La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2016 | FRANCE | N°14PA00193

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 21 mars 2016, 14PA00193


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 14 août 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, premièrement, retiré sa décision implicite née le 29 juin 2012 rejetant le recours hiérarchique formé par la société Thomson Reuters France, deuxièmement, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 27 janvier 2012 refusant l'autorisation de transférer son contrat de travail à la société

Troy TRM et, troisièmement, autorisé la société Thomson Reuters France à procéd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 14 août 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, premièrement, retiré sa décision implicite née le 29 juin 2012 rejetant le recours hiérarchique formé par la société Thomson Reuters France, deuxièmement, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 27 janvier 2012 refusant l'autorisation de transférer son contrat de travail à la société Troy TRM et, troisièmement, autorisé la société Thomson Reuters France à procéder au transfert de son contrat de travail.

Par un jugement n° 1218148/3-1 du 3 décembre 2013, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2014, M. A...D..., représenté par Me Carpentier, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1218148/3-1 du 3 décembre 2013 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 14 août 2012 ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la société Thomson Reuters France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée est entachée d'incompétence, dès lors, d'une part, qu'il n'est pas établi que sa signataire aurait disposé d'une délégation pour ce faire et, d'autre part, qu'elle a été rédigée par un rédacteur qui n'est pas identifiable et dont il n'est pas établi qu'il aurait reçu une délégation ;

- le caractère contradictoire de la procédure administrative n'a pas été respecté, dès lors, d'une part, qu'il n'a pas pu prendre connaissance des observations de son employeur et, d'autre part, que le ministre s'est fondé sur les seules observations de l'employeur formulées après la naissance de sa décision implicite de rejet ;

- le retrait de sa décision implicite de rejet par le ministre chargé du travail méconnaît le principe constitutionnel de sécurité juridique ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, dès lors que la branche d'activité vendue n'était pas autonome ;

- le transfert de son contrat de travail présente un caractère discriminatoire et est en lien avec ses mandats.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2014, la société Thomson Reuters France, représentée par Me Crédoz-Rosier, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2014, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête en indiquant s'en rapporter à son mémoire de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bernard,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- les observations de Me Carpentier, avocat de M. D...,

- et les observations de Me Crédoz-Rosier, avocat de la société Thomson Reuters France.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a été recruté le 23 novembre 1992 en qualité de technicien 5ème échelon par la société Reuter Monitor, devenue par la suite Thomson Reuters France. En décembre 2002, il a intégré le service " Risk " de cette société en tant que consultant banque. En avril 2009, il a été promu consultant sénior. M. D... détenait les mandats de délégué syndical, membre du comité d'entreprise, et délégué suppléant du personnel. Le groupe Thomson Reuters ayant décidé de céder l'activité " Risk ", la société Thomson Reuters France a sollicité l'autorisation de transférer le contrat de travail de M. D... à compter du 1er février 2012. Par décision du 27 janvier 2012, l'inspecteur du travail de la section Nord-Ouest de l'unité territoriale de Paris de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a refusé d'accorder cette autorisation. La société Thomson Reuters France a alors introduit un recours hiérarchique auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Une décision implicite de rejet est née quatre mois plus tard. Toutefois, par décision du 14 août 2012, le ministre chargé du travail a retiré sa décision implicite de rejet, a annulé la décision de l'inspecteur du travail et a autorisé le transfert du contrat de M. D.... La société Thomson Reuters France demande l'annulation du jugement du 3 décembre 2013, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.

Sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée :

2. D'une part, par une décision du 11 juin 2012, publiée au Journal officiel de la République française du 15 juin 2012 sous le n° 19, le directeur général du travail a donné délégation à Mme B...C..., directrice du travail, à l'effet de signer, dans la limite de ses attributions et au nom du ministre chargé du travail, tous actes, décisions ou conventions, à l'exclusion des décrets. Le moyen tiré de l'incompétence de Mme C..., signataire de la décision contestée, doit donc être écarté comme manquant en fait.

