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01/02/2016 | FRANCE | N°14PA00426

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 01 février 2016, 14PA00426


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des pharmaciens des Iles et de Tahiti a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté n° 197/P.R. du 28 mars 2013 par lequel le président de la Polynésie française a autorisé Mme E...C...à créer à titre dérogatoire une officine de pharmacie dans la commune de Moorea-Maiao à Afareaitu.

Par un jugement n° 1300271 du 5 novembre 2013, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

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ar une requête et un mémoire, enregistrés le 28 janvier et le 2 septembre 2014, le syndicat des phar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des pharmaciens des Iles et de Tahiti a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté n° 197/P.R. du 28 mars 2013 par lequel le président de la Polynésie française a autorisé Mme E...C...à créer à titre dérogatoire une officine de pharmacie dans la commune de Moorea-Maiao à Afareaitu.

Par un jugement n° 1300271 du 5 novembre 2013, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 janvier et le 2 septembre 2014, le syndicat des pharmaciens des Iles et de Tahiti, représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300271 du 5 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté n° 197/P.R. du 28 mars 2013 par lequel le président de la Polynésie française a autorisé Mme C...à créer à titre dérogatoire une officine de pharmacie dans la commune de Moorea-Maiao à Afareaitu ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'essor démographique de la population de la commune associée d'Afareiatu ne peut justifier la création, à titre dérogatoire, de l'officine de pharmacie de Mme C...alors que le bassin de population censé être desservi par ladite officine est le moins dense de l'île de Moorea et que la population résidente s'est " expatriée " professionnellement vers l'île de Tahiti ;

- la population saisonnière de ce bassin ne peut être prise en compte en raison d'une baisse de l'activité touristique sur l'île de Moorea et dans la mesure où celle-ci est, principalement, localisée sur la commune de Haapiti où sont concentrés les structures hôtelières, et où elle peut s'approvisionner à la pharmacie qui y est implantée ;

- l'implantation d'une troisième pharmacie serait constitutive d'une catastrophe économique alors que deux pharmacies d'appoint existent déjà et que la deuxième n'est pas viable économiquement ;

- le lieu d'implantation des officines de pharmacies existantes est sans influence en l'absence de bassin de population dont les besoins exigeraient la création d'une troisième pharmacie ;

- d'autres projets d'implantation sur le même site retenu par Mme C...ont été rejetés antérieurement à sa demande ;

- le tribunal a, dans un jugement du 15 juillet 2001, annulé un précédent arrêté du président de la Polynésie française autorisant Mme C...à créer, à titre dérogatoire, une pharmacie dans la même zone géographique et la même séquence temporelle ;

- l'arrêté critiqué est entaché de détournement de pouvoir.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 16 mai et le 16 octobre 2014, la Polynésie française et Mme E...C..., représentées par MeB..., concluent au rejet de la requête, à ce que soit enjoint au syndicat des pharmaciens des Iles et de Tahiti de produire tous éléments permettant d'apprécier la rentabilité des pharmacies de Moorea et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- à défaut pour le syndicat des pharmaciens des Iles et de Tahiti de justifier de sa qualité pour agir, sa requête ne pourra qu'être rejetée comme irrecevable ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2014, la Polynésie française, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge du syndicat des pharmaciens des Iles et de Tahiti au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à défaut pour le syndicat des pharmaciens des Iles et de Tahiti de justifier de sa qualité pour agir, sa requête ne pourra qu'être rejetée comme irrecevable ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

- délibération n° 88-153/AT du 20 octobre 1988 de l'assemblée de la Polynésie française, modifiée, relative à certaines dispositions concernant l'exercice de la pharmacie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,

- et les conclusions de M. Sorin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., docteur en pharmacie, a sollicité, le 16 novembre 2012, la création, à titre dérogatoire, ainsi que l'exploitation d'une officine de pharmacie dans la commune de Moorea-Maiao, sise à Afareiatu, au PK 8,700, côté montagne, sur la terre Paorea n° AD-191 et n° AD-192. Par un arrêté n° 197/P.R. du 28 mars 2013, le président de la Polynésie française a, sur le fondement de l'article 26 de la délibération n° 88-153/AT du 20 octobre 1988 modifiée, fait droit à la demande de MmeC.... Le syndicat des pharmaciens des Iles et de Tahiti relève appel du jugement n° 1300271 du 5 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté.

