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18/05/2016 | FRANCE | N°14PA03740

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 18 mai 2016, 14PA03740


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'édition de Canal Plus a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution de la somme de 15 212 117 euros acquittée au profit du Centre national du cinéma et de l'image animée, au titre de la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision pour les années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1312150/5-1 du 19 juin 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoire

s enregistrés les 20 août 2014, 9 février 2015 et

22 septembre 2015, la société d'édition de C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'édition de Canal Plus a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution de la somme de 15 212 117 euros acquittée au profit du Centre national du cinéma et de l'image animée, au titre de la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision pour les années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1312150/5-1 du 19 juin 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 20 août 2014, 9 février 2015 et

22 septembre 2015, la société d'édition de Canal Plus, représentée par Me B...C...et

Me A...E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 19 juin 2014 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en cause et la restitution des sommes acquittées ;

3°) de subsidiairement interroger à titre préjudiciel la Cour de Justice de l'Union Européenne sur toute question en interprétation utile et notamment sur l'interprétation de la notion de modification d'aide existante au sens des dispositions de l'article 4 du règlement n° 794/2004 (CE) et de surseoir à statuer en l'attente de la réponse ;

4°) de mettre à la charge du Centre national du Cinéma et de l'image animée les dépens ainsi qu'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- les modifications substantielles affectant le régime d'aide à l'audiovisuel entre 2007 et 2011 imposaient la notification du nouveau régime à la commission en application en application de l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ;

- les sommes dont il est demandé restitution ont été acquittées en application de l'ordonnance du 24 juillet 2009 et cette ordonnance, prise contrairement à l'article 14 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, méconnaît les stipulations de l'article 1er de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 décembre 2014, 29 juillet 2015 et

19 octobre 2015, le Centre national du cinéma et de l'image animée, représenté par la SCP Piwnica D...conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la Société d'édition de Canal Plus le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société d'édition de Canal Plus ne sont pas fondés.

Vu l'ordonnance du président de la 2ème chambre de la Cour fixant la clôture de l'instruction au 19 octobre 2015 à 12 heures ;

Vu :

- la décision n° 373258 du 5 février 2014 par laquelle le Conseil d'Etat a décidé qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité posée par la Société d'édition de Canal Plus ;

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE, ensemble le règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004 concernant sa mise en oeuvre ;

- le règlement (CE) n° 1998/2006 de la commission du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis ;

- la loi n°2009-258 du 5 mars 2009 ;

- l'ordonnance n°2009-901 du 24 juillet 2009 ;

- la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 ;

- le code du cinéma et de l'image animée;

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant la société d'édition de Canal Plus et de MeD..., représentant le Centre national du cinéma et de l'image animée.

1. Considérant que la Société d'édition de Canal Plus a sollicité auprès du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) la restitution de la somme de 15 212 117 euros acquittée en 2011 et 2012 au titre de la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision (TST) due sur les recettes des années 2010 et 2011 ; que le CNC lui a refusé cette restitution par décision du

26 juin 2013; que la Société d'édition de Canal Plus fait appel du jugement en date du 19 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande de restitution;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que les premiers juges, qui ne sont pas tenus de répondre à tous les arguments soulevés à l'appui des moyens qui leur sont soumis, ont statué sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en constatant que la société requérante ne pouvait se prévaloir d'une atteinte à un bien ou à une espérance légitime protégée par ces stipulations ; qu'ils ont en outre écarté l'argument soulevé à cet égard par la société d'édition de Canal Plus et tiré de ce que l'ordonnance n° 2009-901 du 24 juillet 2009 relative à la partie législative du code du cinéma et de l'image animée aurait, sur le point en litige, excédé l'habilitation donnée par l'article 71 la loi susvisée du 5 mars 2009 ; qu'ils ont ainsi écarté le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations, alors même qu'ils n'auraient pas statué sur l'argument tiré de ce que l'ordonnance susmentionnée, en excédant ladite habilitation, aurait méconnu les dispositions de l'article 14 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit en conséquence être écarté ;

