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23/05/2016 | FRANCE | N°14PA03148

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 23 mai 2016, 14PA03148


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...A...C...a demandé au Tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler la décision du 10 janvier 2012 par laquelle le ministre chargé du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 24 mai 2011 refusant d'autoriser son licenciement, a annulé la décision implicite rejetant le recours hiérarchique présenté contre la décision de l'inspecteur du travail et a accordé l'autorisation de le licencier et, d'autre part, de condamner la société Cave Canem Sûreté à lui verser 60 000 e

uros de dommages et intérêts en raison des préjudices subis du fait de la décis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...A...C...a demandé au Tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler la décision du 10 janvier 2012 par laquelle le ministre chargé du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 24 mai 2011 refusant d'autoriser son licenciement, a annulé la décision implicite rejetant le recours hiérarchique présenté contre la décision de l'inspecteur du travail et a accordé l'autorisation de le licencier et, d'autre part, de condamner la société Cave Canem Sûreté à lui verser 60 000 euros de dommages et intérêts en raison des préjudices subis du fait de la décision en litige.

Par un jugement n° 1202466 du 9 juillet 2014, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 10 janvier 2012 du ministre chargé du travail, mis à la charge de la société Cave Canem Sûreté la somme de 35 euros au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2014, et un mémoire, enregistré le 8 avril 2016, lequel n'a pas été communiqué, la SARL Cave Canem, venant aux droits de la société Cave Canem Sûreté, représentée par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202466 du 9 juillet 2014 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...C...devant le Tribunal administratif de Melun ;

3°) de mettre à la charge de M. A...C...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux entiers dépens en vertu de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal ne pouvait se fonder sur la circonstance que M. A...C...n'aurait pas été formellement invité à présenter des observations sur le retrait de la décision implicite de rejet du recours hiérarchique alors qu'il avait été invité à en présenter sur ledit recours ;

- M. A...C...a bien reçu communication du recours hiérarchique et a, donc, été en mesure de présenter des observations sur le retrait de la décision implicite de rejet de ce recours ;

- le tribunal n'a pas recherché si la circonstance que M. A...C...n'aurait pas été spécifiquement et formellement invité à présenter ses observations, alors même qu'il avait reçu communication du recours hiérarchique, aurait eu une incidence sur le sens de la décision en litige ou l'aurait privé d'une garantie ;

- la procédure d'instruction du recours hiérarchique et du retrait étant régulière, compte tenu de la nouvelle enquête contradictoire à laquelle le ministre chargé du travail a procédé et de sa convocation à un entretien préalable lui ayant permis de présenter des observations écrites, M. A... C... n'a été privé d'aucune garantie ;

- le vice de procédure, qui ne présente, en tout état de cause, pas de caractère substantiel, n'est pas de nature à justifier une annulation eu égard à la gravité des faits reprochés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2015, M. A...C..., représenté par MeE..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la SARL Cave Canem, venant aux droits de la société Cave Canem Sûreté ;

2°) de mettre à la charge de la SARL Cave Canem, venant aux droits de la société Cave Canem Sûreté, la somme de 2 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

