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17/03/2016 | FRANCE | N°14PA02863

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 17 mars 2016, 14PA02863


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris, dans le dernier état de ses écritures, de condamner l'Etat à lui verser une indemnité globale de 43 830 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des divers préjudices ayant résulté pour lui de sa titularisation tardive.

Par un jugement n° 1305099/5-2 du 30 avril 2014, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, condamné l'Etat à verser à M.B..., " dans la limite de sa demande à hauteur de 43 830 euros ", une ind

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris, dans le dernier état de ses écritures, de condamner l'Etat à lui verser une indemnité globale de 43 830 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des divers préjudices ayant résulté pour lui de sa titularisation tardive.

Par un jugement n° 1305099/5-2 du 30 avril 2014, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, condamné l'Etat à verser à M.B..., " dans la limite de sa demande à hauteur de 43 830 euros ", une indemnité, assortie des intérêts au taux légal, correspondant à la différence entre la rémunération que l'intéressé aurait dû percevoir si sa titularisation était intervenue à compter du 1er janvier 1987 et celle qu'il a effectivement perçue durant la période du 26 juin 2009 au 31 juillet 2011, date de son admission à la retraite, pour le calcul et la liquidation de laquelle M. B...a été renvoyé devant les services de l'Etat, et, d'autre part, rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 juin 2014 et le 1er octobre 2015, M. A...B..., représenté par Me Bailet, avocat, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1305099/5-2 du 30 avril 2014 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice de retraite ;

2°) d'enjoindre au ministre des affaires étrangères et européennes de lui verser une indemnité complémentaire d'un montant de 14 000 euros à parfaire au titre des pertes de retraite sur arrérages échus à la date d'introduction de l'appel dans un délai de 10 jours à compter de l'arrêt à intervenir avec intérêts et capitalisation à compter de la décision à intervenir ou de condamner l'Etat à lui verser la somme de 90 000 euros au titre de l'indemnisation globale de son préjudice de retraite subi et à subir, cette indemnité portant intérêts à compter de la date de réception par le ministre des affaires étrangères de sa demande le 19 décembre 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le Tribunal administratif de Paris a définitivement jugé que le retard de treize ans avec lequel sa titularisation a été prononcée constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- il a subi un préjudice de retraite résultant de la différence entre la pension qu'il perçoit depuis son admission à la retraite le 1er août 2011, calculée sur le traitement brut correspondant à l'indice 665 et la pension qu'il aurait dû percevoir sur le traitement indiciaire brut qu'il aurait détenu depuis plus de six mois en l'absence de retard dans sa titularisation ; contrairement à ce que soutient le ministre, il n'a pas bénéficié d'un avancement accéléré ; les premiers juges ont jugé que le préjudice de carrière aurait perduré jusqu'au 31 juillet 2011 date de son admission à la retraite ; il ressort de la grille de calcul établie par le ministère des affaires étrangères pour la réparation du préjudice de carrière qu'il aurait atteint à la date de départ à la retraite au moins l'indice 706 ; ce préjudice de retraite lié à la perte sur arrérages échus de sa pension de retraite s'élève à 400 euros par mois soit 14 000 euros à la date d'introduction de l'appel ; il ne s'oppose pas à être renvoyé devant l'administration pour qu'il soit procédé au calcul et à la liquidation de l'indemnité à intervenir ; si la Cour accorde une indemnité globale unique couvrant la totalité du préjudice de retraite comme l'a demandé le ministre devant les premiers juges, celle-ci, calculée sur l'espérance de vie moyenne d'un français, ne saurait être inférieure à 90 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 juin 2015 et le 20 novembre 2015, le ministre des affaires étrangères et du développement international conclut au rejet de la requête.

Il soutient que le préjudice de perte de retraite n'est justifié ni dans son principe ni dans son quantum dès lors qu'il ne justifie pas que le retard mis à le titulariser lui a fait perdre une chance d'atteindre en fin de carrière l'indice 706 correspondant au 6ème échelon du grade des ingénieurs divisionnaires ; M. B... a bénéficié d'une carrière accélérée qui lui a permis d'atteindre l'indice majoré 665 à la date de son départ à la retraite ; il n'a atteint le grade d'ingénieur divisionnaire qu'à la suite d'un avancement au choix, qui ne serait pas intervenu plus tôt en l'absence du retard mis à le titulariser ; il a été nommé directement au 4ème échelon de ce grade en 2008 et a été promu au 5ème échelon de ce grade dès 2009 avant d'avoir acquis l'ancienneté requise de trois années dans l'échelon.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Notarianni,

- et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.

