Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2000 et 2001.
Par un jugement n° 1018548 du 28 juin 2011, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge demandée.
Par un arrêt n° 11PA04680 du 17 janvier 2013, la Cour administrative d'appel de Paris a remis à la charge de M. D...les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que les pénalités correspondantes, auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2000 et dont le tribunal administratif de Paris, par le jugement susmentionné, avait prononcé la décharge, réformé ledit jugement en ce qu'il avait de contraire à son arrêt et rejeté le surplus des conclusions du recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.
Par une ordonnance n°s 367041, 367067 du 20 avril 2015, le président de la 3ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 17 janvier 2013 et a renvoyé l'affaire devant la même Cour.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 4 novembre 2011, 29 août 2012 et
8 juillet 2015, le ministre des finances et des comptes publics demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 28 juin 2011 ;
2°) de remettre à la charge de M. D...les impositions et pénalités dont le tribunal a prononcé la décharge ;
Il soutient que :
- les cessions de titres des 28 avril et 11 octobre 2000 ne sont pas intervenues dans des conditions équivalentes ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'acquisition en 2000 par l'intimé de titres de la société William B...à une valeur notablement sous-évaluée était constitutive d'un complément de rémunération imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires, sur le fondement des articles 79 et 82 du code général des impôts ;
- le service était fondé à remettre en cause l'exonération des plus-values procédant de la cession desdits titres, placés sur un plan d'épargne en actions après qu'eut été contournée la règle de plafonnement des versements de titres, constitutive d'un abus de droit ;
- pour les moyens invoqués en première instance et appelés à être examinés par la Cour par l'effet dévolutif de l'appel, l'administration se réfère à ses observations produites devant le tribunal administratif ;
- contrairement à ce qu'affirme l'intimé, le recours d'appel est recevable, dès lors qu'il s'est attaché à critiquer la décision des premiers juges ;
- dans l'hypothèse où l'avantage en nature litigieux ne serait pas regardé par la Cour comme un complément de rémunération imposable dans la catégorie des traitements et salaires, il y aurait lieu de l'imposer, par voie de substitution de base légale, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 mars 2012, 26 octobre 2012,
7 janvier 2013 et 10 juin 2015, M.D..., représenté par Me E...C..., conclut au rejet du recours et à ce que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le recours du ministre est irrecevable ;
- les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 9 juillet 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 10 août 2015.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public.
1. Considérant que dans le cadre de la restructuration du groupe auquel elle appartenait, la société Panzani WilliamB..., filiale de la société Panzalim, elle-même détenue, par le biais de la société Somaref, par un groupe d'investisseurs financiers, a apporté à sa filiale la société Comalim, qui a repris le nom F...B..., sa branche complète d'activité de fabrication et commercialisation de plats cuisinés le 27 octobre 1999 ; qu'à la suite d'une nouvelle réorganisation du groupe, le 28 avril 2000, la SA Panzani a cédé la société William B...à cinq fonds d'investissement en valorisant ses actions au prix unitaire de 30,08 francs soit 4,59 euros ; que, le 11 octobre 2000, M.D..., alors directeur général de la filiale Julien Mack de la société WilliamB..., a acquis des actions de ladite société au même prix de 4,59 euros avant de les revendre, le 29 juin 2001, à la société financière Turenne Lafayette pour un prix total de
1 250 016 euros, soit 36,60 euros par action ; qu'à la suite d'un contrôle sur pièces du dossier de
