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29/04/2016 | FRANCE | N°15PA00548

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 29 avril 2016, 15PA00548


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société La Halle a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 24 décembre 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, annulé la décision de l'inspectrice du travail du 25 juillet 2013 refusant d'autoriser le licenciement de MmeB..., d'autre part, refusé d'autoriser le licenciement de l'intéressée, ensemble la décision de l'inspectrice du travail.

Par un jugement n° 1404152/3-1, le Tribunal

administratif de Paris a rejeté cette requête.

Procédure contentieuse en cours...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société La Halle a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 24 décembre 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, annulé la décision de l'inspectrice du travail du 25 juillet 2013 refusant d'autoriser le licenciement de MmeB..., d'autre part, refusé d'autoriser le licenciement de l'intéressée, ensemble la décision de l'inspectrice du travail.

Par un jugement n° 1404152/3-1, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette requête.

Procédure contentieuse en cours :

Par requête, enregistrée le 5 février 2015, la Société La Halle, représentée par la Selarl Petrel et Associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1404152/3-1 du 2 décembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 24 décembre 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, annulé la décision de l'inspectrice du travail du 25 juillet 2013 refusant d'autoriser le licenciement de Mme B..., d'autre part, refusé d'autoriser le licenciement de l'intéressée, ensemble la décision de l'inspectrice du travail ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 24 décembre 2013 du ministre du travail ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a estimé qu'aucun moyen de légalité externe n'était fondé alors même que la décision du ministre du travail est insuffisamment motivée notamment en ce qu'elle ne se prononce pas sur la question du lien entre le licenciement et les mandats détenus par la salariée ; que, par ailleurs, la décision est irrégulière en ce que le ministre n'a procédé à aucune enquête contradictoire ni à aucune confrontation entre les parties ;

- c'est également à tort que le tribunal a estimé que la société n'était pas fondée à solliciter le licenciement de Mme B...alors même que les faits reprochés à cette dernière sont établis et présentent un caractère d'une gravité suffisante justifiant un licenciement ; que contrairement à ce que soutiennent Mme B...et le ministre du travail, la société La Halle n'a jamais exercé la moindre pression ni le moindre harcèlement moral sur MmeB....

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2015, présenté pour Mme B..., représentée par Me D...qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société La Halle la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la décision du ministre du travail est suffisamment motivée ; que le ministre du travail n'était pas tenu de se prononcer sur la question du lien entre le licenciement et les mandats détenus par la salariée ;

- le ministre n'était pas davantage tenu de procéder à une nouvelle enquête contradictoire ni à une confrontation entre les parties ; que la circulaire invoquée est dépourvue de valeur règlementaire ;

- que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ; qu'en cas de doute sur la matérialité des faits, le doute profite au salarié.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chavrier,

- les conclusions de M. Roussel, rapporteur public,

- les observations de MeC..., pour la société La Halle,

- et les observations de MeD..., pour MmeB....

1. Considérant que Mme B...a été recrutée à compter du 15 avril 2003 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée par la société La Halle en qualité de conseillère de clientèle ; qu'elle a été placée en arrêt de travail de février 2009 au 16 juillet 2012, période à l'issue de laquelle elle a été déclarée inapte à tout poste de travail au sein de l'entreprise par le médecin du travail ; qu'en l'absence de possibilité de reclassement, une première procédure de licenciement a été initiée par la société La Halle ; que par courrier du 4 décembre 2012, Mme B...a contesté l'avis du médecin du travail devant l'inspecteur du travail de Paris qui, par décision du 26 février 2013, l'a déclarée apte à un poste de vendeuse au sein de la société La Halle, à l'exception d'un poste au sein de l'établissement de Flandre et exigeant un temps de trajet supérieur à quarante-cinq minutes ; que par un nouvel avis du 5 avril 2013, le médecin du travail a confirmé l'aptitude de l'intéressée à la reprise du travail sur un poste de vendeuse ou de merchandiser ; que par une décision du 19 avril 2013, Mme B...a été nommée en qualité de conseillère de clientèle en vue d'exercer ses fonctions à Laon (02000) à compter du 24 avril suivant ; que le 25 avril 2013, la société La Halle a diligenté une procédure disciplinaire à l'encontre de Mme B...au motif que cette dernière aurait, les 24 et 25 avril 2013, proféré de graves menaces à l'encontre de deux de ses collègues et adopté un comportement agressif et inapproprié dans l'exercice de ses fonctions ; que la société La Halle a, le 11 juin 2013, saisi l'inspectrice du travail de Paris d'une demande d'autorisation de licencier MmeB... ; que par décision du 25 juillet 2013, cette dernière a rejeté la demande d'autorisation présentée par la société La Halle au motif, d'une part, que la procédure suivie était irrégulière en raison du délai excessif entre la présentation de sa demande de licenciement et la mise à pied conservatoire de l'intéressée, d'autre part, que la matérialité des griefs allégués n'était pas établie ; que, par décision du 24 décembre 2013, le ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 25 juillet 2013 au motif que la procédure suivie par la société requérante ne pouvait être regardée comme irrégulière ; que le ministre a, en revanche, estimé que les faits reprochés à la salariée, à les supposer établis, n'étaient pas suffisamment graves pour justifier une mesure de licenciement ; que, dans ce contexte, la société La Halle a saisi le tribunal administratif de Paris pour obtenir l'annulation de la décision du ministre du travail ensemble la décision de l'inspecteur du travail ; que, par un jugement en date du 2 décembre 2014, le tribunal a rejeté la requête de la société La Halle ; que la société relève régulièrement appel de ce jugement ;

