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01/02/2016 | FRANCE | N°15PA00203

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 01 février 2016, 15PA00203


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 11 mars 2014 par lequel le préfet de police a refusé de l'admettre au séjour au titre de l'asile, a décidé de sa remise aux autorités portugaises et l'a enjoint de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n°1405668/6-2 du 12 novembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté attaqué.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le

14 janvier 2015, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1405668/6-2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 11 mars 2014 par lequel le préfet de police a refusé de l'admettre au séjour au titre de l'asile, a décidé de sa remise aux autorités portugaises et l'a enjoint de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n°1405668/6-2 du 12 novembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté attaqué.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2015, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1405668/6-2 du 12 novembre 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris.

Le préfet de police soutient que :

- l'arrêté en litige, pris sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est entaché d'aucun vice de procédure ;

- dans le cadre de la mise en oeuvre de la procédure de réadmission d'un demandeur d'asile vers le territoire d'un autre Etat membre en application du règlement C.E. n° 343/2003 du 18 février 2003, l'Etat français n'est tenu de faire bénéficier l'intéressé que des conditions minimales d'accueil telles que prévues par la directive n° 2003/9/C.E. du 27 janvier 2003 et non de lui délivrer, sur le fondement de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le guide d'information ;

- l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui assure la transposition en droit interne des objectifs fixées à l'article 10 de la directive n° 2005/85/C.E. du 1er décembre 2005, n'impose d'obligation d'information qu'à l'encontre des seules autorités compétentes pour traiter la demande d'asile et ne peut, par suite, trouver à s'appliquer dans le cadre de la mise en oeuvre du règlement C.E. n° 343/2003 du 18 février 2003 ;

- il est constant que M. A...s'est vu remettre, le 20 décembre 2013, une note d'information, dans une langue qu'il était susceptible de comprendre, sur les modalités d'application du règlement C.E. n° 343/2003 du 18 février 2003 ;

- la circonstance que M. A...n'a pas été informé dans les conditions fixées par l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas, dans les circonstances de l'espèce, de nature à l'avoir privé d'une garantie ou à avoir exercé une influence sur le sens de l'arrêté en litige.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2015, M.A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A...soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le règlement (CE) nº 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;

- le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

- la directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relatives à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres ;

- la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres ;

- l'arrêt C 179/11 du 27 septembre 2012 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bonneau-Mathelot a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., né le 23 janvier 1985, de nationalité guinéenne, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 20 septembre 2013. Par arrête du 11 mars 2014, le préfet de police a rejeté sa demande sur le fondement du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a décidé de sa remise aux autorités portugaises par application du règlement n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003. Le préfet de police relève appel du jugement du 12 novembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté précité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 2 de la directive du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres susvisée : " Définitions. / [...]. / i) " conditions d'accueil " : l'ensemble des mesures prises par les États membres en faveur des demandeurs d'asile conformément à la présente directive ; / [...] ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de cette directive : " Champ d'application. / 1. La présente directive s'applique à tous les ressortissants de pays tiers et apatrides qui déposent une demande d'asile à la frontière ou sur le territoire d'un Etat membre tant qu'ils sont autorisés à demeurer sur le territoire en qualité de demandeurs d'asile, ainsi qu'aux membres de leur famille, s'ils sont couverts par cette demande d'asile conformément au droit national ". Aux termes de l'article 5 de cette directive : " Information / 1. Les États membres informent, au minimum, les demandeurs d'asile, dans un délai raisonnable n'excédant pas quinze jours après le dépôt de leur demande d'asile auprès de l'autorité compétente, des avantages dont ils peuvent bénéficier et des obligations qu'ils doivent respecter eu égard aux conditions d'accueil. / Les États membres garantissent que des informations sont fournies aux demandeurs sur les organisations ou les groupes de personnes qui assurent une assistance juridique spécifique et sur les organisations susceptibles de les aider ou de les informer en ce qui concerne les conditions d'accueil dont ils peuvent bénéficier, y compris les soins médicaux. / 2. Les États membres font en sorte que les informations prévues au paragraphe 1 soient fournies par écrit et, dans la mesure du possible, dans une langue dont les demandeurs sont censés avoir une connaissance suffisante. Le cas échéant, ces informations peuvent également être fournies oralement ". Aux termes de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui transpose la directive 2003/9/CE susvisée, modifié en dernier lieu par l'article 6 du décret n° 2011-1031 du 29 août 2011 afin d'assurer la transposition de la directive 2005/85/CE : " L'étranger qui, n'étant pas déjà admis à résider en France, sollicite son admission au séjour au titre de l'asile en application de l'article L. 741-1 présente à l'appui de sa demande : / [...]. / L'indication des pièces à fournir par l'étranger qui sollicite son admission au séjour au titre de l'asile en application du présent article est portée à sa connaissance par les services de la préfecture. Ces derniers remettent alors à l'étranger un document d'information sur ses droits et sur les obligations qu'il doit respecter eu égard aux conditions d'accueil des demandeurs d'asile, ainsi que sur les organisations qui assurent une assistance juridique spécifique et celles susceptibles de l'aider ou de l'informer sur les conditions d'accueil dont il peut bénéficier, y compris les soins médicaux. Cette information se fait dans une langue dont il est raisonnable de penser que le demandeur d'asile la comprend ".

