Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée Moulin d'Or a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, la décharge des suppléments de taxe sur les métaux précieux, bijoux, objets d'art, de collection ou d'antiquité et des cotisations supplémentaires de contribution pour le remboursement de la dette sociale qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 30 novembre 2011, ainsi que la décharge des pénalités correspondantes, et, d'autre part, la restitution de la taxe sur les métaux précieux spontanément acquittée au titre de la période du
1er janvier 2009 au 30 janvier 2011.
Par un jugement n° 1310682 du 16 juillet 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de la société Moulin d'Or.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 24 septembre 2014 et un mémoire enregistré le 26 mars 2015, la société Moulin d'Or, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1310682 du 16 juillet 2014 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie et des pénalités correspondantes, ainsi que la restitution de la taxe sur les métaux précieux, bijoux, objets d'art, de collection ou d'antiquité acquittée spontanément ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le liquidateur de la société a désigné Me A...pour le représenter dans la procédure ;
- la loi fait référence à la transaction réalisée avec la participation d'un intermédiaire qui intervient pour le compte d'autrui ; le décret de 2007 vise uniquement le professionnel qui acquiert les bijoux d'occasion et les débris d'or en son nom pour en transférer la propriété de manière concomitante à l'acquéreur final et ce, en application d'un accord contractuel préalable ; une entreprise qui revend ces objets postérieurement à leur achat, quel que soit le délai séparant les deux opérations, n'est pas un intermédiaire au sens des articles 150 VK du code général des impôts et 74 S quinquies de l'annexe II au même code ;
- la société, qui paie ses achats de bijoux d'occasion et de débris d'or avec ses propres moyens financiers, devient propriétaire de ces objets ; elle revend certains bijoux en l'état et casse les autres soit pour les revendre sous forme de débris d'or, soit pour les faire fondre et les transformer en lingots chez un sous-traitant en vue de leur revente ; les frais de fonte sont à la charge de la société ; elle stocke ses achats pendant un certain temps jusqu'à une revente groupée ultérieure ; elle n'est liée à aucun de ses clients par un contrat préalable ou mandat ; en revanche, en fin d'exercice, la société prend la précaution de ne pas garder de marchandises pour des raisons de sécurité ; dès lors, l'activité de la société se déroule en deux phases distinctes, à savoir les achats auprès de particuliers puis les reventes groupées à ses propres acheteurs, qui ne sont pas concomitantes ; les professionnels, qui ne sont pas tenus de casser le bijou devant le particulier cédant, ne doivent le casser dans les trois jours que s'il s'agit d'une bijou non poinçonné ;
- cette analyse est confortée par la décision de rescrit du 2 juillet 2012 selon laquelle les professionnels qui achètent des biens en vue de leur revente ultérieure ne sont pas considérés comme des intermédiaires au sens de l'article 150 VK ;
- le législateur a d'ailleurs complété la rédaction de l'article 150 VK en étendant à compter de 2014 aux acquéreurs la responsabilité du paiement de la taxe, confirmant ainsi que l'intermédiaire est un acteur économique différent d'un acquéreur-revendeur ;
- le Conseil d'Etat a annulé les paragraphes du bulletin officiel des impôts selon lesquels les bijoux destinés à la fonte par l'acquéreur font partie des métaux précieux ; le taux réduit de taxe est par conséquent applicable à de telles cessions ainsi que la franchise en base de 5 000 euros par bijou prévue par l'article 150 VJ du code général des impôts ; dès lors, la société, qui a acquis des bijoux d'occasion dont la valeur unitaire était inférieure à ce seuil, peut bénéficier de la franchise ;
- selon le bulletin officiel des impôts 8M-2-06 dans sa présentation et au point 2 de son introduction, " en l'absence d'intermédiaire, le vendeur est, dans tous les cas, reconnu comme le redevable réel et comme le redevable légal de la taxe. L'acquéreur est déchargé de toute responsabilité ".
Par un mémoire en défense enregistré le 24 février 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- Me A...n'a produit dans le délai de recours aucune habilitation émanant du mandataire liquidateur aux fins de défendre la société désormais en liquidation judiciaire ;
- les intérêts de retard et pénalités ont fait l'objet d'un dégrèvement total en application de l'article 1756 du code général des impôts ; dès lors, la portée financière du litige est limitée aux droits contestés, à savoir un montant de 254 573 euros comprenant les suppléments d'imposition résultant du contrôle et les sommes acquittées spontanément ;
- les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Cheylan, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.