Sur le bien-fondé de la TST :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de la réglementation européenne en matière d'aides d'Etat :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L.115-6 du code du cinéma et de l'image animée : "Il est institué une taxe due par tout éditeur de services de télévision (...) qui est établi en France et qui a programmé, au cours de l'année civile précédente, une ou plusieurs oeuvres audiovisuelles ou cinématographiques éligibles aux aides financières du Centre national du cinéma et de l'image animée, ainsi que par tout distributeur de services de télévision (...) établi en France (...)/Tout éditeur de services de télévision, redevable à ce titre de la taxe mentionnée au présent article, et dont le financement fait appel à une rémunération de la part des usagers et qui encaisse directement le produit des abonnements acquittés par ces usagers, est en outre redevable de cette taxe au titre de son activité de distributeur de services de télévision./ Le produit de la taxe acquittée par les éditeurs de services de télévision est affecté au Centre national du cinéma et de l'image animée. Le produit de la taxe acquittée par les distributeurs de services de télévision est affecté à ce même établissement (...)";

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) : "Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions" ; qu'aux termes de l'article 108, paragraphe 3, du même

traité : "La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l'article 108, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale" ; qu'aux termes du c) de l'article 1er du règlement susvisé du 22 mars 1999 : "Aux fins du présent règlement, on entend par : / "aide nouvelle" : toute aide, c'est-à-dire tout régime d'aides ou toute aide individuelle, qui n'est pas une aide existante, y compris toute modification d'une aide existante" ; qu'aux termes de la première phrase du paragraphe 1 de l'article 2 du même règlement : "(...) tout projet d'octroi d'une aide nouvelle est notifié en temps utile à la Commission par l'État membre concerné" ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 4 du règlement susvisé du 21 avril 2004 : "Aux fins de l'article 1er, point c), du règlement (CE) n° 659/1999, on entend par modification d'une aide existante tout changement autre que les modifications de caractère purement formel ou administratif qui ne sont pas de nature à influencer l'évaluation de la compatibilité de la mesure d'aide avec le marché commun. Toutefois, une augmentation du budget initial d'un régime d'aides existant n'excédant pas 20 % n'est pas considérée comme une modification de l'aide existante" ; qu'il résulte de ces stipulations et dispositions que, s'il appartient exclusivement à la Commission de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles visées à l'article 107 du TFUE, est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ledit traité, compatible avec le marché commun, il incombe aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres la dernière phrase du paragraphe 3 précité de l'article 108 du TFUE, d'en notifier le projet à la Commission, préalablement à toute mise à exécution ;

5. Considérant que, par décision du 22 mars 2006, la Commission européenne a déclaré compatibles avec le marché commun différents régimes d'aides au cinéma et à l'audiovisuel, qu'elle a, en conséquence, approuvés jusqu'à la fin de l'année 2011 ; que cette approbation visait également plusieurs taxes affectées au financement de ces régimes d'aides, parmi lesquelles la taxe sur le chiffre d'affaires des diffuseurs télévisuels; que, par décision du 10 juillet 2007, la Commission a approuvé l'évolution de cette taxe, modifiée pour devenir taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision (TST) ; qu'enfin, par décision du 21 décembre 2011, la Commission a approuvé une prolongation de ces différents régimes d'aides jusqu'au 31 décembre 2017 ; que la Société française de radiotéléphone fait valoir que les régimes approuvés par la Commission ont subi, entre les décisions susmentionnées des 22 mars 2006 et 10 juillet 2007, et l'année au titre de laquelle a été acquittée la taxe en litige, des modifications telles qu'ils doivent être regardés comme des régimes d'aides nouveaux, qui auraient, par suite, dû faire l'objet d'une nouvelle notification préalable à la Commission ;

6. Considérant en premier lieu que la société d'édition de Canal Plus se prévaut de ce que le régime de la TST a été modifié par l'ordonnance n°2009-901 du 24 juillet 2009, de sorte que les sociétés exerçant simultanément les activités d'éditeur et de distributeur de services de télévision, jusqu'alors soumises à la TST sur la seule assiette correspondant à l'activité de distribution, ont, à compter de l'exercice 2010, été imposées sur le fondement des deux assiettes correspondant, d'une part, aux activités de distribution et, d'autre part, aux activités d'édition ; que la société d'édition de Canal Plus soutient que cette modification a "affecté la substance même du régime d'aides en cause puisqu'elle a eu pour effet de bouleverser la logique sur laquelle reposait" la TST ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la Commission a approuvé par ses décisions des 22 mars 2006 et