2. Considérant, en premier lieu, que la décision ministérielle du 24 décembre 2013 énonce les considérations de droit et de fait qui lui servent de fondement ; qu'en effet, elle expose précisément les faits qui ont conduit l'employeur à déposer une demande d'autorisation de licenciement ; que ladite décision précise également de manière détaillée les raisons pour lesquelles le ministre du travail a estimé que les faits reprochés à Mme B...ne pouvaient pas être considérés comme établis ; qu'enfin, le ministre expose les raisons pour lesquelles il considère qu'à supposer les griefs établis, ces derniers ne présentent pas, au regard des éléments de contexte, un degré de gravité suffisant pour justifier le licenciement de MmeB... ; que, dans ce contexte, le ministre du travail, qui a suffisamment motivé sa décision sur ce point, n'était pas tenu de se prononcer sur la question du lien entre le licenciement et le mandat détenu par MmeB... ; que, dès lors, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Paris a écarté le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ;

3. Considérant, en deuxième lieu, d'une part, que la société La Halle ne saurait faire grief au ministre de ne pas avoir procédé à une nouvelle enquête contradictoire ni à une confrontation entre les parties ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit, ne fait en effet obligation au ministre, saisi d'un recours hiérarchique, de mener une enquête contradictoire avant de décider sur ce recours ; que, d'autre part, la société La Halle ne peut davantage se prévaloir de la circulaire DRT n°93/13 du 4 octobre 1993, cette dernière étant dépourvue de valeur réglementaire et ayant été, au demeurant, abrogée par la circulaire DGT n° 07/2012 du 30 juillet 2012, laquelle est également dépourvue de caractère réglementaire ; que le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise à la suite d'une procédure irrégulière doit ainsi être écarté ;

4. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail : " Tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. / Il est justifié par une cause réelle et sérieuse. " ; qu'aux termes de l'article L. 2411-5 du même code : " Le licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions et de celles du 2° de l'article L. 2411-1 du code du travail, que les salariés légalement investis des fonctions de délégué du personnel bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle et ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, éventuellement, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'il résulte par ailleurs des dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail que, lorsqu'un doute subsiste au terme de l'instruction diligentée par le juge de l'excès de pouvoir sur l'exactitude matérielle des faits à la base des griefs formulés par l'employeur contre le salarié protégé, ce doute profite au salarié ;

6. Considérant que la société La Halle fait grief à Mme B...d'avoir, les 24 et 25 avril 2013, proféré de graves menaces à l'encontre de deux de ses collègues et d'avoir eu un comportement vulgaire dans l'exercice de ses fonctions et devant des clients ; que selon elle, cette attitude, qui constituerait une menace pour la sécurité des autres salariés de la société et porterait atteinte à l'image de la structure, est de nature à justifier le licenciement de l'intéressée ;

7. Considérant qu'afin d'établir la matérialité des faits, la société La Halle produit des attestations de plusieurs salariés relatant l'incident mentionné ci-dessus ; que sur ces cinq attestations, seules deux attestations ont été rédigées par des collègues qui auraient été directement témoins et victimes des violences verbales reprochées à MmeB... ; que le contenu de ces témoignages de deux salariées liées à la société par des liens de subordination a été expressément contredit par Mme B...qui a déposé une plainte pour dénonciation calomnieuse le 7 mai 2013 ; qu'à l'occasion des réunions du comité d'établissement, les 31 mai 2013 et 10 juin 2013, auxquelles elle a assisté, l'intéressée a également formellement nié avoir eu un tel comportement et déclaré ne pas comprendre le fondement de telles accusations ; qu'elle a précisé qu'elle n'avait aucune raison de vouloir agresser des collègues qu'elle ne connaissait pas le jour même de sa reprise de travail ; que l'incident n'est corroboré par aucune autre pièce et notamment aucun témoignage de personnes extérieures à la société ; que dans les circonstances de l'espèce, il subsiste donc sur l'exactitude matérielle des griefs qui lui sont reprochés un doute qui doit profiter à la salariée ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que le ministre du travail avait pu légalement refuser d'autoriser la société La Halle à licencier Mme B... ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société La Halle n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du 2 décembre 2014 ;

Sur l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société La Halle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas davantage lieu de faire droit à la demande tendant à la condamnation aux entiers dépens ;

10. Considérant, en revanche, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société La Halle une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société La Halle est rejetée.

Article 2 : La société La Halle versera à Mme B...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société La Halle, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à Mme A...B....

Délibéré après l'audience du 7 avril 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Polizzi, président assesseur,

- Mme Chavrier, première conseillère,

Lu en audience publique, le 29 avril 2016.

La rapporteure,

A-L. CHAVRIERLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

M. E...

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 15PA00548


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00548
Date de la décision : 29/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Anne Laure CHAVRIER
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CHELLAL-GHANEM

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-04-29;15pa00548 ?
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