1. Considérant que la société Moulin d'Or exerçait une activité de négoce de métaux précieux et d'achat-revente de bijoux d'occasion sous l'enseigne " Molor " jusqu'à sa liquidation judiciaire en septembre 2014 ; que lors d'une vérification de comptabilité portant notamment sur la taxe sur les métaux précieux, bijoux, objets d'art, de collection ou d'antiquité des années
2009 et 2010, le service vérificateur a estimé que la société avait minoré ses déclarations relatives à la taxe sur les métaux précieux ; que, par une proposition de rectification du 30 mai 2012, l'administration a en conséquence notifié à la société, suivant une procédure de rectification contradictoire, des suppléments de taxe sur les métaux précieux et de contribution pour le remboursement de la dette sociale au titre des années 2009 et 2010 ; qu'à la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration a en outre notifié à la société, par une seconde proposition de rectification du même jour, des suppléments de taxe sur les métaux précieux et de contribution pour le remboursement de la dette sociale au titre de la période du 1er janvier au 30 novembre 2011 ; que la société Moulin d'Or relève appel du jugement du 16 juillet 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôts assignés à la suite de ces contrôles ainsi qu'à la restitution de la taxe sur les métaux précieux spontanément acquittée entre le 1er janvier 2009 et le 30 janvier 2011 ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant qu'il résulte de l'état informatique produit par l'administration que les intérêts de retard et les pénalités en litige ont fait l'objet les 12 et 16 janvier 2015, postérieurement à l'introduction de la requête, de dégrèvements à concurrence de 2 530 euros, 53 351 euros et
603 euros, à la suite de la procédure collective à laquelle a été soumise la société, soit un montant total de 56 484 euros ; que les conclusions en décharge présentées par cette dernière sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 431-2 du code de justice administrative : " Les requêtes et les mémoires doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, lorsque les conclusions de la demande tendent au paiement d'une somme d'argent, à la décharge ou à la réduction de sommes dont le paiement est réclamé au requérant ou à la solution d'un litige né d'un contrat (...) " ; que si l'administration entend contester le mandat que détient Me A...pour représenter la société Moulin d'Or placée en liquidation judiciaire, il résulte des dispositions précitées que les avocats ont qualité pour représenter une partie devant les cours administratives d'appel sans avoir à justifier du mandat par lequel ils ont été saisis par leur client ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
4. Considérant, d'une part, qu'aux termes du I de l'article 150 VI du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices professionnels, sont soumises à une taxe forfaitaire dans les conditions prévues aux articles 150 VJ à 150 VM les cessions à titre onéreux ou les exportations, autres que temporaires, hors du territoire des Etats membres de la Communauté européenne : / 1° De métaux précieux ; / 2° De bijoux, d'objets d'art, de collection ou d'antiquité. (...) " ; que l'article 150 VK du code général des impôts dispose, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " I. - La taxe est supportée par le vendeur ou l'exportateur. Elle est due par l'intermédiaire domicilié fiscalement en Franceparticipant à la transaction et sous sa responsabilité ou, à défaut, par le vendeur ou l'exportateur. / (...) III. - La taxe est exigible au moment de la cession ou de l'exportation. " ; qu'aux termes de l'article 74 S quinquies de l'annexe II au même code, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Pour l'application du I de l'article 150 VK du code général des impôts, l'intermédiaire s'entend de toute personne domiciliée fiscalement en Franceparticipant à la transaction qui agit au nom et pour le compte du vendeur ou de l'acquéreur, ou qui fait l'acquisition du bien en son nom concomitamment à sa revente à un acquéreur final. (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 1600-0 K du même code, alors en vigueur : " I. Il est institué, à compter du 1er février 1996 une contribution à laquelle sont assujetties les ventes de métaux précieux, bijoux, objets d'art, de collection et d'antiquité soumises à la taxe prévue par
l'article 150 VI et réalisées par les personnes désignées à l'article L. 136-1 du code de la sécurité sociale. " ;
5. Considérant qu'en vertu de ces dispositions, les ventes, autres que celles effectuées dans le cadre de l'exercice d'une activité commerciale professionnelle, de métaux précieux, de bijoux, d'objets d'art, de collection et d'antiquité sont, à moins d'une option du vendeur pour le régime d'imposition des plus-values de cession défini à l'article 150 UA du code général des impôts, soumises à une taxe qui, lorsqu'un intermédiaire participe à la transaction, doit être versée par