3. En premier lieu, il résulte des dispositions de la directive du 27 janvier 2003 susvisée, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt susvisé du 27 septembre 2012, qu'un Etat membre saisi d'une demande d'asile est tenu d'octroyer les conditions minimales d'accueil garanties par cette directive, y compris à un demandeur d'asile pour lequel il décide, en application du règlement du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, dit " Dublin II ", de requérir un autre Etat membre aux fins de prendre en charge ou de reprendre en charge ce demandeur en tant qu'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile, et que cette obligation ne prend fin, le cas échéant, que lors du transfert effectif du demandeur par l'Etat membre requérant, la charge financière de l'octroi des conditions minimales incombant, jusqu'à cette date, à ce dernier Etat membre.

4. Ces conditions d'accueil, définies au point i) de l'article 2 de la directive du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres susvisée comme " l'ensemble des mesures prises par les États membres en faveur des demandeurs d'asile conformément à la présente directive ", comprennent notamment, contrairement à ce que soutient le préfet de police, l'obligation d'information prévue à l'article 5 de la directive et reprise au dernier alinéa de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Par suite, si M.A..., dont la demande relève de la compétence du Portugal, peut se voir refuser l'admission au séjour en application du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il dispose cependant du droit de rester en France jusqu'à son transfert effectif vers l'Etat membre chargé de l'examen de sa demande d'asile en application des dispositions précises et inconditionnelles de l'article 7 de la directive du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, ainsi que l'a également jugé la Cour de justice de l'Union européenne. Il doit, dès lors, pouvoir accéder aux conditions minimales d'accueil prévues par la directive du 27 janvier 2003 et se voir délivrer le document d'information prévu par le dernier alinéa de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En deuxième lieu, les autorités de l'Etat ne peuvent se prévaloir des dispositions d'une directive qui n'ont pas fait l'objet d'une transposition dans le droit interne. Ainsi le préfet de police ne peut utilement invoquer les dispositions du point 29 de la directive 2005/85/CE, selon lesquelles cette directive ne s'applique pas aux procédures régies par le règlement " Dublin II ", dès lors qu'elles n'ont pas été transposées en droit interne. En tout état de cause, et ainsi qu'il a été rappelé au point 2, l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été pris pour la transposition de la directive 2003/9/CE, qui n'écarte pas de son champ d'application les procédures de réadmission, et ne transpose la directive 2005/85/CE qu'en tant qu'il prévoit que le document d'information doit être délivré au demandeur d'asile dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend.

7. En dernier lieu, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. L'obligation de remise à l'intéressé du document d'information prévu au dernier alinéa de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est constitutive d'une garantie.

8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A...se serait vu remettre le document d'information sur les droits et obligations du demandeur d'asile ainsi que sur les aides dont il peut bénéficier, prévu par les dispositions susmentionnées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si le préfet de police fait valoir que l'intéressé a été informé, dans une langue qu'il comprend, des conditions d'application du règlement du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile, cette information ne saurait se substituer aux informations prévues par l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont la nature est différente. Dans ces conditions, M. A...ayant été privé d'une garantie, l'arrêté du 18 mars 2014 lui refusant son admission au séjour au titre de l'asile et prononçant sa remise aux autorités portugaises a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière.

9. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté en date du 18 mars 2014 rejetant la demande d'admission au séjour de M. A...et décidant de sa remise aux autorités portugaises.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il y a lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. A...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. A...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C...D...A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Luben, président,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er février 2016.

Le rapporteur,

S. BONNEAU-MATHELOT

Le président,

I. LUBEN

Le greffier,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA00203


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00203
Date de la décision : 01/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : DANNAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-02-01;15pa00203 ?
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