Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E...D...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2013 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n°1422106 du 18 février 2015, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de police de délivrer à Mme D...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 mars 2015, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de MmeD....
Le préfet de police soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté du 10 décembre 2013 au motif qu'il avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les autres moyens invoqués par Mme D...en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2015, MmeD..., représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) d'ordonner au préfet de police, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, à défaut, dans ce même délai et sous la même astreinte, de procéder au réexamen de sa situation en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.
Mme D...soutient que :
- l'appel du préfet de police est tardif ;
- la décision lui refusant le droit de séjourner en France est entachée d'incompétence, d'un vice de procédure tiré du défaut de consultation de la commission du titre de séjour, méconnaît le 7°) de l'article L. 313-11 et les articles L. 313-14 et L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ; qu'elle est en outre entachée d'une erreur de droit au regard du motif de menace à l'ordre public et d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, méconnaît le 7°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est en outre entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Vu la décision n° 2015/028725 du 10 juillet 2015 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris accordant à Mme D...le bénéfice de
l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Boissy, rapporteur,
- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.
1. Considérant que MmeD..., de nationalité ivoirienne, entrée en France, selon ses déclarations, le 20 janvier 2000, a présenté, le 31 mai 2013, une demande tendant à la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du
10 décembre 2013, le préfet de police a rejeté sa demande et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination ; que le préfet de police relève appel du jugement en date du 18 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté du 10 décembre 2013 ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en appel :
2. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l' enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
3. Considérant que MmeD..., qui établit résider habituellement en France depuis l'année 2003 au moins, a eu en 2005 avec M.A..., de nationalité malienne, son ancien compagnon, un enfant, le jeune B...A..., dont elle assure personnellement l'éducation et qui, tout en étant scolarisé, fait l'objet d'un suivi médico-psychologique particulier depuis de nombreuses années ; qu'il ressort des pièces du dossier que si, après la naissance deB..., l'intéressée s'est séparée de M. A..., ce dernier, qui a ensuite eu un autre enfant, de nationalité française, et qui a été titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " entre avril 2008 et avril 2010 puis d'une nouvelle carte à compter d'octobre 2012, régulièrement renouvelée depuis lors, a vocation à demeurer durablement sur le territoire français ; qu'il ressort également des éléments versés au dossier, et en particulier des documents de la Banque Postale, du Crédit Agricole et d'une attestation rédigée par M. A...le 31 janvier 2014, et qu'il n'est pas sérieusement contesté par le préfet, que le père du jeuneB..., s'il vit à Lille, exerce néanmoins régulièrement son autorité parentale sur son enfant et contribue financièrement à son entretien ;
4. Considérant que l'arrêté en litige aurait pour effet soit de séparer le jeune B...de son père, soit de le séparer de sa mère ; que, compte tenu de ce qui vient d'être dit au point 3, Mme D...est fondée à soutenir que le préfet de police, dans les circonstances particulières de l'espèce, a méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant de Mme D...et a dès lors violé les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 10 décembre 2013 ; que ses conclusions aux fins d'annulation doivent par suite être rejetées ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Considérant que le présent arrêt n'appelle pas de mesures d'exécution différentes de celles qui ont déjà été ordonnées par les premiers juges ; que les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme D...en appel doivent dès lors être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du
10 juillet 1991 :
7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande le conseil de Mme D...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel présentées par Mme D...sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 5 février 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 février 2016.
Le rapporteur,
L. BOISSYLe président,
L. DRIENCOURTLe greffier,
A-L. PINTEAU
La République mande et ordonne au ministre l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA01210