Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le préfet de police sur sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ainsi que l'arrêté du 6 juin 2014 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français en fixant son pays de destination.
Par un jugement n° 1408866/2-3 du 16 avril 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M.D..., analysée comme dirigée contre l'arrêté du 6 juin 2014.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 septembre 2015, M. D..., représenté par Me Kante, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1408866/2-3 du 16 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 6 juin 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation et de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Kante sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué ne répond pas au moyen tiré de l'absence d'examen de sa situation personnelle soulevé dans le mémoire daté du 29 mars 2015 produit en première instance ;
- les premiers juges ont commis une erreur de fait en affirmant que sa compagne et lui n'avaient pas d'adresse commune ;
- le préfet de police n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- le préfet de police, qui indique que sa compagne est en situation irrégulière, a commis une erreur de fait ;
- le préfet de police a méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation des deux enfants qu'il a eus avec sa compagne, laquelle est en situation régulière, et du fils de celle-ci, de nationalité française.
La requête a été communiquée le 9 novembre 2015 au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 août 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jardin,
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,
- et les observations de Me Kante, avocat de M. D....
1. Considérant que M. D..., convoqué à la préfecture de police le 30 août 2013, y a signé le jour même un formulaire de demande de titre de séjour mentionnant, à la rubrique " titre de séjour demandé ", " L. 313-14 CESEDA " ; qu'à défaut de décision explicite, son avocat a demandé au préfet de police, par un courrier daté du 18 mars 2014, de communiquer les motifs de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur la demande du 30 août 2013 ; que, n'ayant reçu aucune réponse, M. D... a saisi le Tribunal administratif de Paris, le 30 mai 2014, d'une demande tendant à l'annulation de cette décision implicite ; que, par un arrêté du 6 juin 2014, le préfet de police a refusé à M. D... la délivrance d'un titre de séjour et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination ; que les premiers juges ont regardé la demande de M. D... comme dirigée contre l'arrêté du 6 juin 2014 et l'ont rejetée par le jugement attaqué ; qu'en appel, M. D... demande exclusivement à la Cour d'annuler l'arrêté du 6 juin 2014 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que M.D..., dans son mémoire en réplique enregistré le 29 mars 2015, a soulevé un moyen tiré de ce que le préfet de police n'avait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, qui n'était pas inopérant, les premiers juges ont entaché leur jugement d'une irrégularité qui en justifie l'annulation, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen d'irrégularité soulevé par le requérant ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris ;
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
4. Considérant que, par un arrêté du 7 avril 2014, publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 11 avril 2014, et d'ailleurs visé par l'arrêté du 6 juin 2014, le préfet de police a consenti à M.C..., chef du 9ème bureau à la direction de la police générale de la préfecture de police, une délégation de signature l'habilitant à signer la décision attaquée ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit par suite être écarté comme manquant en fait ;
5. Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, la décision en litige, qui mentionne les considérations de droit et de fait pour lesquelles le préfet de police rejette la demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est suffisamment motivée au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 ;
6. Considérant que la motivation de la décision attaquée révèle que le préfet de police a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. D... ; que l'erreur de fait commise par le préfet de police sur la situation de Mme B...au regard de la régularité de son séjour en France est sans incidence sur l'existence de cet examen ;
7. Considérant que le préfet de police n'a pas remis en cause la réalité de la date de l'entrée en France de M. D... dans la motivation de la décision attaquée, de sorte que le requérant ne peut utilement soulever le moyen tiré de l'erreur de fait entachant cette décision sur ce point ; que la mention de cette décision selon laquelle M. D... ne justifie pas de son ancienneté de séjour n'est pas entachée d'erreur de fait dès lors que le requérant ne prouve pas avoir résidé habituellement en France depuis la date de son entrée régulière, le 29 août 2005, s'agissant en particulier des années 2005 à 2009, au titre desquelles il produit des pièces insuffisamment nombreuses, compte tenu de leur nature, pour confirmer la réalité de ses allégations ; que, même si le préfet de police a inexactement affirmé dans sa décision que Mme B...était en situation irrégulière en France, alors qu'elle était titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", valable du 10 février 2014 au 8 février 2015, qu'il lui a lui-même délivrée, il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait pris une décision différente s'il n'avait pas commis cette erreur de fait ;
8. Considérant que M.D..., ressortissant camerounais né le 2 juillet 1970, non dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident ses frères et soeurs, n'est entré en France pour la première fois qu'à l'âge de trente cinq ans et s'y est maintenu de manière irrégulière, notamment entre les années 2009 et 2014 ; que l'arrêté du 6 juin 2014 indique, sans contestation du requérant sur ce point, qu'il est le père d'une fille née le 20 mai 2008 à Yaoundé, de nationalité française, à l'entretien et à l'éducation de laquelle il a déclaré ne pas contribuer ; que s'il a reconnu les deux enfants de Mme B...nés en France le 10 août 2011 et le 12 avril 2014, les pièces qu'il produit ne suffisent à établir, à la date de la décision attaquée, ni qu'il avait une réelle vie commune avec cette ressortissante camerounaise, ni qu'il participait à l'entretien et à l'éducation des enfants qu'il a reconnus ou de l'enfant de nationalité française dont elle est par ailleurs la mère ; que, dans ces conditions, cette décision n'est contraire ni aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni à celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. " ;
10. Considérant que compte tenu des éléments de la situation personnelle de M. D... analysés au point 8, et alors même qu'il a occupé un emploi salarié d'agent de service au cours des années 2010 et 2011 et présenté un contrat de travail pour un emploi de maçon à l'appui de sa demande de titre de séjour, le préfet de police n'a pas entaché sa décision de rejet de cette demande d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. D...ne peut par ailleurs utilement se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012, qui ne fixe aucune ligne directrice susceptible d'être invoquée à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. Considérant que l'arrêté du 7 avril 2014 mentionné au point 4 habilitait également M. C... à signer la décision attaquée ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit par suite être écarté comme manquant en fait ;
12. Considérant qu'il résulte des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la décision attaquée, nécessairement prise en l'espèce sur le fondement du 3° de ce texte, n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, distincte de celle de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 10 que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de rejet de la demande de titre de séjour ne peut qu'être écarté ;
14. Considérant que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8 ;
15. Considérant que compte tenu des éléments de la situation personnelle de M. D... analysés au point 8, le préfet de police n'a pas entaché la mesure d'éloignement d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
16. Considérant que M.D..., qui n'est nullement tenu de regagner le Cameroun avec les enfants qu'il a reconnus, ne peut sérieusement soutenir que son retour dans son pays d'origine après quelques années d'absence est de nature à méconnaître les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander à la Cour d'annuler l'arrêté du 6 juin 2014 du préfet de police ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1971 ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1408866/2-3 du 16 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions d'appel à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 3 mars 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 17 mars 2016.
L'assesseur le plus ancien,
D. DALLELe président-rapporteur,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA03693