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17/02/2016 | FRANCE | N°14PA05160

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 17 février 2016, 14PA05160


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Panzani a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle assise sur cet impôt ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2004. Par jugement n°1001607 du 20 octobre 2011, le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à ces conclusions.

Par arrêt n°12VE00654 du 28 mai 2013, la Cour administrative d'appel de Versaill

es, faisant droit à l'appel du ministre du budget, des comptes publics et de la réfor...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Panzani a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle assise sur cet impôt ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2004. Par jugement n°1001607 du 20 octobre 2011, le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à ces conclusions.

Par arrêt n°12VE00654 du 28 mai 2013, la Cour administrative d'appel de Versailles, faisant droit à l'appel du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, a annulé les articles 2 et 3 du jugement du 20 octobre 2011 du Tribunal administratif de Montreuil et remis à la charge de la société les suppléments d'impôts dont celui-ci avait prononcé la décharge.

Par une décision n° 371422 du 10 décembre 2014, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles du 28 mai 2013 et a renvoyé l'affaire devant la Cour administrative d'appel de Paris.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 14 février 2012, le ministre des finances et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 du jugement n° 1001607 du 20 octobre 2011 par lesquels le Tribunal administratif de Montreuil a, d'une part, déchargé la société Panzani des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle assise sur cet impôt ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de son exercice clos en 2004 à raison de la remise en cause du prix de cession des titres de la société William Saurin, et, d'autre part, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rétablir les impositions en litige.

Il soutient que :

- le prix de cession des titres de la société William Saurin fixé par la société Panzani à 30,08 francs le 28 avril 2000 n'était pas représentatif de la valeur vénale de l'entreprise ;

- la méthode d'évaluation retenue par la société Panzani repose sur l'application d'un coefficient de 10,8 au résultat d'exploitation 1999 de la société William Saurin, lequel était exceptionnellement dégradé en raison de crises ponctuelles, sans égard pour le véritable potentiel économique de l'entreprise ;

- le bien-fondé de l'application du multiple de 10,8 n'est pas démontré par le panel des transactions sur titres non côtés des entreprises comparables présenté par la SAS Panzani, dès lors que la majorité de ces transactions sont intervenues postérieurement à la cession litigieuse ;

- l'accord conclu avec Unilever en décembre 1999 n'explique pas la valorisation du groupe William Saurin à 251 millions de francs avant distraction de la dette financière de 221 millions de francs ;

- aucune explication ne permet de justifier l'évaluation de la valeur des filiales de l'entreprise fixée à 81 millions de francs ;

- à cet égard, si la société William Saurin a appliqué un multiple de 4 aux résultats d'exploitation de ses filiales, elle doit le justifier, de même qu'elle doit expliquer le bien-fondé de l'autre méthode qu'elle a éventuellement appliquée ;

- l'endettement financier du groupe William Saurin, évalué à 221 millions de francs, n'excédait pas, en réalité, le montant de l'endettement net consolidé du groupe (152 millions de francs au 30 avril 2000), dès lors que cet endettement était principalement formé de dépôts intra-groupe;

- le prix de 30,08 francs ne saurait être regardé comme ayant été utilisé dans d'autres transactions entre tiers indépendants dès lors qu'il y a eu en réalité entente sur un prix minoré ;

- en application d'une méthode d'évaluation multicritères combinant la valeur patrimoniale, la valeur de rentabilité et la marge brute d'autofinancement, le prix de cession de chaque titre a pu légalement être évalué, dans la proposition de rectification du 17 janvier 2006, à 111 francs ;

- en se référant à la valeur de la branche William Saurin évaluée dans le cadre de l'apport partiel d'actif réalisé le 29 octobre 1999 et en corrigeant ce prix pour tenir compte du résultat d'exploitation 1999 de cette branche, le prix de cession des titres du groupe William Saurin a pu légalement être réévalué à 115,51 francs dans la réponse faite le 15 juin 2006 aux observations de la société Panzani ;

- en effet, d'une part, les conditions de la cession litigieuse avaient été définitivement arrêtées dès le 15 décembre 1999 et, d'autre part, l'exercice 2000 de la société par rapport à son exercice 1999 était marqué par une stabilité de l'actif net et par l'augmentation de l'ensemble des indicateurs commerciaux ;

- la valeur de l'apport réalisé en octobre 1999 avait été déterminée en prenant en compte les effets de la crise de la dioxine du mois de juin 1999 et en anticipant sur les effets des politiques de concentration de la grande distribution ;

- cette nouvelle évaluation était d'autant plus modérée qu'elle ne tenait pas compte de la valeur des filiales de la société William Saurin ;

- par ailleurs, en juin 2001, malgré la survenance d'une nouvelle crise liée à l'ESB en octobre 2000, l'intégralité des titres du groupe William Saurin a été cédée pour un prix global de 432 millions de francs ;

- à titre subsidiaire, la valeur du groupe William Saurin ne saurait être arrêtée à un montant inférieur à 106 millions de francs correspondant à la valeur de son actif net au 30 avril 2000, le prix unitaire des titres de la société ne pouvant en conséquence être inférieur à 106,55 francs ;

- cette évaluation resterait sans incidence sur le montant du redressement en litige ;

- les factures produites par la société Panzani pour appuyer ses conclusions de première instance présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont, hormis la dernière, toutes antérieures à la saisine du juge administratif.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 mai 2012, 16 mai 2013 et 9 juillet 2015, la société Panzani, représentée par MeA..., conclut au rejet du recours, à la confirmation du jugement du Tribunal administratif de Montreuil et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par le ministre des finances et des comptes publics ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société Panzani.

