Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'établissement public Société nationale des chemins de fer français (SNCF) et l'établissement public national Réseau ferré de France (RFF) ont demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner le département du Val-de-Marne à verser, d'une part, la somme de 5 469 928,53 euros assortie des intérêts au taux légal à la SNCF en réparation du préjudice qu'elle a subi en sa qualité d'entreprise ferroviaire et, d'autre part, la somme de 3 733 282,09 euros assortie des intérêts au taux légal à RFF en réparation du préjudice qu'il a subi en sa qualité de propriétaire de l'infrastructure ferroviaire, du fait du déraillement, le 20 décembre 2009, d'un train de la ligne C du réseau express régional au niveau du pont routier situé à Choisy-le-Roi et supportant la route départementale 152.
Par un jugement n° 1004130/2 du 26 décembre 2013, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 25 février 2014, 1er septembre 2014 et 17 novembre 2014, la SNCF et RFF, représentés par Me Caudron, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1004130/2 du 26 décembre 2013 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de condamner le département du Val-de-Marne à verser, d'une part, la somme de 5 469 928,53 euros assortie des intérêts au taux légal à la SNCF en réparation du préjudice qu'elle a subi en sa qualité d'entreprise ferroviaire et, d'autre part, la somme de 3 733 282,09 euros assortie des intérêts au taux légal à RFF en réparation du préjudice qu'il a subi en sa qualité de propriétaire de l'infrastructure ferroviaire ;
3°) de mettre à la charge du département du Val-de-Marne la somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le département du Val-de-Marne doit être condamné en sa qualité de propriétaire du pont routier à réparer les préjudices résultant de l'accident sur le fondement de la responsabilité sans faute au profit des tiers ;
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il a considéré qu'il n'existait pas de lien de causalité directe entre l'ouvrage public et les dommages subis au motif que la chute du bloc de béton avait été provoquée par un véhicule circulant sur le pont, alors que seuls un cas de force majeure ou la faute de la victime sont de nature à exonérer le maître de l'ouvrage public ;
- le jugement attaqué est entaché d'une autre erreur de droit en ce qu'il a considéré que le département du Val-de-Marne n'avait pas commis de faute, alors que la responsabilité de celui-ci doit être engagée sans faute ;
- au surplus, l'accident est dû aux choix non judicieux d'aménagement de la voirie faits par le département du Val-de-Marne ;
- la SNCF doit être indemnisée des coûts engendrés par la réparation du matériel roulant, les retards et suppression de trains, l'immobilisation des rames, la main d'oeuvre mobilisée et les détournements et substitutions routières qui ont dû être mis en place ;
- RFF doit être indemnisé des coûts engendrés par la réparation de l'infrastructure ferroviaire.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 juillet 2014 et 29 septembre 2014, le département du Val-de-Marne, représenté par Me Phelip, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge solidaire de la SNCF et de RFF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en application de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957, la juridiction administrative est incompétente pour connaître du litige, dès lors que le dommage a été causé par un véhicule ;
- les moyens soulevés par la SNCF et RFF ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bernard,
- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,
- les observations de Me Caudron, avocat de la SNCF et RFF,
- et les observations de Me Phelip, avocat du département du Val-de-Marne.
Considérant ce qui suit :
1. Le 20 décembre 2009, un train de la ligne C du réseau express régional exploité par la SNCF a déraillé au niveau du pont routier situé à Choisy-le-Roi et supportant la route départementale 152. Les établissements publics Société nationale des chemins de fer français (SNCF) et Réseau ferré de France (RFF), devenus SNCF Mobilités et SNCF Réseau, imputent cet accident à la présence sur la voie ferrée d'un bloc de pierre provenant du parapet du pont. Ils relèvent appel du jugement en date du 26 décembre 2013, par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à ce que le département du Val-de-Marne répare les conséquences dommageables de cet accident en sa qualité de maître de cet ouvrage public.
Sur l'exception d'incompétence du juge administratif opposée par le département du Val-de-Marne :
2. Le litige qui oppose les établissements publics requérants au département du Val-de-Marne a été regardé à bon droit par le tribunal administratif comme relevant de la juridiction administrative et il y a lieu de rejeter l'exception d'incompétence par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
Sur la responsabilité :
S'agissant de la qualité de tiers ou d'usagers des établissements publics requérants :
3. Les ponts sont au nombre des éléments constitutifs des voies dont ils relient les parties séparées de façon à assurer la continuité du passage. Le pont routier situé dans la commune de Choisy-le-Roi et supportant la route départementale 152 constitue ainsi un ouvrage appartenant à la voirie du département du Val-de-Marne. Par ailleurs, les circonstances, d'une part, que la SNCF et la direction de l'équipement du Val-de-Marne aient conclu une convention en juin 1978 mettant à la charge de la SNCF les frais d'entretien de la chape d'étanchéité du pont et, d'autre part, que des éléments de l'infrastructure ferroviaire tels que des caténaires soient fixés au pont ne sont pas de nature à conférer au pont routier la nature de dépendance nécessaire de la voie ferrée. Enfin, la circonstance que le train accidenté circulait sous le pont n'est pas de nature à conférer aux établissements publics requérants la qualité d'usagers de cet ouvrage public au moment de l'accident. Les établissements publics requérants avaient donc la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage public incriminé.
S'agissant du lien de causalité :
4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre, relevant du ministère chargé des transports, d'une part, que le train a déraillé après avoir heurté un bloc de pierre provenant du parapet du pont et, d'autre part, que ce bloc de pierre avait été projeté sur la voie ferrée quelques minutes plus tôt par le heurt d'un véhicule automobile circulant sur ce pont. En revanche, il ne résulte nullement de l'instruction que le heurt du parapet par le véhicule automobile et le détachement du parapet du pont auraient été causés par un aménagement défectueux de l'ouvrage public. A cet égard, ni la réglementation ni la configuration des lieux n'imposaient l'installation sur ce pont situé en agglomération d'un dispositif de retenue routier de type barrière " autonor ", susceptible de protéger le parapet qui n'avait qu'une simple fonction de garde-corps. De même, ni la réglementation ni la configuration des lieux n'imposaient que le parapet soit fixé au pont de manière à résister au choc avec un véhicule. Dans ces conditions, il n'existe pas de lien direct entre l'ouvrage public appartenant au département du Val-de-Marne et les dommages subis par les établissements publics requérants, lesquels sont exclusivement imputables au conducteur du véhicule ayant percuté le parapet. Leurs conclusions indemnitaires ne peuvent donc qu'être rejetées.
5. Il résulte de tout ce qui précède que les établissements publics SNCF et RFF, devenus SNCF Mobilités et SNCF Réseau, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du département du Val-de-Marne, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que les établissements publics requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des établissements publics requérants le versement de la somme que le département du Val-de-Marne demande sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des établissements publics SNCF et RFF, devenus SNCF Mobilités et SNCF Réseau, est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département du Val-de-Marne présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux établissements publics SNCF Mobilités et SNCF Réseau et au département du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,
- Mme Bernard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 avril 2016.
Le rapporteur,
A. BERNARDLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA00892