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24/03/2016 | FRANCE | N°14PA04790

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 24 mars 2016, 14PA04790


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H...D...a demandé au Tribunal administratif de Melun l'annulation des décisions du 20 novembre 2014 par lesquelles le préfet de Seine-et-Marne a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français avec reconduite à la frontière, a fixé le pays de destination et a décidé de son placement en rétention.

Par un jugement n° 1409995 du 25 novembre 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregist

rée le 27 novembre 2014, M.D..., représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H...D...a demandé au Tribunal administratif de Melun l'annulation des décisions du 20 novembre 2014 par lesquelles le préfet de Seine-et-Marne a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français avec reconduite à la frontière, a fixé le pays de destination et a décidé de son placement en rétention.

Par un jugement n° 1409995 du 25 novembre 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2014, M.D..., représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 novembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 20 novembre 2014 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens.

Il soutient que :

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et reconduite à la frontière ne sont pas suffisamment motivées ;

- elles ont été signées par une personne ne justifiant pas d'une délégation de signature régulière ;

- le préfet de Seine-et-Marne n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- les décisions méconnaissent les règlements du Conseil n° 539/2001 du 15 mars 2001 et n° 1030/2002 du 13 juin 2002 ;

- n'exerçant pas d'activité salariée, le préfet de Seine-et-Marne ne pouvait légalement prononcer une mesure de reconduite à la frontière à son encontre en se fondant sur les dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail ;

- les décisions méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par suite de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et reconduite à la frontière.

La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des Etats membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation ;

- le règlement (CE) n° 1030/2002 du Conseil du 13 juin 2002 établissant un modèle uniforme de titre de séjour pour les ressortissants de pays tiers ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Julliard.

1. Considérant que M. D..., ressortissant pakistanais né en 1969, est entré en France le 7 novembre 2014 sous couvert d'un titre de séjour délivré par les autorités espagnoles ; qu'à la suite de son interpellation par les services de la gendarmerie de Chelles le 20 novembre 2014, le préfet de Seine-et-Marne a pris à son encontre, le même jour, une décision portant obligation de quitter le territoire français fixant le pays de destination et reconduite à la frontière, ainsi qu'une décision de placement en rétention administrative ; que M. D... relève appel du jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun du 25 novembre 2014 rejetant sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et reconduite à la frontière :

2. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté n° 14/PCAD/88 du 1er septembre 2014, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de Seine-et-Marne n° 36, le préfet a donné délégation à Mme E...B..., adjointe au chef de bureau des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement de M. G... F..., directeur de la citoyenneté et de la réglementation, et de MmeC..., chef du bureau des étrangers, pour signer notamment les décisions relatives aux mesures d'éloignement dont les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière et les décisions fixant le pays de renvoi ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions contestées manque en fait ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que les décisions contestées visent la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 8, ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 533-1 ; que le préfet de Seine-et-Marne indique dans sa décision que M. D...a été interpellé le 20 novembre 2014 alors qu'il se rendait sur son lieu de travail sans autorisation, qu'il expose également dans sa décision les éléments de fait relatifs à la situation personnelle et familiale de l'intéressé et indique que la mesure envisagée n'est pas de nature à emporter, eu égard à cette situation, des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que le préfet énonce ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles il s'est fondé pour ordonner la reconduite à la frontière de M. D... ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit être écarté ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Seine-et-Marne n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de M. D... avant de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français et de décider sa reconduite à la frontière ;

5. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger, sauf s'il est au nombre de ceux visés à l'article L. 121-4, doit être reconduit à la frontière : (...) 2° Si l'étranger a méconnu l'article L. 5221-5 du code du travail. Le présent article ne s'applique pas à l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de trois mois (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 5221-5 du code du travail : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2 (...). " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...a été interpellé par les services de gendarmerie, le 20 novembre 2014, alors que, selon ses propres déclarations, il se rendait à Crécy-la-Chapelle pour travailler, et qu'il n'a pas été en mesure de justifier être titulaire de l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2 du code du travail ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 2° de l'article L. 533-1 précité, le préfet de Seine-et-Marne pouvait décider qu'il devait être reconduit à la frontière ;

7. Considérant que M. D... soutient que les décisions litigieuses ont été prises en méconnaissance du règlement susvisé CE n°539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 prévoyant que les ressortissants d'origine pakistanaise, qui ne sont pas exemptés de l'obtention d'un visa pour un séjour d'une durée maximale de 3 mois doivent en être munis lors du franchissement des frontières extérieures des Etats membres, dès lors qu'entré en France le 7 novembre 2014 sous couvert d'un titre de séjour délivré par les autorités espagnoles, il n'était pas en situation irrégulière sur le territoire français lors de son interpellation ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait fondé les décisions sur l'absence de détention par l'intéressé d'un visa, mais sur la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 5221-5 du code du travail, conformément à l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance du règlement susvisé CE n° 1030/2002 du 13 juin 2002 établissant un modèle uniforme de titre de séjour pour les ressortissants des pays tiers est également inopérant ;

9. Considérant que si M. D...prétend qu'il n'était pas en " situation de travail " lors de son arrestation, il ressort du procès-verbal établi par la gendarmerie nationale le 20 novembre 2014 lors de son interpellation qu'il a déclaré qu'il se " rendait à Crécy-la-Chapelle pour travailler ", " pour nettoyer une cabane de chasse " contre rémunération de " 30 euros " et que " c'est un ami pakistanais qui l'a mis en contact avec le conducteur du véhicule " ; que, par suite, les décisions litigieuses ne sont pas entachées d'une erreur de fait ;

10. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'épouse et les quatre enfants de M. D... résident tous au Pakistan et qu'à la date des décisions litigieuses, il ne résidait lui-même que depuis deux semaines sur le territoire français ; que, dans ces conditions, le préfet de Seine-et-Marne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, le préfet n'a pas, de la sorte, commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions litigieuses sur sa situation personnelle et familiale ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

12. Considérant que si M. D...soulève l'exception d'illégalité des mesures portant obligation de quitter le territoire français et reconduite à la frontière à l'égard de la décision fixant le pays de destination dont il a fait l'objet, il ressort des motifs adoptés précédemment que le préfet de Seine-et-Marne pouvait légalement décider de fixer le Pakistan, pays qui lui a délivré le titre de voyage en cours de validité dont il était titulaire ou tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible, comme pays de destination ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. H...D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Polizzi, président assesseur,

- Mme Julliard, première conseillère,

Lu en audience publique, le 24 mars 2016.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

N. ADOUANE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 14PA04790


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA04790
Date de la décision : 24/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : TAJ

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-03-24;14pa04790 ?
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