1. Considérant que la société Panzani a cédé le 28 avril 2000 des actions de sa filiale, la société William Saurin, au prix unitaire de 4,59 euros (30,08 francs); qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la société Panzani portant sur les exercices clos les

30 septembre 2002 à 2004, l'administration fiscale a estimé que le prix de cession des actions de la société William Saurin avait été minoré et que cette minoration sans contrepartie procédait d'un acte anormal de gestion ; que la cession litigieuse ayant été réalisée au cours d'un exercice prescrit, l'administration a seulement réintégré des amortissements réputés différés dans les résultats de l'exercice clos le 30 septembre 2004 ; que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat demande l'annulation du jugement du 20 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2004 en conséquence de ce redressement ;

2. Considérant que la valeur vénale des actions d'une société non admises à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et la demande à la date où la cession est intervenue ;

3. Considérant que pour apprécier la valeur vénale réelle des titres de la société William Saurin cédés le 28 avril 2000, l'administration fiscale s'est fondée sur l'évaluation de l'activité de fabrication et de commercialisation de plats cuisinés exercée par la société William Saurin établie à l'occasion de l'opération d'apport, réalisée le 27 octobre 1999, de cette branche d'activité par la société Panzani à la société Comalim, devenue William Saurin, telle qu'elle avait été établie par les commissaires aux apports à partir du bilan de clôture de l'exercice 1998, et à laquelle elle a ajouté le résultat de l'exercice 1999, aboutissant à une valeur globale de 17 562 127 euros (115 200 000 francs), soit une valeur unitaire du titre fixée à 17,61 euros (115,51 francs) ; que si a été intégrée à cette occasion une dévaluation de 15 854 697,79 euros (104 000 000 francs) pour tenir compte des effets négatifs prévisibles, d'une part, de la politique de concentration menée par la grande distribution, et d'autre part, de la crise de la dioxine survenue en juin 1999, laquelle avait entraîné un résultat opérationnel négatif dès les mois de juillet et août 1999, cette seule évaluation n'était pas susceptible d'aboutir à une valorisation aussi voisine que possible de celle qu'aurait entraîné le jeu normal du marché, compte tenu notamment de la réserve finale formulée dans le rapport établi le 24 septembre 1999 par les commissaires aux apports sur la faible rentabilité de la branche d'activité de fabrication et de commercialisation de plats cuisinés depuis plusieurs années et les difficultés à prévoir l'évolution future de celle-ci ; qu'en se bornant à faire valoir que cette méthode d'évaluation ne tenait pas compte de la valeur des filiales, alors qu'il n'est pas contesté que l'acquisition desdites filiales a entièrement été financée par endettement, à invoquer la valeur de l'actif net au

30 avril 2000, qui selon lui ne prenait pas plus en compte que l'évaluation au 27 octobre 1999 la rentabilité et les perspectives d'avenir de la société, alors qu'il résulte de l'instruction qu'à la date de la cession en cause, le secteur d'activité connaissait de graves difficultés liées à des crises alimentaires, que la société en cause avait une capacité d'autofinancement limitée, étant fortement endettée, et possédait un outil industriel obsolète, et à se prévaloir du prix unitaire supérieur retenu pour une cession d'action intervenue en juin 2001, le ministre ne justifie pas du bien-fondé de la méthode d'évaluation susmentionnée ; que s'il se prévaut également d'une méthode d'évaluation multicritères combinant la valeur patrimoniale, la valeur de rentabilité et la marge brute d'autofinancement, qui a permis, dans la proposition de rectification du

17 janvier 2006, d'évaluer le prix de cession de chaque titre à 111 francs, il ressort de la réponse aux observations du contribuable du 15 juin 2006 que l'administration fiscale a expressément renoncé à l'évaluation initialement obtenue par application de ces méthodes ; que le ministre ne propose pas d'autres méthodes d'évaluation susceptibles d'aboutir à une valorisation aussi voisine que possible de celle qu'aurait entraîné le jeu normal du marché ; qu'ainsi il ne peut être regardé comme démontrant l'existence d'une minoration de la valeur des titres cédés à la date de la cession opérée le 28 avril 2000 ; que dès lors, les critiques dirigées contre l'argumentation de la société Panzani tendant à justifier du caractère normal du prix de cession retenu ne peuvent qu'être écartées comme inopérantes ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande de la société Panzani et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1500 euros, la requérante étant représentée par un avocat ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.

Article 2: L'Etat versera à la société Panzani la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des finances et des comptes publics et à la société Panzani.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 3 février 2016, à laquelle siégeaient :

Mme Brotons, président de chambre,

Mme Appèche, président assesseur,

M. Magnard, premier conseiller,

Lu en audience publique le 17 février 2016.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA05160


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA05160
Date de la décision : 17/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : CABNET DLSI AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-02-17;14pa05160 ?
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