositions ont été établies en méconnaissance des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dès lors que la chronologie des opérations, telles que relatées par l'administration dans son mémoire en défense, établit que le service avait déjà commencé la vérification de comptabilité avant de lui adresser l'avis de vérification correspondant ;

- la proposition de rectification du 23 novembre 2010 n'est pas suffisamment motivée, dès lors qu'elle vise le 1° et le 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts sans préciser à quels redressements se rapportent ces dispositions ; les chiffres mentionnés ne se retrouvent pas dans le tableau ;

- elle a apporté la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge ;

- elle justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour contester la retenue à la source, d'un montant de 373 428 euros, mise en recouvrement le 30 décembre 2011 ; les déficits constatés par le service, au titre des exercices 2008 et 2009, ne peuvent pas être regardés comme des revenus distribués au sens du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, dès lors qu'il ne s'agit pas de sommes mises à disposition des associés et que l'administration n'est pas en mesure d'en identifier avec certitude les bénéficiaires ; pour le surplus, les impositions devaient être établies sur le fondement du 2° et non du 1° de l'article 109 du code général des impôts, dès lors que les bénéficiaires des distributions sont connus ; le service n'établit pas que les revenus en cause ont été appréhendés par les bénéficiaires ; des déficits ne peuvent être appréhendés ; l'administration n'établit pas que les titulaires des comptes courants d'associés auraient pu, eu égard à la situation de la société, lui demander le versement des sommes figurant sur ces comptes ; les frais de loyer et de voyage ont été justifiés ;

- les pénalités infligées sur le fondement des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts ne sont pas suffisamment motivées en ce qui concerne les productions de pièces justificatives et la situation des comptes courants d'associés ; l'application de ces pénalités n'est pas justifiée ;

- les pénalités infligées sur le fondement de l'article 1728 du code général des impôts devaient, compte tenu des difficultés qu'elle a rencontrées et qui ont été exposées au vérificateur, être modulée conformément aux stipulations de l'article 6 paragraphe 1er de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il fait valoir que :

- l'imposition des revenus distribués doit être maintenue sur le fondement des dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ;

- les moyens soulevés par la société Italian Way ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que, par une décision du 20 mai 2014, antérieure à l'enregistrement de la requête, l'administration a prononcé le dégrèvement des intérêts de retard dont ont été assorties les impositions mises à la charge de la société Italian Way et d'une fraction de la pénalité au taux de 10% mentionnée au a) du 1 de l'article 1728 du code général des impôts, se rapportant aux cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles l'intéressée a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2009. Les conclusions de la requête de la société Italian Way tendant à la décharge de ces intérêts de retard et pénalité sont, dès lors, sans objet et, par suite, irrecevables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention signée le 5 octobre 1989 entre la France et l'Italie en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscale ;

- le livre des procédures fiscales et le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Coiffet,

- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.

1. Considérant que la société Italian Way, qui exerce une activité de grossiste import-export dans le secteur de l'habillement, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée à l'issue de laquelle le service lui a notifié des cotisations d'impôt sur les sociétés, au titre de ses exercices clos en 2007 et 2009, et a fait application de la retenue à la source prévue à l'article 119 bis du code général des impôts aux revenus qu'il a regardés comme distribués, au titre des années 2007, 2008 et 2009, par la société à ses deux associées établies en Italie ; que la société Italian Way fait appel du jugement en date du 9 juillet 2014, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces cotisations et de cette retenue à la source, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que le service a assorti les impositions en litige de l'intérêt de retard et a fait application aux cotisations d'impôt sur les sociétés qu'elle a mises à la charge de la contribuable, d'une part, de la pénalité au taux de 10% prévue au a) du 1 de l'article 1728 du code général des impôts, en cas d'absence ou de retard de déclaration, et d'autre part, de la pénalité pour manquement délibéré mentionnée à l'article 1729 du même code ; qu'il résulte de l'instruction que, par une décision du 20 mai 2014, qui n'a pas été communiquée au tribunal administratif, l'administration a prononcé le dégrèvement des intérêts de retard et d'une fraction de la pénalité au taux de 10% infligés à la société Italian Way ; qu'elle a, par une décision du 9 juin 2015, postérieure à l'enregistrement de la requête, prononcé le dégrèvement du surplus de la pénalité en litige ; que, par suite, la contestation par la requérante de ces majorations est, dans cette mesure, dépourvue d'objet ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 119 bis du code général des impôts : " 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. (...) " ; qu'en application de l'article 1672 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, la retenue à la source est versée au Trésor par la personne établie en France qui assure le paiement des revenus ; qu'aux termes de l'article 75 de l'annexe II au code précité : " (...) 2° Les personnes ou organismes qui payent des revenus de capitaux mobiliers, en l'absence de coupons ou d'instruments représentatifs de coupons ; 3° Les personnes et collectivités débitrices de revenus de capitaux mobiliers qu'elles payent, soit directement, soit par l'intermédiaire d'établissements situés hors de France s'il s'agit de sociétés ou collectivités françaises (...) " ;

