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04/04/2016 | FRANCE | N°15PA02849

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 04 avril 2016, 15PA02849


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2013 par lequel le préfet de Seine-et-Marne lui refusé la délivrance d'un certificat de résidence algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1403987 du 26 mars 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
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Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2015, MmeA..., rep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2013 par lequel le préfet de Seine-et-Marne lui refusé la délivrance d'un certificat de résidence algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1403987 du 26 mars 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2015, MmeA..., représentée par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1403987 du 26 mars 2015 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 7 novembre 2013 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions des articles 75-1 et 43 de la loi du 10 juillet 1991 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros à verser à son avocat, Me D..., en application des articles 75-1 et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- elle méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3-1, 7-1 et 9-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale par voie d'exception du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 10 de l'article L. 511-4- du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée le 28 août 2015 au préfet de Seine-et-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 18 juin 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bonneau-Mathelot a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante algérienne entrée en France en décembre 2012 sous couvert d'un visa Schengen, a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien sur le fondement des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 7 novembre 2013, le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois en fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'issue de ce délai. Mme A... fait appel du jugement du 26 mars 2015 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions dirigées contre la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " [...]. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / [...] ; / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / [...] ".

3. Mme A...soutient qu'elle est entrée en France en décembre 2012 pour rejoindre un compatriote en situation régulière sur le territoire, qu'après s'être mariée religieusement avec celui-ci, elle a dû fuir le domicile conjugal alors qu'elle était enceinte en raison des violences dont elle était victime, qu'elle est logée depuis le 8 avril 2013 dans un foyer d'hébergement, où elle réside désormais avec sa fille, née le 16 septembre 2013 à Melun et reconnue par son père. Elle fait également valoir qu'elle souhaite demeurer en France afin d'y élever sa fille, notamment en raison de la présence du père sur le territoire, l'exercice de l'autorité parentale étant partagé depuis un jugement du juge aux affaires familiales du 12 juin 2014. Toutefois, l'attribution, par un jugement au demeurant postérieur à l'arrêté, d'un exercice partagé de l'autorité parentale et la fixation d'un droit de visite hebdomadaire pour le père ne permettent pas d'établir qu'à la date de l'arrêté en litige ce dernier entretenait des liens avec sa fille et contribuait à son entretien et à son éducation, alors en outre que la requérante ne produit aucun justificatif permettant d'établir une telle contribution et qu'il ressort des attestations produites par cette dernière que si le père a reconnu sa fille, " il n'a, par la suite, jamais cherché à la rencontrer ou à la voir ". Par ailleurs, Mme A..., qui réside en France depuis moins d'un an à la date de l'arrêté en litige, est célibataire et n'allègue pas être dépourvue d'attaches familiales en Algérie. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision critiquée aurait été prise en méconnaissance des stipulations précitées du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne pourra qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur de l'enfant dans toutes les décisions le concernant. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que la fille de MmeA..., âgée de deux mois à la date de l'arrêté en litige, ne pourrait pas vivre en Algérie avec sa mère, alors qu'il n'est pas établi que son père contribuerait à son entretien et à son éducation. Par ailleurs, l'arrêté contesté n'a pas pour effet d'empêcher l'enfant de connaître son père. Par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de titre de séjour aurait été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.

5. En dernier lieu, et, en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 7-1 et 9-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne pourra, pour les mêmes motifs, qu'être écarté.

Sur les conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, par arrêté n° 12/PCAD/93 du 30 juillet 2012, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de Seine-et-Marne du même jour, modifié par un arrêté n° 13/PCAD/41 du 26 mars 2013 régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 13 ter du 29 mars 2013, le préfet de Seine-et-Marne a donné délégation à MmeB..., attachée, chef du bureau des étrangers, pour signer tous actes, arrêtés et décisions dans la limite de ses attributions en cas d'absence ou d'empêchement de l'autorité administrative supérieure. Par suite, MmeB..., signataire de l'arrêté du 7 novembre 2013, était autorisée à signer les décisions relatives aux demandes d'admission au séjour, ainsi que celles portant obligation de quitter le territoire français. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit donc être écarté comme manquant en fait.

7. En deuxième lieu, l'arrêté comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui le fondent, notamment celles relatives à la situation personnelle et familiale de Mme A...au regard des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et à l'absence de justificatif apporté par l'intéressée quant aux liens que le père, dont elle est séparée, entretiendrait avec l'enfant. Il précise qu'il n'est pas établi qu'elle serait exposée à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision portant refus de séjour, est suffisamment motivée. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté comme manquant en fait.

8. En troisième lieu, les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par Mme A... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / [...] ; / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; / [...] ". Si Mme A...soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle n'assortit pas ce moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

Sur les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination :

10. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Si Mme A... soutient que son retour en Algérie l'exposerait à des traitements contraires à ces stipulations dès lors qu'elle serait contrainte de retourner vivre avec sa fille dans un pays où elle serait rejetée socialement en raison de son statut de mère célibataire, les risques invoqués, au demeurant non établis, ne peuvent être regardés comme des traitements inhumains au sens de l'article précité. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions des articles 75-1, 43 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme Bernard, premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 avril 2016.

Le rapporteur,

S. BONNEAU-MATHELOTLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA02849


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02849
Date de la décision : 04/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : FRESARD SEBTI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-04-04;15pa02849 ?
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