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14/04/2016 | FRANCE | N°14PA00727

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 14 avril 2016, 14PA00727


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 1er août 2012 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en tant qu'elle a autorisé la société L'Hôtel le Bristol à le licencier pour motif disciplinaire.

Par un jugement n° 1217734/3-3 du 17 décembre 2013, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et des mémoi

res, enregistrés les 17 février 2014, 10 avril 2014 et 15 septembre 2014, M. B...A..., représent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 1er août 2012 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en tant qu'elle a autorisé la société L'Hôtel le Bristol à le licencier pour motif disciplinaire.

Par un jugement n° 1217734/3-3 du 17 décembre 2013, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et des mémoires, enregistrés les 17 février 2014, 10 avril 2014 et 15 septembre 2014, M. B...A..., représenté par Me Sardinha Marques, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1217734/3-3 du 17 décembre 2013 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 1er août 2012 du ministre chargé du travail ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- les faits qui lui sont reprochés, d'une part, s'agissant des avances de caisse faites à un client et, d'autre part, s'agissant des commissions versées par une société de limousines étaient prescrits en application de l'article L. 1332-4 du code du travail ;

- le grief tiré de ce qu'il aurait méconnu ses obligations professionnelles en consentant des avances de caisse à un client n'est pas établi ;

- la perception directe des commissions versées par la société Socomi était admise par son employeur ;

- il n'a commis aucun détournement de fonds à l'occasion de l'achat de billets de train pour le compte d'un des clients de l'hôtel.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 juin 2014, 7 juillet 2014 et 17 octobre 2014, la société L'Hôtel le Bristol, représentée par Me Gatineau, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 500 euros soit mise à la charge de M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bernard,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- les observations de Me Sardinha Marques, avocat de M. A...,

- et les observations de Me Gatineau, avocat de la société L'Hôtel le Bristol.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été engagé en qualité de deuxième concierge à l'hôtel le Bristol en mars 1998. Il a été nommé chef concierge le 1er avril 2004 et encadrait une quarantaine de personnes (concierges, chasseurs, bagagistes, voituriers). Il était membre suppléant du comité d'entreprise depuis 2003 et délégué syndical depuis octobre 2010. La société L'Hôtel le Bristol a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de le licencier pour faute. Par une décision du 6 janvier 2012, l'inspecteur du travail de la section 8 F de l'unité territoriale de Paris de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a refusé d'accorder cette autorisation. La société L'Hôtel le Bristol a formé un recours hiérarchique. Par une décision du 1er août 2012, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique, ainsi que la décision de l'inspecteur du travail et a autorisé le licenciement de M. A.... Par la présente requête, M. A... demande l'annulation du jugement du 17 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre chargé du travail.

I. Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le requérant soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, dès lors, d'une part, qu'il n'a pas répondu à son argument, tiré de ce que ni les plaintes déposées par son employeur ni le courrier de la société Socomi ne lui avaient été communiqués, invoqué au soutien de son moyen tiré de ce que le caractère contradictoire de la procédure administrative n'avait pas été respecté et, d'autre part, qu'il n'a pas répondu à son argument, tiré de ce que les avances de caisse auxquelles il aurait procédé n'ont été interdites que postérieurement à l'engagement de la procédure de licenciement, invoqué au soutien de son moyen tiré de ce que les faits retenus à son encontre n'étaient pas fautifs. Toutefois, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments du requérant, a répondu de manière circonstanciée aux deux moyens en cause. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être rejeté comme manquant en fait.

II. Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

A. En ce qui concerne les avances de caisse faites à un client :

4. Dans la décision contestée, le ministre chargé du travail a estimé qu'il était établi que M. A... avait, en méconnaissance d'une note de l'entreprise en date du 21 mars 2011, fait bénéficier un client de l'hôtel d'avances de caisse, consistant en des avances de sommes en espèces, pour un montant total de 118 500 euros entre mars et juillet 2011 et que ces faits présentaient un caractère fautif.

5. Toutefois, il ressort de l'attestation établie par la directrice administrative et financière de la société L'Hôtel le Bristol que celle-ci a sollicité une étude sur la trésorerie aux commissaires aux comptes de la société, que ceux-ci ont rendu un rapport intermédiaire en juillet 2011, que la directrice a alors " aussitôt demandé à M. A... de [lui] communiquer les justificatifs des sorties d'espèces de 118 500 euros au bénéfice d'un tiers, non résident " et que l'intéressé n'en a rien fait, malgré plusieurs rappels avant son départ en vacances le 2 août 2011. C'est par ailleurs à cette dernière date que le rapport définitif des commissaires aux comptes a été rendu. Il ressort en outre des pièces du dossier, d'une part, que M. A... a effectué sa dernière avance d'espèces le 11 juillet 2011 et, d'autre part, que la société n'a ultérieurement disposé d'aucune information supplémentaire sur cette question.

6. Dans ces conditions, la direction de l'hôtel a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits en cause au plus tard le 2 août 2011. Or, elle n'a engagé de poursuites disciplinaires à l'encontre de M. A... que le 13 octobre 2011. Ainsi, en application des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail, selon lesquelles aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, les avances de caisse faites à un client ne pouvaient plus légalement servir de fondement à son licenciement. C'est donc à tort que le ministre chargé du travail s'est fondé sur ces faits prescrits pour prendre la décision contestée.