4. Considérant que, pour l'application de ces dispositions, le redevable de la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du code général des impôts est, en principe, l'établissement qui assure le paiement des revenus définis aux articles 108 à 117 bis du même code ; que, toutefois, dans le cas où, à l'issue d'un contrôle, l'administration regarde une somme versée par une société comme un revenu distribué, c'est la société qui a procédé à sa distribution qui doit être regardée comme l'établissement payeur, au sens du 3° de l'article 75 de l'annexe II au code précité, et, par suite, comme le redevable de la retenue à la source ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à l'issue de la vérification de comptabilité diligentée à l'encontre de la société Italian Way, le service a réintégré à ses résultats des exercices clos en 2007, 2008 et 2009 des sommes figurant au crédit des comptes courants ouverts, dans ses livres, au nom de ses deux associées, dont elle a considéré qu'elles constituaient, en l'absence de justificatifs, un passif injustifié ; qu'il a, également, remis en cause des dépenses de logement et de voyage ainsi que des frais de mission, que la contribuable avait portés en charges dans sa comptabilité, au motif qu'ils n'avaient pas été exposés dans l'intérêt de la société ; que les sommes correspondant à ces crédits et ces dépenses ont été regardées par l'administration comme des revenus distribués par la société Italian Way à ses deux associées domiciliées en Italie ; que la société Italian Way, qui a ainsi assuré le paiement des revenus distribués en cause, est, par suite, le redevable de la retenue à la source qui a été pratiquée, au titre des années 2007, 2008 et 2009, sur ces revenus par l'administration sur le fondement des dispositions précitées de l'article 119 bis du code général des impôts ; qu'elle justifiait, dès lors, contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, d'un intérêt lui donnant qualité pour contester devant l'administration puis devant le tribunal, la retenue à la source ainsi mise à sa charge ; que, par suite, la requérante est fondée à soutenir que le jugement attaqué, en tant qu'il a rejeté comme irrecevables les conclusions de sa demande tendant à la décharge de cette retenue à la source, est irrégulier et qu'il doit, dans cette mesure, être annulé ; qu'il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur ces conclusions et, par la voie de l'effet dévolutif, sur les autres conclusions de la requête de la société Italian Way ;

Sur les conclusions de la demande tendant à la décharge de la retenue à la source :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification [.../...] " ;

7. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le vérificateur doit, avant d'engager les opérations de contrôle, adresser au contribuable un avis de vérification, indiquant obligatoirement les années soumises à vérification et la faculté pour le contribuable de se faire assister d'un conseil ;

8. Considérant qu'il est constant que, par un premier avis de vérification daté du 13 janvier 2010, que la société Italian Way a reçu le 18 janvier 2010, le service a informé la contribuable de ce qu'il allait procéder à la vérification de sa comptabilité au titre des exercices clos en 2007 et 2008 et de la période allant du 1er mars 2007 au mois de novembre 2009, en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée ; que le vérificateur lui a, le 22 juillet 2010, adressé un second avis de vérification, qu'elle a réceptionné le 26 juillet suivant, portant sur l'exercice clos en 2009 ; qu'il ressort des mentions de la proposition de rectification du 23 novembre 2010, notifiée à la société Italian Way, que les entretiens avec le vérificateur concernant les périodes ci-dessus décrites ont débuté après la notification à l'intéressée des avis de vérification correspondants ; qu'il ne résulte pas, par ailleurs, de l'instruction que l'administration aurait procédé à l'examen de documents comptables de la société avant l'envoi de ces avis ; que, par suite, la société, qui se borne à se prévaloir de la chronologie des opérations de vérification telle qu'elle est exposée par l'administration dans son mémoire en défense devant les premiers juges, n'est pas fondée à soutenir que le service aurait commencé la vérification de sa comptabilité avant de lui adresser l'avis de vérification mentionné à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

9. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. / (...) " ;

10. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées ;

11. Considérant que la proposition de rectification du 23 novembre 2010 mentionne la période d'imposition et les impôts concernés, la nature, le montant, et les motifs des rehaussements envisagés ; qu'elle indique notamment que des sommes inscrites au crédit des comptes courants ouverts dans les livres de la société Italian Way au nom de ses deux associées ainsi que certaines dépenses de loyers, de voyages ou de missions, dont l'intérêt pour l'entreprise n'avait pas été démontré, devaient être regardées comme des revenus distribués au sens de l'article 109 du code général des impôts, et imposées sur le fondement du 2° du 1 de cet article à concurrence des déficits déclarés par la société de 14 144 euros pour l'exercice 2007, et de 37 944 euros pour l'exercice 2008, et du 1° du 1 du même article pour le surplus des distributions en cause ; qu'ainsi, contrairement à ce que prétend la requérante, la proposition de rectification du 23 novembre 2010 précise suffisamment le fondement légal de ce redressement ; que la société Italian Way, qui disposait des éléments d'information nécessaires pour présenter utilement ses observations, n'est pas fondée à soutenir que la motivation de cette proposition de rectification ne répondrait pas aux exigences des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé de la retenue à la source en litige :

12. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices " ; qu'aux termes de l'article 119 bis de ce code : " 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. (...) " ; qu'aux termes de l'article 10 de la convention susvisée du 5 octobre 1989 : " 1. Les dividendes payés par une société qui est un résident d'un Etat à un résident de l'autre Etat sont imposables dans cet autre Etat. / 2. Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l'Etat dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet Etat, mais si la personne qui reçoit les dividendes en est le bénéficiaire effectif, l'impôt ainsi établi ne peut excéder : / a) 5 p. cent du montant brut des dividendes si le bénéficiaire effectif est une société passible de l'impôt sur les sociétés qui a détenu directement ou indirectement, pendant une période d'au moins 12 mois précédant la date de la décision de distribution des dividendes, au moins 10 p. cent du capital de la société qui paie les dividendes ; / b) 15 p. cent du montant brut des dividendes dans tous les autres cas (...) " ;

13. Considérant qu'au cours des opérations de contrôle, le vérificateur a constaté que des sommes d'un montant de 334 999 euros et de 134 966 euros avaient été inscrites, respectivement les 31 mars 2007 et 30 avril 2007, au crédit du compte courant d'associé ouvert dans les livres de la société Italian Way au nom de MmeC..., gérante et associée de la société, et qu'aux 31 décembre 2008 et 2009, ce même compte courant présentait un solde créditeur de 135 687 euros et de 736 624 euros ; que la société n'ayant pas été en mesure de justifier la nature de ces inscriptions, le service a réintégré dans les résultats des exercices vérifiés le montant des crédits considérés, qu'il a regardés comme des passifs injustifiés ; qu'il a également remis en cause, à concurrence des sommes de 13 972 euros au titre de l'exercice 2008 et de 12 168 euros au titre de l'exercice 2009, les frais de voyage et de missions que la contribuable avait portés en charge, après avoir relevé que celle-ci n'établissait pas que ces dépenses, effectuées par une personne qui n'exerçait aucune fonction dans l'entreprise, avaient été exposées dans l'intérêt de cette dernière ; que, par ailleurs, il a également réintégré au résultat des exercices clos en 2008 et 2009, le montant des loyers que la société avaient supportés pour le logement de sa gérante ; que, toutefois, conformément aux préconisations de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, le service a finalement retenu la moitié des dépenses de loyers engagées par la société ; que les sommes correspondant à ces apports non justifiés et aux charges non admises en déduction des résultats par l'administration, ont été regardées comme des revenus distribués sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, à concurrence des déficits déclarés par la société Italian Way au titre des exercices clos en 2007 et en 2008 et sur le fondement du 1° du 1 de cet article, pour le surplus, puis imposées à la retenue à la source au taux de 15% en application des dispositions de l'article 119 bis du code général des impôts et des stipulations de l'article 10 de la convention signée le 5 octobre 1989 entre la France et l'Italie, les bénéficiaires de ces distributions étant établies en Italie ;