3. D'autre part, le requérant fait valoir que la décision contestée a été rédigée par un rédacteur non identifiable et dont il n'est pas établi qu'il aurait reçu une délégation pour ce faire. Toutefois, les dispositions du second alinéa de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 susvisée, désormais codifiées à l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, imposent seulement que les décisions des autorités administratives comportent la signature, le nom, le prénom et la qualité de leur auteur. En revanche, aucune disposition législative ou règlementaire ne fait obligation à l'administration de faire connaître le nom du rédacteur de ses décisions, lequel n'a par ailleurs pas à disposer d'une délégation. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire :

4. D'une part, M. D... fait valoir qu'il n'a pas pu prendre connaissance des observations formulées par son employeur le 10 juillet 2012, dès lors qu'elles lui ont été adressées pendant qu'il était en vacances. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et il n'est pas contesté, que M. D... a reçu communication du recours hiérarchique formé par son employeur, a présenté des observations écrites et a été reçu par l'inspecteur du travail chargé de l'instruction dudit recours. L'intéressé a ainsi été mis à même de présenter ses observations tant écrites qu'orales. Dès lors, la seule circonstance que M. D..., à qui il appartenait d'ailleurs d'accomplir toutes diligences pour faire suivre son courrier, n'ait pas pu prendre connaissance des dernières observations de son employeur n'est pas de nature à établir que le principe du caractère contradictoire de la procédure aurait été méconnu.

5. D'autre part, la circonstance que le ministre chargé du travail n'ait pas fait droit aux arguments du requérant est sans incidence sur la légalité de sa décision et ne révèle pas non plus une méconnaissance du principe du contradictoire.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe de sécurité juridique :

6. Ce moyen est écarté par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif.

Sur le moyen tiré de ce que la branche d'activité vendue n'aurait pas été autonome :

7. Ce moyen est écarté par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif.

Sur le moyen tiré de ce que le transfert de son contrat de travail présentait un caractère discriminatoire et était en lien avec ses mandats :

8. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Ainsi, lorsque le transfert d'un de ces salariés est envisagé, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre compétent de vérifier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la mesure envisagée est sans rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé.

9. M. D... exerçait depuis décembre 2002 la totalité de son activité dans l'unité transférée en février 2012 par la société Thomson Reuters France. Pour soutenir que le transfert de son contrat de travail était néanmoins en lien avec ses mandats, il fait valoir que son employeur a fait obstacle à son départ de ce service en rejetant de manière discriminatoire toutes ses candidatures à des postes proposés dans des services ne faisant pas l'objet d'un transfert.

10. S'agissant tout d'abord des rejets de ses candidatures en octobre et novembre 2005 et en juillet 2007, ceux-ci présentent un caractère trop ancien par rapport à la date du transfert pour être sérieusement regardés comme révélant la volonté de son employeur de le maintenir de manière discriminatoire dans le service où il était affecté, nonobstant la circonstance que des rumeurs circulaient déjà sur le fait que cette activité, constituée en unité distincte le 1er janvier 2005, pouvait être cédée.

11. S'agissant ensuite des candidatures présentées à compter de septembre 2011, leur rejet ne peut être regardé comme discriminatoire à l'encontre de M. D..., dès lors qu'il ressort du procès-verbal de la réunion extraordinaire du comité d'entreprise de la société du 10 octobre 2011 que la totalité des mobilités avait été gelée dans le groupe.

12. S'agissant enfin des quatre autres candidatures présentées par M. D..., il ressort des pièces du dossier que la candidature présentée au mois de janvier 2011 au poste de " client specialist major " a été rejetée au motif que M. D... ne disposait pas de compétence en matière de vente. Quant aux trois autres candidatures, présentées en mai et juillet 2011, elles ont été rejetées au motif que M. D... était trop expérimenté pour ces postes. Il n'est donc nullement établi que ces candidatures, qui n'ont été précédées d'aucune autre en 2008, 2009 et 2010, auraient été écartées de manière discriminatoire, dans le but de le maintenir dans le service où il était affecté.

13. Par suite, le contrat de travail de M. D... étant entièrement exécuté dans l'entité transférée, les circonstances que les conditions de travail de l'intéressé auraient été défavorablement modifiées un an auparavant, que son employeur n'aurait pas respecté l'accord sénior signé par les partenaires sociaux le 30 septembre 2009, que l'un de ses managers aurait déclaré que son engagement et ses activités syndicales étaient incompatibles avec ses fonctions de consultant, qu'il aurait été stigmatisé après l'intervention de la décision de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser son transfert et qu'il n'aurait pas été reclassé sont sans incidence sur la légalité de la décision contestée du ministre.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à la société Thomson Reuters France et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 mars 2016.

Le rapporteur,

A. BERNARDLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 14PA00193


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00193
Date de la décision : 21/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-075 Travail et emploi. Transferts.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Aurélie BERNARD
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : SCP FLICHY GRANGE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-03-21;14pa00193 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award