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06/04/2016 | FRANCE | N°16PA00385

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 06 avril 2016, 16PA00385


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge du supplément d'impôt sur le revenu et la réduction des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 ;

Par un jugement n° 1428362/1-1 du 9 décembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 janvier 2016, M. et MmeB..., représentés par

MeC..., demandent à la Cour :



1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 9 décembre 2015 ;

2°) de prononcer la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge du supplément d'impôt sur le revenu et la réduction des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 ;

Par un jugement n° 1428362/1-1 du 9 décembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 janvier 2016, M. et MmeB..., représentés par

MeC..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 9 décembre 2015 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) d'assortir d'intérêts moratoires les dégrèvements sollicités ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'instruction administrative référencée 4 H-5-02 permet aux anciennes sociétés de capital risque de souscrire au nouveau régime ;

- l'interprétation des dispositions de l'article 150-0 A du code général des impôts à laquelle se livre l'administration est contraire à l'objectif de la réforme telle qu'elle ressort des travaux préparatoires et sanctionnerait injustement les personnes ayant souscrit des actions antérieurement au 1er janvier 2001 ;

- l'imposition contestée induit une discrimination à l'égard des investisseurs ayant acquis des titres avant le 1er janvier 2001, contraire aux stipulations combinées de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 14 de la même convention ;

- l'imposition porte une atteinte au droit de propriété en méconnaissance de l'article 1er du 12ème protocole à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'imposition en cause méconnait le statut du contribuable.

Par un mémoire distinct, enregistré le 28 janvier 2016, M. et Mme A...B...demandent à la Cour, à l'appui de leur requête, de transmettre au Conseil d'Etat en vue de sa transmission au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du III-1 bis de l'article 150-0 A du code général des impôts.

Ils soutiennent que :

- la disposition en cause est applicable à la procédure ;

- elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la constitution ;

- la question de sa conformité à la Constitution présente un caractère sérieux dès lors que la disposition en cause méconnait le principe d'égalité devant la loi sans que cette méconnaissance trouve son origine dans un motif d'intérêt général et est sans rapport avec l'objet de la loi, ainsi que le principe d'égalité devant les charges publiques ;

- cette discrimination porte atteinte au droit de propriété.

Le président de la 2ème chambre de la Cour a, en application des dispositions de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, dispensé la présente requête d'instruction.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ses protocoles additionnels ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public.

1. Considérant que M. et Mme B...ont cédé, le 3 février 2012, 10 000 titres de la société de capital-risque Pléiade Investissement qu'ils avaient acquis le 28 juillet 2000 ; que l'administration fiscale a estimé que la plus-value, d'un montant de 740 000 euros, par eux réalisée à raison de ladite cession, était imposable ; que M. et Mme B...font appel du jugement n° 1428362/1-1 du 9 décembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande en décharge du supplément d'impôt sur le revenu et en réduction des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis en conséquence au titre de l'année 2012 ;

Sur l'application de la loi fiscale :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts:

" I. (...) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu (...) III. Les dispositions du I ne s'appliquent pas : (...) 1bis. Aux cessions d'actions de sociétés de capital-risque mentionnées au 2 du II de l'article 163 quinquies C souscrites ou acquises à compter du 1er janvier 2001, réalisées par des actionnaires remplissant les conditions fixées au 2 du II de l'article précité, après l'expiration de la période de cinq ans mentionnée au 2° du 2 du même II (...) " ; qu'en vertu des articles 1600-0 D,

1600-0F bis et 1600-0 J du même code, les plus-values visées à l'article 150-0 A précité sont passibles de la contribution sociale généralisée, du prélèvement social de 2% et de sa contribution additionnelle et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale ;

3. Considérant qu'il résulte clairement des dispositions précitées que sont exclues du bénéfice de l'exonération prévue au III de l'article 150-0 A du code général des impôts les plus values réalisées lors de la cession d'actions de sociétés de capital-risque mentionnées au 2 du II de l'article 163 quinquies dès lors que ces actions ont été acquises antérieurement au 1er janvier 2001 ; qu'en raison de la clarté des dispositions de la loi fiscale, M. et Mme B...ne sauraient en tout état de cause utilement se prévaloir de ce que l'interprétation des dispositions de l'article 150-0 A du code général des impôts à laquelle se livre l'administration est contraire à l'objectif de la réforme telle qu'elle ressort des travaux préparatoires et sanctionnerait injustement les personnes ayant souscrit des actions antérieurement au 1er janvier 2001 ; qu'il est constant que les 10 000 actions cédées par M. et Mme B...en 2012 avaient été souscrites en totalité le 28 juillet 2000 ; qu'il suit de là que c'est par une exacte application des dispositions précitées que l'administration a assujetti la plus-value litigieuse aux impositions contestées ;