10 juillet 2007 tant la taxe sur les éditeurs que la taxe sur les distributeurs de télévision ; que contrairement à ce qui est soutenu par la société requérante, les dispositions de l'article 302 bis KB du code général des impôts, transféré par le décret n° 2009-389 à l'article 1609 sexdecies du même code, applicables avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2009-901 du 24 juillet 2009, et aux termes desquelles : " I. Il est institué une taxe due par tout éditeur de services de télévision au sens de l'article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui est établi en France et qui a programmé, au cours de l'année civile précédente, une ou plusieurs oeuvres audiovisuelles ou cinématographiques éligibles aux aides du compte d'affectation spéciale ouvert dans les écritures du Trésor et intitulé : "Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale", ainsi que par tout distributeur de services de télévision au sens de l'article 2-1 de la loi

n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée établi en France./Pour l'application du présent article, est regardé comme distributeur de services de télévision tout éditeur de services de télévision, dont le financement fait appel à une rémunération de la part des usagers, qui encaisse directement le produit des abonnements acquittés par ces usagers. " doivent être regardées comme soumettant à la taxe en cause l'activité de distribution des éditeurs qui s'auto distribuent, mais n'ont ni pour objet ni pour effet de les assujettir sur cette seule activité en excluant de leur base taxable les sommes perçues au titre de leur activité d'édition ; que d'ailleurs, il ne résulte pas des travaux parlementaires afférents au projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et télévision du futur, et notamment de l'exposé des motifs de l'amendement, déposé à l'Assemblée nationale, dont sont issues les dispositions susénoncées, que le législateur aurait entendu dispenser les éditeurs qui s'auto distribuent, du versement, en qualité d'éditeur, de la taxe sur l'assiette constituée pour cette activité des recettes publicitaires, des produits de la redevance, et des sommes perçues à raison des appels téléphoniques à revenus partagés, des connexions à des services télématiques et des envois de minimessages qui sont liés à la diffusion de leurs programmes ; que l'article L. 115-6 du code du cinéma et de l'image animée, issu de l'ordonnance susmentionnée, n'a fait que rappeler expressément que " Tout éditeur de services de télévision, redevable à ce titre de la taxe mentionnée au présent article, et dont le financement fait appel à une rémunération de la part des usagers et qui encaisse directement le produit des abonnements acquittés par ces usagers, est en outre redevable de cette taxe au titre de son activité de distributeur de services de télévision. ", mais n'a, ce faisant, apporté aucun changement aux modalités d'imposition des éditeurs en cause ; que le moyen tiré de ce qu'une nouvelle notification à la Commission était requise en raison d'une modification substantielle à cet égard doit être écarté ;

7. Considérant en deuxième lieu que la société requérante soutient que de nouvelles aides consenties par le CNC ont conduit à une modification importante du système d'aide ; qu'elle invoque à cet égard les aides aux pilotes de fiction audiovisuelle, les aides à la création numérique (nouveaux médias), la promotion des nouveaux médias (associations), l'aide sélective à la vidéo à la demande, l'aide à la numérisation des salles, la dotation à l'IFCIC (garantie numérisation des salles), les aides attribuées par le Fonds images de la diversité et le dispositif pour la création artistique multimédia ; qu'il résulte de l'instruction que les aides à la création numérique (nouveaux médias), la promotion des nouveaux médias (associations), l'aide sélective à la vidéo à la demande et l'aide à la numérisation des salles relèvent du règlement (CE) n° 1998/2006 de la commission du

15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis non soumises à l'obligation de communication en vertu de l'article 2.1 de ce règlement ; que si l'article 2. 5 de ce règlement prévoit que "les aides de minimis ne peuvent pas être cumulées avec des aides d'État pour les mêmes dépenses admissibles si ce cumul conduit à une intensité d'aide dépassant le niveau fixé dans les circonstances spécifiques de chaque cas par un règlement d'exemption ou une décision adoptée par la Commission ", il ne ressort pas des décisions du 22 mars 2006 et du

10 juillet 2007 de la Commission que des niveaux aient été fixés par cette dernière, niveaux qui auraient été dépassés en raison de l'attribution des aides en cause ; qu'il résulte par ailleurs de la décision de la Commission du 22 mars 2006 qu'étaient autorisées les aides à la préparation et à la production de fiction, ainsi qu'à l'écriture, au développement, à la production et à la distribution de films ; que les aides aux pilotes de fiction audiovisuelle et les aides attribuées par le Fonds images de la diversité doivent être regardées comme s'inscrivant dans le cadre des aides déjà autorisées ; qu'enfin la circonstance que la dotation du CNC à l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles ait pu contribuer au financement par ce dernier organisme d'opérations de numérisation de salles et que des projets de création artistiques expérimentaux aient pu être résiduellement financés ne saurait à elle-seule constituer une modification substantielle du système d'aide autorisé par la Commission en 2006 et 2007 ;