14. Considérant, d'une part, que les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ; que, d'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 13, le service a constaté que la société Italian Way avait supporté le paiement du loyer versé au titre des années 2008 et 2009, pour le logement de sa gérante et associée, MmeC..., et qu'elle avait également porté en charges des dépenses de missions et de voyages réalisées par une personne n'exerçant aucune activité au sein de l'entreprise ; que la société requérante, qui se borne à soutenir que les frais en cause ont été justifiés, n'a produit aucun document susceptible d'établir, ainsi qu'il lui incombe, dès lors qu'elle n'a pas contesté la retenue à la source mise à sa charge dans les observations qu'elle a présentées à la suite de la notification des impositions en litige, qu'ils auraient été supportés dans son intérêt propre ; que le ministre est, dès lors, fondé à soutenir que la totalité des apports non justifiés et des charges non admises en déduction par le service peut être regardée comme des sommes ou valeurs mises à la disposition d'un associé et non prélevées sur les bénéfices, au sens des dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, passibles de la retenue à la source prévue à l'article 119 bis du même code ; que cette substitution de base légale ne prive la contribuable d'aucune des garanties qui lui sont reconnues en matière de procédure, dès lors qu'il résulte de l'instruction que la société, qui a été imposée selon la procédure de redressement contradictoire au titre des années 2007 et 2009, et bien que taxée d'office pour l'établissement des impositions de l'année 2008, a dans les faits bénéficié des garanties attachées à la procédure contradictoire prévues par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

15. Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 13, la société Italian Way a supporté des frais de missions et de voyages ainsi que des dépenses de loyers qui n'ont pas été exposés dans l'intérêt de son exploitation ; que si elle l'allègue, elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe que les sommes correspondant à ces dépenses n'ont pas été appréhendées par ses deux associées, Mme C...et MmeA... ;

16. Considérant, en troisième lieu, que, si la société requérante soutient que ses deux associées n'ont pas appréhendé les sommes figurant sur leur compte courant d'associé, elle ne justifie pas de l'impossibilité juridique ou financière dans laquelle elle aurait pu se trouver de verser aux intéressées les sommes, qui, inscrites au crédit des comptes courants ouverts à leur nom, sont réputées avoir été mises à leur disposition dès leur inscription ;

17. Considérant, en quatrième lieu, qu'eu égard à la nature des distributions regardées comme occultes par le service, la requérante ne peut utilement, pour remettre en cause l'application de la retenue à la source en litige, faire valoir que l'administration n'établit pas que sa gérante ou ses associées auraient effectué des prélèvements à des fins personnelles dans ses caisses ou ses comptes bancaires ou qu'elle aurait versé des dividendes à ses associés ;

18. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du même livre : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (...) " ;

19. Considérant que les contribuables ne sont en droit d'invoquer, sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 80 A ou de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, lorsque l'administration procède à un rehaussement d'impositions antérieures, que des interprétations ou des appréciations antérieures à l'imposition primitive ; que, par suite, la requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à se prévaloir de l'opinion émise par le vérificateur, dans la proposition de rectification que celui-ci lui a notifiée à l'issue de la seconde vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet au titre des exercices clos en 2010 et 2011, sur la justification des soldes créditeurs, au 31 décembre 2009, des deux comptes courants d'associés ouverts dans ses livres ;

20. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de la demande de la société Italian Way tendant à la décharge de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2007, 2008 et 2009, doivent être rejetées ;

Sur les cotisations d'impôt sur les sociétés :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