Sur la fin de non-recevoir opposée, en appel, par la Polynésie française et MmeC... :

2. En l'absence, dans les statuts d'une association ou d'un syndicat, de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif, celui-ci est régulièrement engagé par l'organe tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter en justice cette association ou ce syndicat.

3. En vertu des stipulations de l'article 21 des statuts du syndicat des pharmaciens des Iles et de Tahiti, le président le représente en justice. Par suite, MmeD..., en sa qualité de président dudit syndicat, tenait desdites stipulations le pouvoir d'ester en justice en son nom et de relever appel du jugement attaqué. La requête présentée par le syndicat des pharmaciens des Iles et de Tahiti devant la Cour est, dès lors, recevable. La fin de non-recevoir opposée par Mme C...doit donc être écartée.

Sur l'exception tirée de l'autorité de la chose jugée opposée par le syndicat des pharmaciens des Iles et de Tahiti :

4. Par un jugement n° 1100267 du 15 juillet 2011, devenu définitif, le Tribunal administratif de la Polynésie française a annulé l'arrêté n°1218/P.R. du 17 mars 2011 autorisant Mme C...à créer, à titre dérogatoire, une officine de pharmacie à Afareaitu, au PK 8,700, côté montagne, sur la commune de Moorea-Maiao. Saisi d'une nouvelle demande d'autorisation, le président de la Polynésie française pouvait, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée par ledit jugement, lequel s'était prononcé sur la légalité d'une autorisation au regard des besoins de la population en mars 2011, procéder à une nouvelle appréciation de ces besoins à la date de sa nouvelle décision, qui a été édictée postérieurement au recensement de la population qui a eu lieu en 2012. Dans ces conditions, et à supposer que l'exception tirée de l'autorité de la chose jugée ait été opposée par le syndicat des pharmaciens des Iles et de Tahiti, celle-ci ne peut qu'être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 25 de la délibération susvisée du 20 octobre 1988 : " Les créations et les transferts d'officines de pharmacie ouvertes au public doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil de ces officines. / [...] ". Aux termes de l'article 26 de ladite délibération : " En Polynésie française, nul ne peut être autorisé à créer une officine de pharmacie s'il ne peut justifier en sus des conditions imposées par l'article 4, de dix années de résidence sur le territoire. / Dans les communes et dans les îles d'une population inférieure à 7.000 habitants, il ne peut être délivré plus d'une licence d'officine de pharmacie. / Dans les communes d'une population supérieure à 7.000 habitants à l'exception de la commune de Papeete et de Faaa, il ne peut être délivré plus d'une licence par tranche entière de 7.000 habitants. [...] / Si les besoins de la population l'exigent, des dérogations aux règles fixées aux alinéas précédents peuvent être accordées, après avis de la commission de régulation, mentionnée au chapitre IV du présent titre, du président du conseil de l'ordre des pharmaciens de la Polynésie française et des présidents des syndicats professionnels. A l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de l'accusé de réception de la saisine, les avis des présidents de l'ordre et des syndicats professionnels sont réputés favorables. / La population dont il est tenu compte est la population municipale totale, telle qu'elle est définie par le décret ayant ordonné le dernier dénombrement général de la population. Toutefois, il pourra être tenu compte de la population définie par le décret ayant ordonné un dénombrement complémentaire de la population. / [...] / La distance à respecter entre une officine existante et une officine à créer est fixée [...], à 1.000 mètres dans les autres communes. [...] / [...] ".

6. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Moorea-Maiao compte en 2012, selon le dernier recensement, une population totale de 17 434 habitants, 3 566 habitants faisant ainsi défaut pour atteindre le seuil de 21 000 habitants nécessaire à l'ouverture d'une troisième officine de pharmacie sur le territoire de la commune de Moorea-Maiao. Par suite, une telle officine ne peut légalement être créée que si les besoins de la population, c'est-à-dire les besoins particuliers et réels de la population incluant non seulement la population recensée comme résidente mais, également, la population saisonnière et celle résultant d'un accroissement futur d'ores et déjà certain du nombre d'habitants à la date de l'autorisation en litige, l'exigent au sens des dispositions précitées de l'article 26 précité de la délibération du 20 octobre 1988.

7. Contrairement à ce que soutient le syndicat des pharmaciens des Iles et de Tahiti qui invoque l'absence d'un bassin de population susceptible d'être approvisionné par la création, à titre dérogatoire, d'une troisième officine de pharmacie sur la commune de Moorea-Maiao, il ressort des pièces du dossier que, d'une part, la population de ladite commune ainsi que celle du district d'Afareiatu ont respectivement progressé, sur la période 2007-2012, de 4,5% et de 6,25% alors que celle de l'ensemble de la Polynésie française, sur la même période, a connu un essor de 3,3% et que, d'autre part, la population environnante, normalement amenée à s'approvisionner dans l'officine de pharmacie dont la création est projetée et comprenant celle des districts d'Afareiatu et Teaaroa, a été estimée à 36% environ de la population de la commune insulaire de Moorea-Maiao. Il ne ressort pas, davantage, des pièces du dossier que l'expatriation professionnelle des habitants de l'île de Moorea ou que l'activité touristique, en progression sur l'île, ne pourrait justifier la création, à titre dérogatoire, d'une troisième officine de pharmacie sur la commune de Moorea-Maiao. Par ailleurs, il existe un déséquilibre entre le nombre d'officines de pharmacies présentes au Nord-Est et à l'Ouest de la commune, accentué par des conditions difficiles d'accès à ces officines. En effet, les pharmacies les plus proches, dont il ne ressort pas des pièces du dossier que la viabilité économique serait menacée par la création d'une troisième pharmacie dans le district d'Afareiatu, sont situées, pour la première au Nord-Est au PK 6,500 à Paopao, soit à 15 kilomètres et, pour la deuxième à l'Ouest, au PK 30 à Haapiti. En outre, si l'officine de pharmacie dont la création est projetée est géographiquement décentralisée, elle est à proximité suffisante d'autres offres de soins environnantes, dont, notamment, un médecin généraliste exerçant à 4,7 kilomètres du lieu d'implantation projeté de l'officine de pharmacie et l'hôpital rural d'Afareaitu, qui propose des consultations spécialisées données par des médecins spécialistes venant du centre hospitalier de la Polynésie française à Pirae (Tahiti). Dans ces circonstances, les besoins de la population environnante et de la population saisonnière étaient, à la date de l'arrêté en litige, de nature à justifier la création, à titre dérogatoire, de l'officine de pharmacie projetée par Mme C...sur le territoire de la commune de Moorea-Maiao. Par suite, le moyen tiré de ce que cet arrêté est entaché d'une erreur de droit ne peut qu'être écarté.

8. En second lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 7 du jugement attaqué, d'écarter le moyen tiré du détournement de pouvoir.

9. Il résulte de ce qui précède que le syndicat des pharmaciens des Iles et de Tahiti n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du syndicat des pharmaciens des Iles et de Tahiti présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y a lieu de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros à verser à la Polynésie française et à MmeC..., pris solidairement, sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du syndicat des pharmaciens des Iles et de Tahiti est rejetée.

Article 2 : Le syndicat des pharmaciens des Iles et de Tahiti versera à la Polynésie française et à MmeC..., pris solidairement, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat des pharmaciens des Iles et de Tahiti, à la Polynésie française et à Mme E...C....

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Luben, président,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er février 2016.

Le rapporteur,

S. BONNEAU-MATHELOTLe président,

I. LUBEN

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA00426


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00426
Date de la décision : 01/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-03-04-01-01 Professions, charges et offices. Conditions d'exercice des professions. Pharmaciens. Autorisation d'ouverture ou de transfert d'officine. Autorisations dérogatoires.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : ANTZ

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-02-01;14pa00426 ?
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