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12/05/2016 | FRANCE | N°15PA03314

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 12 mai 2016, 15PA03314


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2014 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile et a prévu qu'il sera remis aux autorités portugaises en charge de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1424517/3-1 du 9 juin 2015, le tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté attaqué, d'autre part, enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation admi

nistrative de M. A... et, enfin, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2014 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile et a prévu qu'il sera remis aux autorités portugaises en charge de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1424517/3-1 du 9 juin 2015, le tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté attaqué, d'autre part, enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation administrative de M. A... et, enfin, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 août 2015 et le 13 octobre 2015, le préfet de police demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1424517/3-1 du 9 juin 2015 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... A...devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient qu'il n'a pas méconnu les articles 4 et 5 du règlement n° 604/2013 du

26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2015, M. C...A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 2 000 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'information que lui a délivrée le préfet de police était tardive au regard de l'article 20.2 du règlement ;

- c'est à juste titre que le tribunal a jugé qu'il aurait dû bénéficier d'un entretien.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le règlement (UE) n° 118/2014 du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Diémert a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.A..., de nationalité mauritanienne, entré en France le 1er février 2014 selon ses déclarations, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 26 mai 2014 ; que l'examen de sa demande a fait apparaître qu'elle relevait de la compétence des autorités portugaises par application du règlement susvisé n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; que, par l'arrêté attaqué du 1er septembre 2014, le préfet de police a, en vertu des dispositions du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rejeté la demande de M. A... et décidé qu'il serait remis aux autorités portugaises, ces dernières ayant accepté, le 10 juillet 2014, la reprise en charge de l'intéressé ; que par le jugement litigieux du 9 juin 2015, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 1er septembre 2014 au motif que l'intéressé n'avait pas bénéficié de l'entretien individuel prévu par l'article 5 du règlement européen du 26 juin 2013 et enjoint au préfet de police de réexaminer sa demande ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent (...) b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères (...) c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 de ce même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque : a) le demandeur a pris la fuite; ou b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1 (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit en principe bénéficier d'un entretien individuel ; que toutefois l'administration peut se dispenser de mener cet entretien si l'étranger, après avoir reçu les informations prévues à l'article 4 du même règlement, a fourni les informations nécessaires à la détermination de cet Etat ;

4. Considérant qu'il n'est pas contesté que M. A...n'a pas bénéficié en préfecture de " l'entretien individuel " correspondant à toutes les formes prescrites par l'article 5 du règlement n° 604/2013 ; que cependant il ressort des pièces du dossier que M. A... a été reçu à plusieurs reprises par les services de la préfecture de police, la première fois le 4 mars 2014, une deuxième fois le 26 mai 2014, date à laquelle il lui a été remis un formulaire vierge de demande d'admission au séjour au titre de l'asile et une notice l'informant que le relevé de ses empreintes digitales avait fait apparaître que l'examen de sa demande était susceptible de relever d'un autre Etat signataire du règlement dit " Dublin III ", une troisième fois le 18 juin 2014, date à laquelle il a déposé sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile et fourni les informations, tenant à sa situation familiale, permettant de déterminer l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile, et une quatrième fois, le 4 juillet 2014, pour lui permettre de produire des éléments démontrant que, comme il l'avait fait valoir dès le 18 juin 2014, il aurait quitté l'espace Schengen à la suite du relevé de ses empreintes digitales au Portugal en 2013 ; que si ce n'est qu'à cette date du 4 juillet 2014 que le préfet de police lui a remis les brochures d'information A et B comportant l'ensemble des éléments prévus par l'article 4 du règlement UE n° 604/2013, il disposait du temps utile, avant l'intervention de l'arrêté attaqué du 1er septembre 2014, pour faire valoir toute nouvelle information relative au pays responsable de l'examen de sa demande ; que dans ces conditions, M. A...a reçu une information complète et été mis en mesure de fournir tous éléments utiles avant la détermination de l'Etat responsable ; que la seule circonstance qu'une partie des informations prévues à l'article 4 ne lui a été donnée qu'après qu'il a lui-même fourni les éléments relatifs à sa situation ne l'a pas dans les circonstances de l'espèce privé d'une garantie ; que l'absence d'entretien n'a pas eu d'incidence sur le sens de la décision prise par le préfet de police ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2013 pour annuler son arrêté du 1er septembre 2014 ;

6. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A... devant le tribunal administratif de Paris et la Cour ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 20 du règlement susvisé n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Le processus de détermination de l'Etat membre responsable commence dès qu'une demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès d'un Etat membre. 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat concerné (...) " ; que comme rappelé au point 2 ci-dessus, l'article 4 du même règlement prévoit la délivrance d'une information complète " dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20,

paragraphe 2 " ;

8. Considérant, d'une part, que l'arrêté litigieux mentionne que M. A...a sollicité l'asile le 26 mai 2014 ; que si M. A... fait valoir qu'il s'était présenté en préfecture dès le 4 mars 2014, il ne résulte pas des dispositions précitées de l'article 20 du règlement que sa demande de protection internationale aurait dû être réputée introduite antérieurement au 26 mai 2014 ;

9. Considérant, d'autre part, que si les brochures A et B prévues par le règlement n° 118/2014 publié le 8 février 2014 comportant l'ensemble des éléments prévus par l'article 4 du règlement UE n° 604/2013 n'ont pas été remises à M. A... le jour de sa demande de protection, cette irrégularité, dans les circonstances de l'espèce rappelées au point 4, ne l'a pas privé d'une garantie ni n'a été de nature à exercer une influence sur la légalité de la décision litigieuse du

1er septembre 2014 ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 21 du règlement du 26 juin 2013 : " L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif ("hit") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement. / Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéa, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite " ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de prise en charge a été adressée au Portugal le 7 juillet 2014, moins de deux mois après que le préfet de police a été informé, le 26 mai 2014, que les empreintes digitales de M. A...avait été relevées dans ce pays le 1er octobre 2013 et moins de trois mois après que la demande de protection internationale a été réputée introduite en application des dispositions précitées de l'article 20 précité du règlement ; que la circonstance qu'il s'est écoulé un peu plus de quatre mois entre la première présentation du demandeur en préfecture le 4 mars, et l'envoi, le 7 juillet, de la demande de prise en charge au Portugal n'a pas eu pour conséquence de rendre la France responsable de l'examen de la demande d'asile de M. A...dès lors que, comme dit précédemment, une demande d'asile n'est réputée introduite qu'au jour où le formulaire a été déposé par l'intéressé ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 1er septembre 2014, lui a enjoint de réexaminer la demande d'admission au séjour au titre de l'asile présentée par M. A... et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

13. Considérant que l'État n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1424517/3-1 du 9 juin 2015 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris, ainsi que ses conclusions d'appel fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Amat, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 mai 2016.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLa présidente,

S. PELLISSIERLe greffier,

F. TROUYET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA03314


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03314
Date de la décision : 12/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : POULY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-05-12;15pa03314 ?
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