1. Considérant que M. B..., qui, avait atteint le 5ème échelon du grade d'ingénieur divisionnaire dans le corps des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement, correspondant à l'indice brut 811 et l'INM 665, à la date de son départ à la retraite, a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité globale de 39 084 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des divers préjudices ayant résulté pour lui de sa titularisation tardive pour la période postérieure au 25 juin 2009, non couverte par l'indemnisation dont il avait déjà bénéficié en exécution d'un précédent jugement du même tribunal administratif, et incluant à hauteur de 6 800 euros un préjudice de minoration de retraite correspondant à la perte sur arrérages échus de sa pension de retraite sur la période du 1er août 2011, date de son départ à la retraite, au 15 décembre 2012, date de la réclamation préalable ; que M. B... relève appel du jugement du 30 avril 2014 du Tribunal administratif de Paris en tant seulement que, par ce jugement, le Tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation du chef de préjudice résultant de la minoration de sa pension de retraite et demande à la Cour de condamner l'Etat à lui verser une indemnité complémentaire d'un montant de 14 000 euros à parfaire au titre du préjudice de minoration de retraite subi à raison des arrérages échus à compter du 1er août 2011, assortie des intérêts de retard et de la capitalisation de ces intérêts à compter de la décision à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 90 000 euros au titre de l'indemnisation globale de son préjudice de retraite subi et à subir ;

Sur le principe de l'indemnisation :

2. Considérant que par un jugement n° 0606258/5-2 du 25 juin 2009 devenu définitif en l'absence d'appel, le Tribunal administratif de Paris a jugé que, faute pour le gouvernement d'avoir pris dans un délai raisonnable comme il en avait l'obligation le décret fixant les conditions exceptionnelles d'intégration de certains agents non titulaires dans des corps de fonctionnaires de catégorie A, qui n'a été pris que le 24 août 2000, la responsabilité de l'Etat était engagée envers M. B... à raison de cette inaction fautive dans la mesure où elle avait dépassé un délai de trois ans après la publication de la loi du 11 janvier 1984 ;

3. Considérant que M. B...soutient que le retard fautif ainsi mis par l'administration à prononcer sa titularisation lui a fait perdre une chance sérieuse d'obtenir une promotion au 6ème échelon de son grade et de bénéficier d'une retraite calculée sur l'indice INM 706 et qu'il a de ce fait subi un préjudice de retraite résultant de la différence entre la pension qu'il perçoit depuis son admission à la retraite le 1er août 2011, calculée sur le traitement brut correspondant à l'indice INM 665, et la pension qu'il aurait dû percevoir sur la base de l'indice INM 706 qu'il aurait détenu depuis plus de six mois en l'absence de retard dans sa titularisation ; que le ministre conteste l'existence de ce préjudice en soutenant que M. B...n'aurait pas bénéficié d'une fin de carrière différente s'il n'avait subi aucun retard de titularisation dès lors que la nomination au 4ème échelon du grade d'ingénieur divisionnaire dont il a bénéficié en 2008 résulte d'un avancement au choix dont rien n'établit qu'il serait intervenu plus tôt sans le retard mis à le titulariser et qu'il a en outre bénéficié d'un avancement de carrière accéléré, notamment en étant nommé dès 2009 au 5ème échelon de ce grade sans attendre le terme de délai de trois ans prévu pour cet avancement ;

4. Considérant, d'une part, que si l'avancement au choix ne constitue pas un droit pour un fonctionnaire, il est constant que M. B...en a en l'espèce effectivement bénéficié ;

5. Considérant, d'autre part, qu'en ce qui concerne la date à laquelle M. B...aurait pu bénéficier d'un avancement au 6ème échelon de son grade dans le cadre d'un déroulement normal de carrière, le requérant produit notamment deux tableaux respectivement intitulés " Indemnité pour perte de revenus due à Monsieur A...B...du 1er janvier 2002 au 25 juin 2009 au 31 juillet 2011 - Jugement du TA de Paris du 25 juin 2009 " et " Indemnité pour perte de revenus due à Monsieur A...B...du 25 juin 2009 au 31 juillet 2011 - Jugement du TA de Paris du 30 avril 2014 ", dont il soutient sans être contredit qu'ils ont été établis par les services du ministère des affaires étrangères dans le cadre de l'exécution de précédents jugements rendus en sa faveur ; qu'il résulte des termes mêmes de ces deux tableaux, qui procèdent à la reconstitution de la carrière de M. B... pour la période, pour le premier, de janvier 2002 à juin 2009 et, pour le second, de juin 2009 à juillet 2011, que, dans le cadre d'un déroulement de carrière normal tel que reconstitué par les services mêmes du ministère des affaires étrangères, M. B... aurait atteint le 6ème échelon du grade d'ingénieur divisionnaire, et donc l'indice INM 706, depuis au moins le 25 juin 2009, soit plus de deux années avant son départ à la retraite ; que le ministre ne produit aucun élément utile en sens contraire ; que, dans ces conditions, il résulte de l'instruction que le retard mis par l'administration à prononcer sa titularisation a causé à M. B...un préjudice consistant en la minoration de sa pension de retraite pour un montant équivalent à la différence entre la pension que l'intéressé aurait dû percevoir si cette pension avait été calculée sur la base de l'indice INM 706 et celle qu'il perçoit effectivement, calculée sur la base de l'indice INM 665 ;

