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19/02/2016 | FRANCE | N°15PA02844

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 19 février 2016, 15PA02844


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2015 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1503370 du 17 juin 2015, le tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé cet arrêté et, d'autre part, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. B...une carte de séjour temp

oraire portant la mention " vie privée et familiale ".

Procédure devant la Cour :

Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2015 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1503370 du 17 juin 2015, le tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé cet arrêté et, d'autre part, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2015, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M.B....

Le préfet de police soutient que :

- l'arrêté du 28 janvier 2015 n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'au regard de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, M. B...ne démontre pas l'existence de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires justifiant son admission exceptionnelle au séjour au sens des dispositions précitées ;

- s'agissant des autres moyens soulevés en première instance, il s'en rapporte à ses écritures devant le tribunal administratif de Paris.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2015, M.B..., représenté par

MeA..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du préfet de police ;

2°) d'ordonner au préfet de police, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer le titre de séjour sollicité ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B...soutient que :

- l'argumentation d'appel du préfet de police est irrecevable dès lors qu'elle n'a pas été développée en première instance ;

- la décision de refus de titre de séjour est signée par une autorité incompétente ;

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- le préfet de police était tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de prendre sa décision dès lors qu'il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté en litige ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la circulaire du 28 novembre 2012 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Boissy, rapporteur,

- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.

1. Considérant que M.B..., de nationalité malienne, entré en France en 1990 alors qu'il était âgé de quatre ans, a bénéficié d'un document de circulation pour étranger mineur du

16 juin 2002 au 20 mars 2004, puis d'une carte de séjour temporaire portant la mention

" vie privée et familiale ", régulièrement renouvelée, du 25 janvier 2005 au 17 janvier 2010 ; que, le 8 juillet 2011, il a présenté une demande de carte de séjour temporaire que, après l'avoir placé sous récépissés de décembre 2011 à octobre 2012, le préfet de police a rejeté, assortissant sa décision d'une obligation de quitter le territoire français ; que M. B...a ensuite présenté, le 3 octobre 2014, une demande de carte de séjour temporaire sur le fondement de

l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 28 janvier 2015, le préfet de police a rejeté sa demande et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement ; que, par un jugement du 17 juin 2015, dont le préfet de police relève appel, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté du 28 janvier 2015 et enjoint au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

3. Considérant, il est vrai, qu'il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté que M. B...a résidé régulièrement sur le territoire français jusqu'au début de

l'année 2010 après y avoir notamment accompli l'ensemble de sa scolarité, obtenu un brevet d'études professionnelles spécialité " bioservices " en 2005, et eu une activité salariée au cours de l'année 2006, en octobre et novembre 2008 et en janvier 2010 ;

4. Considérant, toutefois, que si M. B...soutient qu'il n'a jamais vécu dans son pays d'origine, à l'exception d'un court séjour effectué en 2001 à l'occasion des obsèques de son père, et que l'ensemble de ses attaches privées et familiales se trouve en France, le préfet a produit la copie de son passeport établi le 24 décembre 2010 à Bamako, qui établit que l'intéressé est retourné séjourner au Mali ; que M. B...n'a pour sa part produit aucun élément probant justifiant qu'il avait résidé sur le territoire français entre la fin du mois de janvier 2010 et le mois de juillet 2011 ; qu'il a en revanche effectué, au cours de l'année 2013, plusieurs virements de sommes d'argent à une compatriote résidant au Mali, par l'intermédiaire de Western Union ; que, dans ces conditions, M.B..., au cours de cette période de janvier 2010 à juillet 2011, est réputé avoir vécu au Mali, au moins une partie du temps, y avoir noué des liens et ne pas avoir eu son séjour habituel en France ; que, dès lors, et même si le requérant indique qu'il dispose, depuis le 7 janvier 2014, d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de serveur, le préfet n'a pas, dans les circonstances particulières de l'espèce, commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de police est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé l'arrêté en litige pour ce motif ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...tant en première instance qu'en appel ;

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 77 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 : " Le préfet de police peut donner délégation de signature : / (...) ; / 2° Pour toutes les matières relevant de leurs attributions : / (...) / d) Aux agents en fonction à la préfecture de police (...) " ; qu'il ressort du 1) de l'article 11 de l'arrêté n° 2014-00248 du

24 mars 2014, que la sous-direction de l'administration des étrangers est divisée en six bureaux, dont le 9ème, " chargés de l'application de la règlementation relative au séjour des étrangers selon une répartition par nature de titre de séjour ou par nationalité arrêtée par le Directeur. (...) " ; que M. Stirnemann, conseiller d'administration au ministère de l'intérieur, chef du

9ème bureau de la sous-direction de l'administration des étrangers relevant de la direction de la police générale de la préfecture de police bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de police par arrêté n° 2014-00895 en date du 27 octobre 2014 accordant délégation de la signature préfectorale au sein de la direction de la police générale de la préfecture de police de Paris, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris le 4 novembre 2014, à l'effet de signer tous les actes dans la limite de ses attributions en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont l'absence ou l'empêchement ne sont pas contestés ; qu'il résulte de l'application combinée des dispositions précitées que M. Stirnemann disposait ainsi d'une délégation régulière portant sur les attributions du 9ème bureau, et qu'il était en conséquence autorisé à signer des mesures faisant application de la règlementation relative au séjour des étrangers, parmi lesquelles figurent notamment les refus de titre de séjour assortis d'obligations de quitter le territoire français ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision du 28 janvier 2015 ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que la décision refusant à M. B...le droit de séjourner en France mentionne les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au titre desquelles il a sollicité son admission au séjour, et indique les raisons pour lesquelles un refus a été opposé à sa demande ; qu'ainsi, la décision en litige comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit dès lors être écarté ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / (...) " ;

8. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, M. B...n'établit pas avoir séjourné de manière habituelle sur le territoire français au cours des années 2010 et 2011 ; que le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet de police était tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de prendre sa décision ;

9. Considérant, en dernier lieu, que M. B...ne peut utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012, qui est dépourvue de caractère réglementaire ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

10. Considérant, en premier lieu, que si l'obligation de quitter le territoire français est une mesure de police qui doit, en tant que telle et en l'absence de disposition législative spéciale contraire, être motivée en application des règles de forme édictées, pour l'ensemble des décisions administratives, par l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, de mention spécifique dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées ; qu'en l'espèce, le préfet a visé l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui l'habilite à assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 6, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour est suffisamment motivée ; que par suite le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision faisant obligation à M. B...de quitter le territoire français doit être écarté ;

11. Considérant, en second lieu, que, pour les motifs exposés aux points 2 à 9, M. B...n'est pas fondé à exciper, au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité de la décision par laquelle le préfet de police lui a refusé un titre de séjour ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

12. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

13. Considérant que si M. B...se prévaut du conflit que traverse le Nord du Mali, il n'établit pas qu'il serait personnellement exposé, en cas de retour dans son pays d'origine, à des peines ou traitements prohibés par les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut qu'être écarté ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 28 janvier 2015 et l'a enjoint de délivrer une carte de séjour à M. B...et à demander l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande de M.B... ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

15. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la demande de M. B...tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 janvier 2015, n'appelle, par lui-même, aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par l'intéressé doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande M. B...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1503370 du 17 juin 2015 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 5 février 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Driencourt, président de chambre,

- Mme Mosser, président assesseur,

- M. Boissy, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 février 2016.

Le rapporteur,

L. BOISSYLe président,

L. DRIENCOURT

Le greffier,

A-L. PINTEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA02844 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02844
Date de la décision : 19/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: M. Laurent BOISSY
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : BEAIZ

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-02-19;15pa02844 ?
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