M. A...C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 40% par une décision du 27 février 2015 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- et les observations de Me Yvon, avocat de la SARL Cave Canem.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...C..., délégué du personnel depuis 2010, a exercé les fonctions d'agent de surveillance, au sein de la SARL Cave Canem, depuis le 2 juillet 2007. Par une décision du 24 mai 2011, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser son licenciement pour motif disciplinaire dès lors, d'une part, que les faits fautifs qui lui étaient reprochés n'étaient pas d'une gravité suffisante, en l'absence d'antécédents disciplinaires, pour justifier une mesure de licenciement et, d'autre part, que cette dernière pouvait être liée au mandat de délégué du personnel détenu par M. A... C.... Sur recours hiérarchique du 15 juillet 2011 de son employeur, reçu par le ministre chargé du travail le 19 juillet suivant, ce dernier a, par une décision du 10 janvier 2012, procédé au retrait de la décision implicite de rejet dudit recours née le 19 novembre 2011, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 24 mai 2011 et autorisé le licenciement pour faute de M. A...C...aux motifs que la persistance de son attitude irrespectueuse de ses obligations contractuelles et du mépris constant des consignes de l'entreprise et du client qui lui étaient régulièrement rappelées par sa hiérarchie, étaient constitutifs d'un comportement fautif suffisamment grave pour justifier, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs invoqués à son encontre, son licenciement. Par un jugement du 9 juillet 2014, dont la SARL Cave Canem, venant aux droits de la société Cave Canem Sûreté, relève appel, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du ministre chargé du travail du 10 janvier 2012 au motif que les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 avaient été méconnues.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. L'article R. 2422-1 du code du travail prévoit, d'une part, que le ministre chargé du travail peut, notamment, annuler la décision de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser le licenciement d'un salarié exerçant un mandat syndical sur recours hiérarchique de l'employeur dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur du travail et, d'autre part, que le silence gardé plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet. L'article 24 de la loi du 12 avril 2000, désormais codifié à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration garantit à la personne intéressée, s'agissant des décisions individuelles devant être motivées, d'être mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales.

3. Pour annuler la décision du 10 janvier 2012 du ministre chargé du travail, le Tribunal administratif de Melun a jugé que, la décision de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser le licenciement de M. A...C...étant créatrice de droit à son égard, il appartenait au ministre, avant de retirer la décision par laquelle il avait implicitement rejeté le recours hiérarchique formé par la société Cave Canem Sûreté contre cette décision, de mettre M. A...C...à même de présenter ses observations. Si, ainsi que l'a jugé le tribunal, ce dernier avait pu présenter ses observations dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique, il ne ressortait pas des pièces du dossier et, cela n'était pas contesté par le ministre, qui n'avait pas défendu au fond, que l'administration l'avait mis à même de présenter des observations sur le retrait de la décision implicite de rejet née le 19 novembre 2011. Toutefois, en se bornant à confirmer le sens de la décision par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. A... C..., la décision implicite par laquelle le ministre chargé du travail a rejeté le recours hiérarchique de son employeur n'a pas le caractère d'une décision créatrice de droits au profit de l'intéressé. Dans ces conditions, le ministre a pu retirer la décision implicite de rejet née de son silence sur le recours hiérarchique formé par la société Cave Canem Sûreté sans préalablement inviter M. A...C...à présenter de nouvelles observations. En conséquence, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions susvisées de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 pour annuler la décision du 10 janvier 2012 du ministre chargé du travail.

4. Il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif, d'examiner les moyens soulevés par M. A...C...tant devant le Tribunal administratif de Melun que devant elle.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 10 juillet 2012 :

5. En premier lieu, M. A...C...soutient que la décision en litige a été prise par une autorité incompétente. M.B..., signataire de cette décision, ayant été nommé, par décret du 6 octobre 2011, régulièrement publié au Journal officiel du 7 octobre 2011, en qualité de directeur adjoint au directeur général du travail, il bénéficiait, sur le fondement des dispositions de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 susvisé, d'une délégation à l'effet de signer la décision critiquée. Par suite, le moyen invoqué ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.

6. En deuxième lieu, M. A...C...soutient que la décision litigieuse est insuffisamment motivée. Toutefois, la circonstance que le ministre chargé du travail a omis de faire mention dans les visas, d'une part, de la personne habilitée, au nom de la société, à présenter le recours hiérarchique et, d'autre part, du respect de la procédure contradictoire n'est pas de nature à entacher d'insuffisance de motivation la décision dont s'agit. En outre, contrairement à ce que soutient l'intéressé, la motivation de la décision contestée, en tant qu'elle porte retrait de la décision implicite de rejet née le 19 novembre 2011, se confond avec celle portant autorisation de licenciement, laquelle comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement.