8. Considérant que la société requérante se prévaut enfin de l'affectation directe du produit de la TST au budget de fonctionnement du CNC et de l'utilisation d'une part du produit de la TST pour le financement d'activités du CNC qualifiées d'activités "économiques"; que si, à la date des décisions prises par la Commission en 2006 et 2007, le produit de la taxe était dans un premier temps affecté à un compte d'affectation spécial ouvert dans les écritures du Trésor, et si ce produit est, depuis 2009, en application de l'article 55 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008, directement affecté au CNC, cette évolution n'emporte pas de modification des éléments structurels du système de financement de l'aide ; que la Commission a été informée en 2006 et 2007 que le CNC était un établissement public doté de l'autonomie financière, dont le fonctionnement était nécessairement assuré par le produit des taxes qui lui était indirectement reversé ; que l'utilisation directe des mêmes ressources dans le cadre du budget de fonctionnement du CNC ne saurait en conséquence être regardée comme une modification substantielle qui aurait dû être soumise à la Commission ; que la circonstance que dans le cadre de ses missions générales d'aide au cinéma et à l'audiovisuel approuvées par la Commission en 2006 et 2007, le CNC ait développé quelques activités propres, économiques au sens du droit de l'Union européenne, contribuant sous diverses formes, et notamment par des actions de formation, de recherche, d'édition, et de diffusion, à la promotion du secteur en cause, activités dont le caractère substantiel au regard du budget global des aides approuvées ne résulte pas de l'instruction, ne saurait être regardée comme une évolution du régime d'aide nécessitant que la Commission soit à nouveau saisie ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

9. Considérant qu'aux termes de l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes"; qu'une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte ; qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations ; que lorsque le législateur modifie pour l'avenir des dispositions fiscales adoptées sans limitation de durée, il ne prive les contribuables d'aucune espérance légitime au sens de ces stipulations ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6. que les dispositions de l'ordonnance du 24 juillet 2009 n'ont pas modifié, en rappelant expressément que "Tout éditeur de services de télévision, redevable à ce titre de la taxe mentionnée au présent article, et dont le financement fait appel à une rémunération de la part des usagers et qui encaisse directement le produit des abonnements acquittés par ces usagers, est en outre redevable de cette taxe au titre de son activité de distributeur de services de télévision.", les règles applicables à l'assiette de la TST acquittée par les éditeurs de services de télévision qui s'auto distribuent ; que ces derniers ne peuvent par suite, et en tout état de cause, être regardés comme ayant été privés, en raison de l'entrée en vigueur desdites dispositions, d'un bien ou d'une espérance légitime au sens de l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et cela alors même que l'ordonnance susmentionnée aurait, sur le point en litige, excédé l'habilitation donnée par l'article 71 la loi n°2009-258 du

5 mars 2009 et qu'une telle pratique serait contraire à l'article 14 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que d'ailleurs, ladite pratique ne saurait par elle-même créer une espérance légitime, dès lors que la ratification de ladite ordonnance était de nature à lui conférer rétroactivement une valeur législative à compter du jour de sa signature, et qu'en vertu d'une jurisprudence constante du Conseil Constitutionnel, est inopérant à l'égard d'une loi de ratification le moyen tiré de ce que l'ordonnance ratifiée aurait outrepassé les limites de l'habilitation ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de saisir, sur le fondement de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles relatives au régime d'aide au cinéma et à l'audiovisuel et à son financement au regard des dispositions de l'article 108 paragraphe 3 du traité précité, que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du Centre national du cinéma et de l'image animée, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de faire droit aux conclusions du Centre national du cinéma et de l'image animée sur le fondement desdites dispositions ; qu'en l'absence de dépens, les conclusions présentées à cet égard par la société requérante sont dépourvues d'objet ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société d'édition de Canal Plus est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le Centre national du cinéma et de l'image animée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'édition de Canal Plus et au Centre national du cinéma et de l'image animée.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2016, à laquelle siégeaient :

Mme Appèche, président assesseur,

M. Magnard, premier conseiller,

M. Legeai, premier conseiller.

Lu en audience publique le 18 mai 2016.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative

S. APPECHE

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA03740


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03740
Date de la décision : 18/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme APPECHE
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-05-18;14pa03740 ?
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