Sur le montant de l'indemnité :

6. Considérant que, dans le dernier état de ses écritures, M. B...demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 90 000 euros au titre de l'indemnisation globale de son préjudice de perte de retraite subi et à subir, évalué au regard de l'espérance de vie moyenne d'un français à la date de son départ à la retraite ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...a droit à ce que soit réparé son préjudice résultant du différentiel entre la pension nette qu'il perçoit sur la base de l'indice INM 665 par rapport à la pension nette qu'il aurait perçue sur le base de l'indice INM 706 en l'absence du retard fautif mis par l'administration à prononcer sa titularisation ; que ce différentiel doit être estimé sur la période comprise entre la date de son départ à la retraite le 1er août 2011 et la date correspondant à l'espérance de vie des hommes établie par l'INSEE pour l'année 2011 ; que l'état de l'instruction ne permettant pas de déterminer exactement le montant de l'indemnité ainsi due au requérant, correspondant au versement de cette différence, il y a lieu de renvoyer l'intéressé devant le ministre des affaires étrangères et du développement international pour qu'il soit procédé au calcul de cette indemnité, dans la limite de la demande ainsi présentée en dernier lieu par celui-ci ;

8. Considérant que la Cour n'étant pas en mesure, en l'état de l'instruction, de déterminer le montant exact de l'indemnité due à ce titre par l'Etat, il y a lieu de renvoyer l'intéressé devant l'administration pour qu'il soit procédé, sur les bases définies ci-dessus, au calcul et à la liquidation en principal de cette indemnité ;

Sur les intérêts :

9. Considérant M. B...a droit aux intérêts au taux légal sur l'indemnité précédemment mise à la charge de l'Etat à compter des dates auxquelles il a demandé le paiement des sommes correspondant à l'indemnisation de son préjudice de minoration de retraite ; qu'eu égard aux dates de ses demandes, les intérêts courent, d'une part, à compter du 19 décembre 2012, date de réception de la réclamation préalable, pour les arrérages échus à cette date, d'autre part à compter du 5 avril 2014 pour les arrérages échus entre le 19 décembre 2012 et le 5 avril 2014, et enfin, pour l'indemnité en capital correspondant au surplus, à compter du 26 juin 2014, date à laquelle il a porté sa demande à la somme de 90 000 euros en demandant, comme l'y invitait au demeurant le ministre pour mettre un terme définitif au litige, l'indemnisation forfaitaire du préjudice déjà subi et à subir ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'indemnisation du préjudice de retraite résultant du retard mis à le titulariser et exclu ce préjudice du calcul de l'indemnité qu'il a mise à la charge de l'Etat ; que, dans ces conditions, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. B...une indemnité correspondant à la différence entre la pension de retraite que l'intéressé aurait dû percevoir si sa pension de retraite avait été calculée sur la base de l'indice INM 706 et celle qu'il perçoit effectivement calculée sur la base de l'indice INM 665, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2012 pour les arrérages échus à cette date, à compter du 5 avril 2014 pour les arrérages échus entre le 19 décembre 2012 et le 5 avril 2014, et à compter du 26 juin 2014 pour le capital correspondant au surplus.

Article 2 : M. B...est renvoyé devant l'administration (ministre des affaires étrangères et du développement international) aux fins de liquidation, sur les bases indiquées au point 7 du présent arrêt, de l'indemnité relative à la perte de retraite.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1305099/5-2 du 30 avril 2014 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre des affaires étrangères et du développement international.

Délibéré après l'audience du 3 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 17 mars 2016.

Le rapporteur,

L. NOTARIANNI

Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre des affaires étrangères et du développement international en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA02863


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02863
Date de la décision : 17/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice - Préjudice matériel - Perte de revenus - Préjudice matériel subi par des agents publics.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Laurence NOTARIANNI
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : BAILET

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-03-17;14pa02863 ?
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