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01/02/2016 | FRANCE | N°14PA03756

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 01 février 2016, 14PA03756


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2013 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à la frontière à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1405931/5-2 du 18 juillet 2014, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté

du 10 décembre 2013 en tant qu'il a obligé M. B...à quitter le territoire français ainsi ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2013 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à la frontière à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1405931/5-2 du 18 juillet 2014, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté du 10 décembre 2013 en tant qu'il a obligé M. B...à quitter le territoire français ainsi que la décision fixant le pays de destination et, d'autre part, a enjoint au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification dudit jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 août 2014, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 1405931/5-2 du 18 juillet 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de M. B... et, plus particulièrement, de son état de santé alors que, d'une part, c'est seulement devant le juge que l'intéressé s'en est prévalu et, d'autre part, il ne peut justifier qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

Par un mémoire, enregistré le 23 février 2015, M.B..., représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du préfet de police ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler l'article 1er du jugement en tant que les premiers juges ont rejeté ses conclusions dirigées contre la décision par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que son conseil renonce à percevoir la part contributive de l'Etat allouée au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que

- le moyen invoqué par le préfet de police à l'appui de sa requête n'est pas fondé ;

- la décision portant refus de titre séjour est entachée d'un vice de procédure dans la mesure où le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, n'a pas été saisi ;

- cette décision est insuffisamment motivée en droit et en fait ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation et d'une erreur de droit ;

- le préfet de police a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation.

Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par M.B..., après l'expiration du délai d'appel et dirigées contre le refus de séjour en ce qu'elles soulèvent un litige distinct de celui de l'appel du préfet de police.

Par un mémoire, enregistré le 12 janvier 2016, lequel n'a pas été communiqué, M. B...a répondu au courrier du greffe l'informant de ce que la Cour était susceptible de fonder sa décision sur un moyen d'ordre public.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 16 janvier 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bonneau-Mathelot a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant ivoirien, s'est vu refuser la reconnaissance du statut de réfugié par une décision du 30 septembre 2013 de la Cour nationale du droit d'asile confirmant la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 février 2013. Par un arrêté du 10 décembre 2013, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à la frontière à l'expiration de ce délai. Par un jugement du 18 juillet 2014, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté en tant qu'il a obligé l'intéressé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Sur l'appel principal du préfet de police :

2. Pour annuler l'arrêté en litige en tant qu'il a fait obligation à M. B...de quitter le territoire dans un délai de trente jours, les premiers juges ont estimé que le préfet de police avait, compte tenu de son état de santé, commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé. Il ressort des pièces du dossier et, plus particulièrement, du certificat médical établi le 31 octobre 2013 par le docteur Benazzouz, pneumologue, que, d'une part, M. B...souffre du syndrome d'apnée du sommeil et d'hypopnée obstructive du sommeil sévère nécessitant une prise en charge médicale dans un milieu spécialisé dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que, d'autre part, son état de santé nécessite un appareillage par support ventilatoire dit " ventilation en pression positive continue " et, enfin, que cette prise en charge ne peut être réalisée dans son pays d'origine, la Côte d'Ivoire. Toutefois, la seule circonstance que la prise en charge dont a besoin M. B...implique qu'il soit appareillé n'est pas suffisante pour conclure qu'elle serait impossible dans son pays d'origine alors que l'intéressé, qui ne conteste pas ne pas savoir se servir de cet appareillage, a la possibilité d'acheter ce support ventilatoire et d'en assurer lui-même l'entretien ainsi que de le faire vérifier tous les six mois selon les recommandations qui lui ont été fournies par le fabricant dudit appareil, la société Elia Médical. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a accueilli le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation pour annuler la décision portant obligation de quitter le territoire contestée ainsi que la décision fixant le pays de destination.

3. Toutefois, il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour.

4. En premier lieu, la décision fixant le pays de destination, qui vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, indique que M. B...n'établit pas être exposé à des peines ou traitements inhumains contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ou dans son pays de résidence habituelle où il est effectivement admissible. Ainsi, la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de fait qui en constituent le fondement sans que la circonstance que le préfet de police ait omis de faire mention de sa pathologie ait une incidence. En outre, il ne ressort pas des termes de cette décision que le préfet de police se serait cru en situation de compétence liée par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile et n'aurait pas vérifié que la mesure contestée n'exposait pas M. B...à des risques de traitements inhumains et dégradants. Par suite, la décision en litige n'est ni entachée d'un défaut d'examen approfondi de la situation personnelle de l'intéressé ni insuffisamment motivé.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " [...]. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de ces stipulations : " Nul ne peut être soumis à la torture à ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Si M. B...se borne à invoquer son état de santé, il résulte de ce qui a été dit au point 2 ci-dessus qu'il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions et stipulations sus-rappelées. Par suite, le moyen invoqué ne peut qu'être écarté.

Sur l'appel incident de M.B... :

6. Les conclusions, enregistrées après l'expiration du délai d'appel, par lesquelles M. B... demande l'annulation du jugement du 18 juillet 2014 en tant qu'il a rejeté les conclusions qu'il avait dirigées contre la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour doivent être rejetées comme irrecevables en ce qu'elles soulèvent un litige distinct de celui qui fait l'objet de l'appel du préfet de police.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé les décisions en litige portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination et lui a enjoint de délivrer à M. B...une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait été statué sur son cas dans un délai de deux mois. Ce jugement doit, par suite, être annulé et la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris rejetée dans la même mesure. Il y a lieu, également, de rejeter l'appel incident présenté par M.B.... Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation des décisions critiquées portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. B...doivent être rejetées ainsi que les conclusions présentées sur le fondement de L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 1405931/5-2 du 18 juillet 2014 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée en tant qu'il a sollicité l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination et présenté des conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident présentées par M. B...devant la Cour administrative d'appel de Paris sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Luben, président,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er février 2016.

Le rapporteur,

S. BONNEAU-MATHELOTLe président,

I. LUBEN

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA03756


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03756
Date de la décision : 01/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : OSTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-02-01;14pa03756 ?
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