7. En troisième lieu, M. A...C...fait valoir que la décision critiquée est entachée d'erreurs de fait et d'appréciation. Il ressort des mentions de cette décision que le ministre chargé du travail s'est fondé sur une " nouvelle absence soudaine et injustifiée à son poste, le mardi 21 décembre 2010 ", le stationnement de son véhicule professionnel " sur des places réservées qui ne lui sont pas autorisées " et sur le non-respect " des consignes relatives à son temps de surveillance ainsi qu'au circuit des rondes en sortant de la zone à surveiller sans aucune justification professionnelle et en dépit des multiples rappels à l'ordre dont il a fait l'objet depuis l'année 2008 ". Il ressort des pièces du dossier que, d'une part, s'agissant de son absence pour la journée du 21 décembre 2010, que ne conteste pas l'intéressé et qu'il justifie, dans le cadre de la procédure juridictionnelle, par la production de deux courriels de la compagnie aérienne Ryan Air des 19 et 20 décembre et de cartes d'embarquement des 19, 20 et 21 décembre, il ne peut lui être reproché qu'une absence de justification de cette journée alors qu'il avait été mis, le 10 janvier 2011, en demeure par son employeur de produire toute justification de cette nouvelle absence. D'autre part, s'agissant du non-respect des consignes de stationnement de son véhicule professionnel en dépit de plusieurs notes de services et de nombreux rappels à l'ordre de sa hiérarchie, que M. A...C...ne conteste pas davantage, il se borne à faire valoir que le parking était inaccessible compte tenu de la réalisation de travaux alors que d'autres niveaux dudit parking étaient accessibles et n'apporte aucune justification objective susceptible d'expliquer les raisons de son insubordination, après que la demande de déplacer son véhicule lui ait été faite par son supérieur hiérarchique. La circonstance, par ailleurs, qu'il aurait été le seul à être sanctionné n'est pas établie. Enfin, et s'agissant du non-respect des consignes relatives au temps de surveillance et au circuit de ronde nonobstant les rappels à l'ordre de sa hiérarchie, il ressort des pièces versées au dossier que M. A...C...s'est, pendant ses vacations des mois de janvier et février 2011, absenté à plusieurs reprises de son poste de travail pour des durées variables et pouvant aller jusqu'à quelques heures, sans apporter aucune justification objective. Les circonstances alléguées que les relevés des temps de surveillance et de rondes ne concernaient que le requérant et que les salariés étaient contraints de faire leurs rondes à pied ne sont pas de nature à établir l'inexactitude matérielle des faits reprochés à M. A...C...alors que, ainsi que s'en est expliqué son employeur, la panne du stylo pointeur avait rendu nécessaire un recoupement entre les relevés de la carte de parking de l'intéressé, établis par l'aéroport d'Orly, son client, avec les feuilles de service quotidiennes qu'il avait renseignées. Ces faits, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils seraient, en vertu des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail, prescrits, sont eu égard à leur gravité, à leur préméditation et à leur durée, de nature à fonder l'autorisation de licenciement en litige. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande de licenciement serait liée à l'exercice de son mandat par M. A...C...et que ce dernier aurait fait l'objet d'une discrimination.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires présentées par M. A...C...devant le Tribunal administratif de Melun ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Cave Canem est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 10 juillet 2012 du ministre chargé du travail. Par voie de conséquence, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande présentée par M. A...C...devant le Tribunal administratif de Melun. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions que la société appelante a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause, sur celui de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. La société Cave Canem n'étant pas la partie perdante, les conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée par le conseil de M. A...C...doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1202466 du 9 juillet 2014 du Tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...C...devant le Tribunal administratif de Melun est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la SARL Cave Canem sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 par le conseil de M. A...C...sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Cave Canem, à M. F...A...C...et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 mai 2016.

Le rapporteur,

S. BONNEAU-MATHELOTLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

A. CLEMENTLa République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA03148


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03148
Date de la décision : 23/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Procédure contradictoire.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : SELARL REDLINK

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-05-23;14pa03148 ?
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