Sur le bénéfice de la doctrine administrative :

4. Considérant que l'instruction administrative référencée 4H-5-02, notamment en ce qu'elle permet aux sociétés de capital-risque existant avant l'entrée en vigueur de la loi de finances pour 2001 d'opter pour le nouveau régime juridique et fiscal prévu par ladite loi, ne comporte pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application ci-dessus ;

Sur la demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article " ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067

du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État... le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office. " ; qu'aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'État ... " ;

7. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; que la différence de traitement qui résulte de la succession de deux régimes juridiques dans le temps n'est pas, en elle-même, contraire au principe d'égalité ;

8. Considérant que les requérants soutiennent que, par l'exonération des plus-values afférentes aux seuls titres acquis à compter du 1er janvier 2001, les dispositions du III-1 bis de l'article 150-0 A du code général des impôts telles qu'issues de l'article 8 de la loi de finances pour 2001 ont institué une différence de traitement contraire aux principes d'égalité devant la loi et les charges publiques garantis aux articles 6 et 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que toutefois, cette différence de traitement trouve son fondement dans la différence de situation des contribuables concernés, selon qu'ils ont acquis leurs titres antérieurement ou à compter du 1er janvier 2001 et résulte par conséquent de la succession de deux régimes juridiques dans le temps ; qu'ainsi, elle ne méconnaît pas, par elle-même, ainsi qu'il vient dit, le principe d'égalité ; que par ailleurs, le traitement fiscal différencié des plus-values de cession instauré par les dispositions litigieuses est fondé sur les critères objectifs et rationnels susévoqués, qui relèvent, contrairement à ce qui est soutenu, de l'objet même de la loi, qui était de renforcer l'attrait des sociétés de capital-risque auprès des investisseurs au motif, d'intérêt général, de réorienter l'épargne vers les petites et moyennes entreprises ; qu'en l'absence de discrimination contraire au principe d'égalité devant les charges publiques, le moyen tiré de ce qu'une telle discrimination porterait atteinte au droit de propriété ne saurait davantage prospérer ; que la circonstance tirée de ce que le législateur aurait pu envisager un dispositif différent permettant l'exonération des plus-values réalisées sur les titres acquis antérieurement au

1er janvier 2001 n'est pas de nature à faire regarder la disposition litigieuse comme contraire aux droits et libertés garantis par la Constitution ; que, dans ces conditions, la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les requérants ne peut être regardée comme présentant un caractère sérieux; qu'il n'y a pas lieu, en conséquence, de la transmettre au Conseil d'Etat ;

Sur la méconnaissance de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ses protocoles additionnels :

9. Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; qu'aux termes de

l'article 14 de cette convention :" La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ; qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens de l'article 14 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ; que les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du protocole additionnel à la même convention peuvent être utilement invoquées pour soutenir que la loi fiscale serait à l'origine de discriminations injustifiées entre contribuables ; que, toutefois, pour les mêmes motifs qu'indiqués au point 6., le moyen tiré de ce que les dispositions litigieuses du III-1 bis de l'article 150-0 A du code général des impôts institueraient une discrimination injustifiée au sens desdites stipulations combinées ne peut qu'être, à son tour, écarté ;

10. Considérant en deuxième lieu que doit être écarté comme inopérant le moyen tiré de la violation de l'article 1er du douzième protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'a pas été ratifié, ni même signé par la France ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et MmeB..., qui ont été imposés conformément à la loi fiscale et qui ne peuvent en conséquence valablement se prévaloir de la violation du " statut du contribuable ", ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...B...et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller,

Lu en audience publique le 6 avril 2016.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16PA00385


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00385
Date de la décision : 06/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : HPML AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-04-06;16pa00385 ?
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