B. En ce qui concerne les commissions versées par une société de limousines :

7. Dans la décision contestée, le ministre chargé du travail a estimé qu'il était établi que M. A... avait détourné à son seul profit les commissions versées par l'une des sociétés de limousines assurant des prestations pour les clients de l'hôtel, en méconnaissance d'un avenant à son contrat de travail datant d'avril 2011 et que ces faits présentaient un caractère fautif.

8. Par un avenant aux contrats de travail des concierges du 12 avril 2011, la direction de l'hôtel a mis fin à la pratique selon laquelle le chef concierge percevait les commissions des sociétés de limousines et les répartissait ensuite entre les concierges. Selon cet avenant, ces commissions doivent être versées à l'hôtel qui en répercute seulement une partie sur le bulletin de salaire des concierges. Il ressort cependant des comptes-rendus d'entretien de M. A... avec la direction de l'hôtel, qui se sont déroulés les 20 octobre et 2 novembre 2011 dans le cadre de la procédure de licenciement, que la direction de l'hôtel avait accepté que M. A... continue à gérer et à répartir comme autrefois les commissions de l'une seulement des sociétés de limousines, celles-ci ne devant cependant plus être perçues en espèces. Toutefois, la direction n'avait accepté d'accorder cette dérogation qu'en raison des motifs invoqués par M. A..., tirés de ce que les sommes en cause étaient minimes et de ce que cette mesure " serait socialement bien vue " par les concierges. Or, après analyse du rapport remis par les commissaires aux comptes le 2 août 2011 et interrogation de M. A... à son retour de congés le 22 août 2011, puis du gérant de la société de limousines, la direction de l'hôtel s'est aperçue, d'une part, que les sommes en cause étaient en réalité importantes et avaient considérablement augmenté postérieurement à la signature de l'avenant et, d'autre part, qu'une partie de ces sommes avait été versée en espèces par la société de limousines.

9. Il ressort ainsi des pièces du dossier que M. A... a perçu des commissions d'une société de limousines pour des montants et selon des modalités qui n'avaient pas été autorisés par son employeur et ce, en toute connaissance du caractère irrégulier de cette pratique. En revanche, contrairement à ce qu'a retenu le ministre du travail, il n'est pas établi qu'il aurait détourné les commissions en cause à son seul profit. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que la société L'Hôtel le Bristol n'a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits en cause que postérieurement au 22 août 2011, donc moins de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires le 13 octobre 2011. Par conséquent, ces faits présentaient un caractère fautif et n'étaient pas prescrits.

C. En ce qui concerne les contrats conclus avec la SNCF pour le compte d'un client :

10. Dans la décision contestée, le ministre chargé du travail a estimé qu'il était établi qu'en juin et juillet 2011, M. A... avait fait surfacturer un client de l'hôtel à l'occasion de la conclusion de contrats d'affrètement de wagons auprès de la SNCF, puis avait détourné les sommes à son seul profit et que ces faits présentaient un caractère fautif.

11. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a fait facturer un client par l'hôtel au-delà du coût réel d'une prestation. Le montant total de cette surfacturation s'est élevé à 18 698,20 euros, que M. A... a encaissé. Il ressort du procès-verbal d'audition du client par les services de police que cette somme correspondait aux pourboires à répartir entre toutes les personnes qui étaient intervenues pour la réalisation de cette prestation, à savoir, les employés de l'hôtel Le Bristol et de la SNCF. A supposer même que M. A... ait versé, comme il l'a en dernier lieu soutenu aux services de police, une somme de 8 000 euros à un employé de la SNCF (lequel a nié), il ressort des procès-verbaux d'audition des concierges de l'hôtel que ceux-ci n'ont perçu aucun pourboire à cette occasion. Or, M. A... n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il aurait effectivement distribué des pourboires, conformément au souhait du client. Il est par conséquent établi que M. A... a détourné une somme d'un minimum de 10 000 euros à son seul profit et au préjudice des employés de l'hôtel qu'il était chargé d'encadrer. Ces faits présentent un caractère fautif.

12. Il résulte des points 9 et 11 ci-dessus que M. A..., d'une part, a perçu des commissions d'une société de limousines pour des montants et selon des modalités qui n'avaient pas été autorisés par son employeur et, d'autre part, a détourné une importante somme d'argent au préjudice des employés de l'hôtel qu'il était chargé d'encadrer. Ces fautes sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement. Si, ainsi qu'il a été dit au point 6 ci-dessus, le ministre chargé du travail s'est également fondé sur des faits prescrits pour prendre la décision contestée et s'il a estimé à tort qu'il était établi que M. A... avait détourné à son seul profit les commissions versées par la société de limousines, il ressort des pièces du dossier qu'il aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur les motifs établis précités. M. A... n'est donc pas fondé à demander l'annulation de la décision du 1er août 2012 par laquelle le ministre chargé du travail a autorisé son licenciement pour motif disciplinaire.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

III. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement de la somme que la société L'Hôtel le Bristol demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société L'Hôtel le Bristol présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la société L'Hôtel le Bristol et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 avril 2016.

Le rapporteur,

A. BERNARDLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA00727


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00727
Date de la décision : 14/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Aurélie BERNARD
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : SCP GATINEAU-FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-04-14;14pa00727 ?
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