M. D...portant sur les années 2000 et 2001, engagé après une vérification de comptabilité de la société WilliamB..., l'administration fiscale, qui a évalué la valeur de l'action à la date du 11 octobre 2000 à 111 francs, soit 16,92 euros, a estimé que la vente des actions de la société William B...à M. D...avait été réalisée à un prix minoré constituant un avantage en nature, et, par suite, a imposé cet avantage dans la catégorie des traitements et salaires ; qu'elle a par ailleurs, s'agissant de l'année 2001, remis en cause sur le terrain de l'abus de droit l'exonération de la plus-value réalisée par M. D...à l'occasion de la cession des titres litigieux, placés sur un plan d'épargne en actions (PEA) regardé comme contrevenant aux règles de plafonnement du plan alors en vigueur ; que M. D...a porté le litige devant le Tribunal administratif de Paris qui, par un jugement du 28 juin 2011, l'a déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2000 et 2001, ainsi que des pénalités y afférentes ; que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat relève régulièrement appel du jugement susvisé ;
2. Considérant que la valeur vénale des actions d'une société non admises à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et la demande à la date où la cession est intervenue ;
3. Considérant que le ministre fait valoir que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la valeur de 4,59 euros retenue lors de la cession des titres de la société William B...intervenue en avril 2000 ne saurait être utilisée pour apprécier la valeur vénale de ces titres en octobre de la même année, en raison notamment des conditions particulières dans lesquelles a été effectuée cette cession, entre parties majoritairement liées par des relations d'intérêt et compte tenu de l'amélioration sensible des conditions d'endettement et d'exploitation de la société entre ces deux dates ; qu'il soutient qu'il convient d'avoir recours, pour déterminer une valeur correspondant au jeu normal de l'offre et de la demande, à la combinaison de plusieurs méthodes concordantes d'évaluation de titres non cotés, en l'espèce la valeur patrimoniale, la valeur de rentabilité, la survaleur ou goodwill et la valeur par la marge brute d'autofinancement aboutissant à une moyenne de 16,92 euros (111 francs) ; que toutefois, il résulte d'une part de l'instruction que ladite combinaison, qui ne tient pas compte des revenus escomptés des titres en cause, ne permet pas d'approcher avec suffisamment de précision la valeur de titres pour des acquéreurs tels que le contribuable, détenteur minoritaire dans le capital d'une société qui comme en l'espèce ne distribuait pas de dividendes ; que d'autre part il résulte également de l'instruction que la valeur unitaire obtenue par le service n'a fait l'objet ni d'un abattement pour détention minoritaire ni d'un abattement pour absence de liquidité, alors que l'acquisition des titres n'a conféré à l'acquéreur aucun pouvoir de décision au sein de la société William B...et que la conclusion d'un pacte d'actionnaire a eu pour effet de rendre ses titres non liquides ; que la circonstance invoquée par le ministre et tirée de ce que la valeur obtenue est le résultat de plusieurs méthodes est à cet égard dépourvue de portée ; qu'il en est de même de l'argument tiré de ce que l'ensemble des acquéreurs représentaient, lors de la cession litigieuse, une part du capital s'élevant à 34 % dès lors que ces acquéreurs, bien que cadres dirigeants de la société WilliamB..., ne sauraient être regardés comme un actionnaire unique ; qu'ainsi et alors même que le vieillissement des infrastructures et la dépréciation des actifs en résultant de la société William B...ont été pris en compte dans l'évaluation de ses titres faite par l'administration en recourant à la méthode patrimoniale et que, dans la détermination de la valeur de rentabilité, l'administration a retenu un pourcentage de risque de 70 % très élevé pour tenir compte des aléas économiques afférents à l'activité de la société WilliamB..., et à supposer même que la valeur des actions de la société William B...à la date de la cession à
M. D...le 11 octobre 2000 ne puisse être fixée en référence à la cession des mêmes titres intervenue le 28 avril précédent, le ministre n'établit pas la minoration de la valeur vénale des titres concernés à la date de la cession à l'intéressé et n'est par suite pas fondé à se plaindre, de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. D...;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. D...la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des finances et des comptes publics et à
M. A...D....
Délibéré après l'audience du 9 mars 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Magnard, premier conseiller,
- M. Legeai, premier conseiller,
Lu en audience publique le 23 mars 2016.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA01746