celui-ci ou, à défaut, par le vendeur ;
6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 194 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ou d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité de l'enregistrement. " ; qu'il résulte de l'instruction que la société Moulin d'Or n'a pas contesté, dans ses observations formulées le 27 juin 2012, les rehaussements de taxe sur les métaux précieux et de contribution pour le remboursement de la dette sociale qui lui avaient été notifiés au titre de la période du
1er janvier au 30 novembre 2011 ; que les droits dont elle demande la restitution ont été spontanément acquittés par la société conformément à ses déclarations ; que par suite, il appartient à la société Moulin d'Or de verser au dossier soumis au juge tous éléments de nature à étayer sa contestation des impositions en litige ;
7. Considérant que la société Moulin d'Or a acquis auprès de particuliers des bijoux d'occasion en vue de les revendre en l'état ou sous forme de bijoux cassés transformés en " broutilles " d'or ; qu'il ressort des pièces versées au dossier, en particulier des factures de la société Boudet, que certains des bijoux cassés ont été fondus par un sous-traitant pour être ensuite revendus sous forme de lingots d'or ; qu'ainsi, compte tenu du délai nécessaire pour la fonte des lingots, l'achat et la revente des bijoux concernés ne peuvent pas être regardés comme concomitants ; que, de manière plus générale, les bordereaux d'achat de lingots produits, qui émanent de la société CMP, ainsi que les factures établies pour la fonte des lingots, ne contiennent aucune référence à une éventuelle entremise de la société Moulin d'Or pour le compte de cet acheteur ; que la société requérante fournit, pour la première fois en appel, des attestations établies par la société CMP, qui représentait en 2009 et en 2010 respectivement 99 % et 86 % des achats, et par la société Maurice Or, qui représentait 90 % des achats en 2011, selon lesquelles aucun contrat d'achat ne les liait à la société Moulin d'Or ; que les propositions de rectification ne font d'ailleurs état d'aucune pièce mentionnant une entremise de la société Moulin d'Or pour le compte des vendeurs particuliers ou pour le compte de ses propres acheteurs en vertu d'un contrat conclu à cet effet ; que la seule circonstance que les bijoux transformés aient été revendus aux mêmes acheteurs pendant la période contrôlée ne saurait faire présumer l'existence d'un tel contrat ; que si l'administration fait valoir que la société n'établit pas l'existence de négociations sur le prix afin de vendre au plus offrant, il ressort des mentions des bordereaux d'achat que le prix des lingots a été fixé selon le cours de l'or au " fixing de Londres " ; que, dans ces conditions, et alors même que ses comptes ne faisaient pas apparaître de stocks d'or à la clôture des exercices vérifiés, la société requérante doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, qu'elle a réalisé les transactions en litige en tant qu'acheteur agissant pour son propre compte et non en tant qu'intermédiaire participant à ces transactions au sens des dispositions précitées des articles 150 VK du code général des impôts et 74 S quinquies de l'annexe II à ce code ; que par suite, la société est fondée à soutenir qu'elle ne pouvait pas être désignée comme étant redevable des impositions en litige à raison du produit de ses ventes de bijoux d'occasion en l'état ou transformés ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Moulin d'Or est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes de décharge et de restitution des impositions en litige ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société Moulin d'Or et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société Moulin d'Or à concurrence d'une somme de 56 484 euros.
Article 2 : Le jugement n° 1310682 du 16 juillet 2014 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 3 : La société Moulin d'Or est déchargée des suppléments de taxe sur les métaux précieux et des cotisations supplémentaires de contribution pour le remboursement de la dette sociale qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 30 novembre 2011 et des intérêts de retard correspondants.
Article 4 : La taxe sur les métaux précieux acquittée au titre de la période du 1er janvier 2009 au
30 janvier 2011 est restituée à la société Moulin d'Or.
Article 5 : L'Etat versera à la société Moulin d'Or la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Moulin d'Or et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 19 février 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Cheylan, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 mars 2016.
Le rapporteur,
F. CHEYLAN Le président,
L. DRIENCOURTLe greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA04048