Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Transgourmet Opérations a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 20 mars 2012 par laquelle le ministre chargé du travail a, d'une part, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 23 septembre 2011 autorisant le licenciement de M. C... D... et, d'autre part, a refusé d'autoriser le licenciement de ce salarié.
Par un jugement n° 1204694 du 4 juin 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés respectivement le 29 juillet 2014, le 26 mai 2015 et le 18 mars 2016, la société Transgourmet Opérations, représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1204694 du 4 juin 2014 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 20 mars 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a, d'une part, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 23 septembre 2011 autorisant le licenciement de M. C...D...et, d'autre part, a refusé d'autoriser le licenciement de ce salarié ;
3°) de confirmer la décision de l'inspecteur du travail du 23 septembre 2011 autorisant le licenciement de M.D....
Elle soutient que :
- c'est à tort que le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a estimé que l'inspecteur du travail de la 12ème section d'inspection du Val-de-Marne qui, par sa décision du 23 septembre 2011, a autorisé le licenciement de M.D..., était territorialement incompétent ;
- la situation économique de l'entreprise, dans son groupe d'appartenance, obligeait à fermer l'entrepôt de Noisseville et, par conséquent, à supprimer le poste occupé par M. D...afin de sauvegarder sa compétitivité ;
- elle a respecté son obligation de reclassement à l'égard de M.D... ;
- il convient de prendre acte de ce qu'il n'existe aucun lien entre le mandat de M. D...et la décision de procéder à son licenciement pour motif économique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2015, M. C...D..., représenté par la SCP Petit et Grosjean, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 500 euros soit mis à la charge de la société Transgourmet Opérations sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Transgourmet Opérations ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Luben,
- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,
- et les observations de Me A...substituant MeB..., pour la société Transgourmet Opérations.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que M. C...D...a été embauché le 9 novembre 1992 en qualité de chauffeur-livreur par la société Transgourmet Opérations, qui a pour activité le commerce alimentaire de gros (distribution de produits alimentaires destinés à la restauration hors foyer : restauration commerciale et restauration collective). Il a ensuite été élu membre suppléant du comité d'établissement. Par un courrier du 18 avril 2011, la société Transgourmet Opérations a proposé à M.D..., en application des dispositions de l'article L. 1222-6 du code du travail, une modification de son contrat de travail pour motif économique consistant en un transfert de son lieu de travail de l'établissement de Noisseville (Moselle) à l'établissement de Ludres (Meurthe-et-Moselle). Par un courrier du 17 mai 2011, M. D...a refusé cette modification. Par des courriers des 25 mai, 14 juin et 1er juillet 2011, la société Transgourmet Opérations a adressé à M. D...des propositions de reclassement auxquelles il n'a pas donné suite. Par un courrier du 1er juillet 2011, la société Transgourmet Opérations a sollicité de l'inspecteur de travail l'autorisation de le licencier pour motif économique. Par une décision du 23 septembre 2011, l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement. Par une décision du 20 mars 2012, prise sur recours hiérarchique, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a annulé la décision de l'inspecteur du travail et a refusé d'autoriser le licenciement de M. D...au double motif de l'incompétence territoriale de l'inspecteur du travail du Val-de-Marne et de l'absence de difficultés économiques et de menaces sur la compétitivité au niveau du secteur d'activité " produits de bouche " du groupe COOP dont la société Transgourmet Opérations fait partie. La société Transgourmet Opérations demande l'annulation du jugement du 4 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 mars 2012 du ministre chargé du travail.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail : " (...) La demande d'autorisation de licenciement est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement dans lequel le salarié est employé. " et aux termes de l'article L. 2327-1 du même code : " Des comités d'établissement et un comité central d'entreprise sont constitués dans les entreprises comportant des établissements distincts. ".
3. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas contesté, que l'établissement de Noisseville, situé dans le département de la Moselle, dans lequel M. D...était employé, disposait d'un comité d'établissement et devait donc être regardé comme un établissement distinct. Ainsi, cet établissement ressortissait à la compétence de l'inspecteur du travail territorialement compétent au titre du site de Noisseville. Par suite, et alors même que le projet de restructuration a été décidé au niveau de l'entreprise et que la procédure de licenciement collectif a été menée par le siège de la société Transgourmet Opérations situé à Orly (Val-de-Marne) et que certains inspecteurs du travail aient pu indiquer par erreur que l'inspecteur du travail du Val-de-Marne était seul compétent, c'est à bon droit que le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, par la décision attaquée, a annulé la décision de l'inspecteur du travail et a refusé d'autoriser le licenciement de M. D... au motif de l'incompétence territoriale de l'inspecteur du travail du Val-de-Marne.
4. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. ".
5. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière. Pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de l'entreprise demanderesse, mais est tenue, dans le cas où la société intéressée relève d'un groupe dont la société mère a son siège à l'étranger, de faire porter son examen sur la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe intervenant dans le même secteur d'activité que la société en cause, sans qu'il y ait lieu de borner cet examen à celles qui ont leur siège social en France, ni aux établissements de ce groupe situés en France. En outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence.
6. Pour refuser le licenciement de M.D..., le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a estimé que si les difficultés économiques de la société Transgourmet Opérations ont été constatées, la réalité des difficultés économiques devait cependant s'apprécier au niveau du secteur d'activité " produits de bouche " du groupe COOP dont la société Transgourmet Opérations fait partie, que les enquêtes effectuées n'ont pas confirmé la réalité de difficultés économiques à ce niveau, ni de menaces sur la compétitivité, et qu'ainsi le seul fait que la restructuration est susceptible d'améliorer la situation de l'entreprise n'est pas de nature à justifier la fermeture de l'entrepôt de Noisseville, ni, par voie de conséquence, la suppression du poste de M.D.... La société Transgourmet Opérations fait valoir, à l'appui de son moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, que seules les sociétés REXE Foodservice et HOWEG appartenant au groupe COOP, situées en Allemagne et en Suisse, exercent une activité identique à la sienne, soit un service de livraison en gros aux clients de produits destinés à la restauration hors foyer, alors que deux autres sociétés du groupe COOP, Selgros et Prodega/Growa, situées en Allemagne, Pologne, Roumanie et Suisse, exercent une activité de cash and carry, soit une technique de vente en gros qui repose sur un modèle semblable à celui de la grande distribution, les acheteurs se déplaçant au point de vente et y retirant les marchandises, qu'ils payent comptant et dont ils se chargent de l'acheminement. Toutefois, comme l'ont à bon droit estimé le ministre du travail, de l'emploi et de la santé et les premiers juges, si les techniques de vente diffèrent, il n'est pas contesté que ces sociétés exercent une même activité de distribution en gros de produits alimentaires à des professionnels de la restauration collective et commerciale, et qu'elles doivent ainsi être regardées comme appartenant au même secteur d'activité des produits de bouche.
7. Si la société Transgourmet Opérations produit ses comptes de résultat faisant apparaître des résultats d'exploitation négatifs en 2008, 2009, 2010 et 2011, ainsi que les résultats d'exploitation des sociétés REXE Foodservice et HOWEG appartenant au groupe COOP établissant des résultats déficitaires de l'activité " restauration hors foyer " du groupe COOP, elle ne produit aucune pièce comptable ni aucun élément à caractère économique et financier concernant les sociétés Selgros et Prodega/Growa qui, comme il vient d'être dit au point 6, devaient être prises en considération pour apprécier la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe intervenant dans le même secteur d'activité que la société en cause, et notamment la nécessité de réorganiser l'entreprise pour sauvegarder sa compétitivité en procédant à la fermeture du site de Noisseville. Par suite, la société Transgourmet Opérations n'est pas fondée à soutenir que le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, en estimant que n'étaient établies au niveau du secteur d'activité du groupe ni la réalité de difficultés économiques ni les menaces sur la compétitivité, aurait commis une erreur d'appréciation.
8. En troisième lieu, la société Transgourmet Opérations ne peut utilement soutenir, à l'encontre de la décision attaquée, qu'elle aurait respecté son obligation de reclassement à l'égard de M. D...et qu'il convient de prendre acte de ce qu'il n'existe aucun lien entre le mandat de M. D... et la décision de procéder à son licenciement pour motif économique dès lors que le ministre du travail, de l'emploi et de la santé ne s'est prononcé, dans la décision attaquée, ni sur l'obligation de reclassement qui pesait sur la société ni sur l'éventuel lien entre le mandat de M. D... et la décision de procéder à son licenciement.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Transgourmet Opérations n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 4 juin 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 mars 2012 par laquelle le ministre chargé du travail a, d'une part, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 23 septembre 2011 autorisant le licenciement de M. C...D...et, d'autre part, a refusé d'autoriser le licenciement de ce salarié.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Transgourmet Opérations le paiement à M. D...de la somme de 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Transgourmet Opérations est rejetée.
Article 2 : La société Transgourmet Opérations versera à M. D...une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Transgourmet Opérations, à M. C...D...et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Bernard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 avril 2016.
Le rapporteur,
I. LUBENLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA03397