21. Considérant que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 8 et 11 ;

En ce qui concerne le bien-fondé des cotisations d'impôt sur les sociétés en litige :

22. Considérant qu'il est constant que la comptabilité présentée par la société Italian Way a été écartée comme dépourvue de valeur probante ; qu'il résulte de l'instruction que les impositions en litige ont été établies sur des bases conformes à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'il s'ensuit que la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition en matière d'impôt sur les sociétés incombe à la société en application des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ;

23. Considérant que la société requérante, qui se borne à soutenir que son dossier démontre qu'elle a fourni de nombreuses explications et justifications à l'administration, sans toutefois produire les justificatifs dont elle se prévaut, n'établit pas avoir, ainsi qu'elle l'allègue, apporté la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge ;

Sur les pénalités :

24. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations " ;

25. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'administration a l'obligation, au moins trente jours avant la mise en recouvrement des pénalités visées par le second alinéa de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, d'adresser au contribuable un document comportant la motivation des pénalités qu'elle envisage de lui appliquer et indiquant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour présenter ses observations ; que l'administration est tenue de renouveler cette formalité si, pour quelque motif que ce soit, elle modifie, avant leur mise en recouvrement, la base légale, la qualification ou les motifs des pénalités qu'elle se propose d'appliquer au contribuable ;

26. Considérant que la proposition de rectification du 23 novembre 2010, vise, dans un paragraphe spécifique aux pénalités, l'article 1729 du code général des impôts et indique le taux et le montant des pénalités exigibles ; qu'elle expose de façon précise et détaillée la nature des manquements imputés à la société Italian Way, dont elle relève le caractère grave et répété, en rappelant notamment que celle-ci a procédé à l'établissement d'une nouvelle comptabilité au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009 pour les besoins des opérations de contrôle, transmis très tardivement, jusqu'à la veille de la réunion de synthèse, ses déclarations de résultats, omis de présenter de nombreux documents justificatifs et qu'elle n'a pu justifier un certain nombre d'écritures comptables ; que, par ailleurs, la première page de la proposition de rectification porte également mention du délai de trente jours laissé à la contribuable pour présenter ses observations ; qu'ainsi, les majorations appliquées sont, contrairement à ce que soutient la société requérante, suffisamment motivées au regard des dispositions précitées de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ;

27. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;

28. Considérant que, pour justifier l'application des pénalités mentionnées à l'article 1729 précité, l'administration s'est fondée sur le caractère grave et répété des manquements relevés au point 26 de l'arrêt ; que, dans ces conditions, elle doit être regardée comme établissant, par ces éléments, l'intention de la société d'éluder l'impôt et, par suite, le caractère délibéré des manquements qui lui sont reprochés ;

29. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Italian Way n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2009 et des pénalités qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts, et que les conclusions de sa demande tendant à la décharge de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2007, 2008 et 2009, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

30. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, la somme que demande la société Italian Way au titre des frais qu'elle a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer, à concurrence de la somme de 2 018 euros, sur les conclusions de la requête de la société Italian Way tendant à la décharge de la pénalité au taux de 10% mentionnée au a) du 1 de l'article 1728 du code général des impôts, mise à la charge de la société Italian Way au titre de l'exercice clos en 2009.

Article 2 : Le jugement du 9 juillet 2014 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de la demande de la société Italian Way tendant à la décharge de la retenue à la source qui a été appliquée, sur le fondement de l'article 119 bis du code général des impôts, aux revenus qu'elle a distribués au titre des années 2007, 2008 et 2009 à ses deux associées établies en Italie.

Article 3 : Les conclusions de la demande de la société Italian Way tendant à la décharge de la retenue à la source mentionnée à l'article 2 du présent arrêt, sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Italian Way est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Italian Way et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Paris Centre et services spécialisés).

Délibéré après l'audience du 9 mai 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Coiffet, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 26 mai 2016.

Le rapporteur,

V. COIFFETLe président,

S.-L. FORMERYLe greffier,

S. JUSTINE

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA03992


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03992
Date de la décision : 26/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Personnes et activités imposables.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables - Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Valérie COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : GARDET

Origine de la décision
Date de l'import : 09/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-05-26;14pa03992 ?
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