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03/03/2016 | FRANCE | N°15PA00541

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 03 mars 2016, 15PA00541


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Butterfly Business Consulting a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos 2008, 2009 et 2010, ensemble les pénalités afférentes, pour un montant total de 210 264 euros ;

Par un jugement n° 1305338 du 3 décembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

P

ar une requête et des mémoires en réplique enregistrés respectivement

les 4 février 2015, 7 septemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Butterfly Business Consulting a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos 2008, 2009 et 2010, ensemble les pénalités afférentes, pour un montant total de 210 264 euros ;

Par un jugement n° 1305338 du 3 décembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires en réplique enregistrés respectivement

les 4 février 2015, 7 septembre 2015, et 4 janvier 2016 la SARL Butterfly Business Consulting, représentée par Me Gérard, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1305338 du 3 décembre 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 15 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les éventuels dépens et ce en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure de rectification est affectée par une insuffisante motivation des rectifications proposées en méconnaissance des dispositions des articles L. 57 et L. 80 CA du livre des procédures fiscales et une méconnaissance de la procédure de répression des abus de droit en méconnaissance des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

- les prestations de service effectuées par la société Centenium Limited lui ont permis de sauvegarder son activité ce qui justifie de son intérêt direct ; la reprise de facturations de la société Centenium Limited, fondée sur l'absence de matérialité de la contrepartie obtenue par la SARL Butterfly Business Consulting, est en contradiction avec la taxation en France de l'activité déployée par l'établissement stable de la société mère britannique ;

- les impositions étant infondées les pénalités sont dépourvues de bien-fondé.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 mai 2015, 11 décembre 2015 et

12 janvier 2016 le ministre des finances et des comptes publics, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 janvier 2016, la clôture d'instruction a été fixée

au 25 janvier 2016 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Legeai,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de Me Gérard, avocat de la SARL Butterfly Business Consulting ;

1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) Butterfly Business Consulting, qui a pour activité le conseil aux entreprises en matière de ressources humaines, de recrutement et de recherche de subventions, relève régulièrement appel du jugement n° 1305338 du 3 décembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos 2008, 2009 et 2010, ensemble les pénalités afférentes, pour un montant total de 210 264 euros ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs ;

3. Considérant que la SARL Butterfly Business Consulting fait valoir que, dans la proposition de rectification du 20 décembre 2011, l'administration s'est notamment fondée sur le fait erroné que la société Centenium Limited n'aurait pas d'établissement stable en France alors même que le service dans le cadre d'un contrôle de la société Centenium Limited a mis en évidence qu'elle avait effectivement un établissement stable en France ; que, toutefois, l'existence d'un établissement stable en France est sans incidence sur des prestations, dont la dite proposition de rectification a relevé à juste titre qu'elles étaient facturées depuis le Royaume-Uni par la holding britannique ; qu'il est constant que la proposition de rectification litigieuse comporte la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition, et indique la base d'imposition ainsi que les motifs des rectifications, tirés de ce que la société britannique ayant émis les factures ne disposait, au Royaume-Uni, d'aucun moyen matériel ou humain d'exploitation ; qu'ainsi, ladite proposition de rectification est suffisamment motivée au regard des exigences des dispositions précitées ; que, dés lors, ce moyen doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. (...) " ; que ces dispositions ne sont toutefois pas applicables, alors même que l'une des conditions qu'elles prévoient serait remplie, lorsque l'administration fonde les rectifications sur l'existence d'un acte anormal de gestion ;

5. Considérant que la SARL Butterfly Business Consulting fait valoir que dans la proposition de rectification du 20 décembre 2011 l'administration a notamment déployé un raisonnement implicitement fondé sur l'abus de droit en utilisant explicitement les locutions caractéristiques et propres au raisonnement de l'abus de droit, notamment en considérant que la société Centenium Limited était dénuée de substance et que la comptabilisation par l'appelante des factures émises par cette société avait un but exclusivement fiscal, sans viser l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, ni en respecter les garanties de procédure ; que, toutefois, il résulte des termes mêmes de la proposition de rectification que le fondement légal du rehaussement repose sur le caractère non déductible des charges comptabilisées au regard des règles générales de déduction issues des dispositions de l'article 39-1 du code général des impôts ; que l'administration a considéré, à titre principal, que les sommes ainsi versées à la société Centenium Limited n'avaient pas été exposées dans l'intérêt de l'appelante mais constituaient un acte anormal de gestion ; que, par suite, le moyen tiré du non-respect des garanties de la procédure d'abus de droit doit être écarté comme étant inopérant ;

6. Considérant, en troisième lieu, que le moyen de la SARL Butterfly Business Consulting tiré d'un détournement de pouvoir n'est pas assorti des précisions nécessaires et doit être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions :

7. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

8. Considérant que la SARL Butterfly Business Consulting a déduit des charges afférentes à des factures établies par la société Centenium Limited ; que, d'une part, l'appelante a comptabilisé le 1er janvier 2008, pour un montant total de 360 000 euros, cinq factures dont le les libellé était " coaching 2007 " et " coaching 2008 " ; que, pour justifier de la réalité des prestations correspondant à ces factures particulièrement laconiques, la requérante a produit un contrat de coaching signé le 1er juillet 2006 avec la société Centenium Limited en exécution duquel cette dernière s'engageait à assurer l'accompagnement ou le remplacement de la gérante de l'appelante contre le versement de la somme forfaitaire de 1 600 euros nets de taxe sur la valeur ajoutée auxquels s'ajoutait un forfait de 750 dirhams par jour pour les prestations effectuées au Maroc ; que, d'autre part, l'appelante a enregistré des charges de prestations de sous-traitance, facturées par la société Centenium Limited pour un total de 143 580 euros, soit 71 481 euros au titre de l'exercice 2008, 48 277 euros au titre de l'exercice 2009 et 23 822 euros au titre de l'exercice 2010 ; que, pour justifier ces factures, la requérante a produit un contrat de partenariat signé le 15 décembre 2006 avec la société Centenium Limited ayant pour objet le détachement de personnel administratif au Maroc ;

9. Considérant, toutefois, que les factures en litige ne comportent aucune référence au contrat de coaching susvisé et ne permettent pas, faute d'un détail des sommes facturées, d'effectuer un rapprochement avec les deux modes de rémunération prévus audit contrat, notamment d'identifier le supplément dû au titre des prestations effectuées au Maroc ; que cette facturation forfaitaire ne détaille ni le nombre de jours d'intervention, ni le nombre d'intervenants, ni la nature des prestations rendues ; que, par ailleurs, les factures de sous-traitance incluent une marge au bénéfice de la société Centenium Limited ; que l'ensemble des factures a été émis à l'en-tête du siège britannique de la société Centenium Limited, qui est une holding de droit britannique détentrice, jusqu'au 30 juin 2010, de 50 % des parts sociale de la SARL Butterfly Business Consulting ; qu'il est constant que la société Centenium Limited est une société de domiciliation qui ne déclare aucun personnel et, par suite, ne peut effectuer elle-même les prestations alléguées ; que l'appelante ne produit aucun document provenant de Centenium Maroc, mais se borne à alléguer, sans l'établir, que la holding constituée par la société Centenium Limited agissait comme un centre de répartition des coûts centralisant les différentes charges engagées par les filiales avant de les refacturer aux différentes entités du groupe et que son intervention se serait traduite par une amélioration de ses résultats ; que, si la requérante soutient que la reprise de facturations de la société Centenium Limited, fondée sur l'absence de matérialité de la contrepartie obtenue par la SARL Butterfly Business Consulting, est en contradiction avec la taxation en France de l'activité déployée par l'établissement stable de la société mère britannique, elle n'établit pas que les prestations facturées par la société britannique correspondaient à celles imposées en France au nom de l'établissement stable de cette société, par la seule production d'échanges de courriers électroniques qui ne mentionnent pas son nom ; que, dans ces conditions, les éléments produits ne permettent pas de combattre la présomption qui résulte des éléments relevés par l'administration et d'établir l'existence, en contrepartie de factures imprécises, émises par une société ne disposant d'aucun moyen matériel, des prestations au titre desquelles ont été déduites les charges litigieuses; que, dés lors, la société Butterfly Business Consulting n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les dépenses litigieuses ont été réintégrées dans les résultats imposables de ses exercices clos en 2008, 2009 et 2010, sur le fondement des dispositions précitées du 1 de l'article 39 du code général des impôts ;

Sur la majoration pour manquement délibéré :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts :

" Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que la majoration pour manquement délibéré a pour objet de sanctionner la méconnaissance délibérée par le contribuable de ses obligations déclaratives ; que, pour établir de tels manquements, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations, et, d'autre part, de l'intention du contribuable d'éluder l'impôt ; que, pour établir le caractère intentionnel du manquement du contribuable à son obligation déclarative, l'administration doit se placer au moment de la déclaration ou de la présentation de l'acte comportant l'indication des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ;

11. Considérant qu'en invoquant l'importance des sommes en jeu, les liens particuliers entre la SARL Butterfly Business Consulting et la société Centenium Limited, et l'absence de justificatif de la réalité des prestations facturées, l'administration établit que l'appelante ne pouvait ignorer les insuffisances reprochées et, dés lors, c'est à juste titre que la majoration pour manquement délibéré a été appliquée aux charges non justifiées, nonobstant la situation personnelle de la gérante de la SARL Butterfly Business Consulting, ou ses relations avec son ex-compagnon, gérant de la société Centenium Limited ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Butterfly Business Consulting n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées devant la Cour, ensemble celles tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Butterfly Business Consulting est rejetée.

Article 2: Le présent arrêt sera notifié à la SARL Butterfly Business Consulting et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France Ouest.

Délibéré après l'audience du 17 février 2016, à laquelle siégeaient :

Mme Brotons, président de chambre,

Mme Appèche, président assesseur,

M. Legeai, premier conseiller,

Lu en audience publique le 3 mars 2016.

Le rapporteur,

A. LEGEAI Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA00541


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00541
Date de la décision : 03/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : GERARD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-03-03;15pa00541 ?
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