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31/12/2015 | FRANCE | N°15PA03405

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 31 décembre 2015, 15PA03405


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La fondation Jérôme Lejeune a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 15 juillet 2012 par laquelle l'Agence de la biomédecine a autorisé, pour une durée de cinq ans, le centre hospitalier universitaire de Montpellier (hôpital Saint-Eloi) à mettre en oeuvre un protocole de recherche sur l'embryon ayant pour finalité l'étude de l'identification des biomarqueurs impliqués dans la régulation des embryons préimplantatoires humains et l'analyse de l'effet de l'âge maternel sur c

es processus de régulation.

Par un jugement n° 1220509/6-3 du 11 juin 2015, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La fondation Jérôme Lejeune a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 15 juillet 2012 par laquelle l'Agence de la biomédecine a autorisé, pour une durée de cinq ans, le centre hospitalier universitaire de Montpellier (hôpital Saint-Eloi) à mettre en oeuvre un protocole de recherche sur l'embryon ayant pour finalité l'étude de l'identification des biomarqueurs impliqués dans la régulation des embryons préimplantatoires humains et l'analyse de l'effet de l'âge maternel sur ces processus de régulation.

Par un jugement n° 1220509/6-3 du 11 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 15 juillet 2012 par laquelle l'Agence de la biomédecine a autorisé, pour une durée de cinq ans, le centre hospitalier universitaire de Montpellier (hôpital Saint-Eloi) à mettre en oeuvre un protocole de recherche sur l'embryon ayant pour finalité l'étude de l'identification des biomarqueurs impliqués dans la régulation des embryons préimplantatoires humains et l'analyse de l'effet de l'âge maternel sur ces processus de régulation et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 août 2015 au greffe de la Cour sous le n° 15PA03405 et un mémoire en réplique enregistré le 17 novembre 2015, l'Agence de la biomédecine, représentée par Me Fouré, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1220509/6-3 du 11 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par la fondation Jérôme Lejeune devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de la fondation Jérôme Lejeune le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) à titre subsidiaire, de moduler dans le temps les effets de l'annulation ;

5°) de réputer définitifs les effets de la décision du 15 juillet 2012 par laquelle l'Agence de la biomédecine a autorisé, pour une durée de cinq ans, le centre hospitalier universitaire de Montpellier (hôpital Saint-Eloi) à mettre en oeuvre un protocole de recherche sur l'embryon ayant pour finalité l'étude de l'identification des biomarqueurs impliqués dans la régulation des embryons préimplantatoires humains et l'analyse de l'effet de l'âge maternel sur ces processus de régulation, ou à tout le moins de reporter les effets de l'annulation jusqu'à l'expiration de la durée de l'autorisation.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a pris en compte les éléments et pièces nouvelles présentés par l'Agence de la biomédecine dans sa note en délibéré pour motiver son jugement et accueillir le moyen d'annulation, alors même qu'il n'a pas analysé ni soumis au débat contradictoire lesdits éléments, en méconnaissance de l'article R. 613-3 du code de justice administrative ;

- en faisant application des dispositions du III de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique relatives au consentement écrit préalable du couple dont les embryons sont issus ou du membre survivant de ce couple et à son information aux fins de garantir son consentement libre et éclairé, dans leur rédaction issue de la loi du 7 juillet 2011, les premiers juges ont méconnu les règles qui gouvernent l'application de la loi dans le temps, dès lors qu'en l'espèce ledit consentement doit être regardé comme juridiquement constitué au moment du don et sa régularité apprécié au regard des règles applicables à cette date, et ont ainsi entaché le jugement attaqué d'une erreur de droit ; en l'espèce, les seize embryons utilisés dans le cadre du protocole de recherche avaient été cédés sous l'empire de la loi n° 2004-800 du 6 août 2004, et la conformité du consentement du couple aux dispositions de cette loi avait été vérifiée par l'Agence de la biomédecine lors de la délivrance, le 11 juillet 2007, de la première autorisation de protocole de recherche ; en l'espèce, il est établi par l'attestation produite par le centre hospitalier universitaire de Montpellier que les seize embryons utilisés dans le cadre du protocole de recherche ont été conçus dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation et que le couple donneur a librement consenti à ce que ces embryons fassent l'objet d'une recherche ;

- l'ensemble de la procédure suivie permet de s'assurer dans le temps du respect des règles relatives à l'information et au consentement des couples donneurs ;

- les moyens présentés en première instance par la fondation Jérôme Lejeune, tirés de la méconnaissance des articles 5 et 18 de la convention d'Oviedo, de l'absence de vérification des modalités d'information et de recueil du consentement du couple, de la méconnaissance des conditions énoncées au II de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique, de l'absence de vérification des conditions de traçabilité et des conditions matérielles de la recherche, doivent être écartés comme non fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 et 19 novembre 2015, la fondation Jérôme Lejeune, représentée par Me Hourdin, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Agence de la biomédecine sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par l'Agence de la biomédecine ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention pour la protection des droits de l'Homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine signée à Oviedo le 4 avril 1997 ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 ;

- la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Luben, rapporteur,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- les observations de Me Fouré, avocat de l'Agence de la biomédecine,

- et les observations de Me Hourdin, avocat de la fondation Jérôme Lejeune.

Considérant ce qui suit :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :

1. Par une décision du 15 juillet 2012 l'Agence de la biomédecine a autorisé, pour une durée de cinq ans, le centre hospitalier universitaire de Montpellier (hôpital Saint-Eloi) à mettre en oeuvre un protocole de recherche sur l'embryon ayant pour finalité l'étude de l'identification des biomarqueurs impliqués dans la régulation des embryons préimplantatoires humains et l'analyse de l'effet de l'âge maternel sur ces processus de régulation.

2. Les recherches sur l'embryon humain, les cellules souches embryonnaires et les lignées de cellules souches font l'objet d'une autorisation de recherches régie par les dispositions de l'article L. 2151-5 du chapitre unique du titre V, intitulé Recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, du livre 1er de la 2ème partie législative du code de la santé publique, aux termes duquel, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " I.- La recherche sur l'embryon humain, les cellules souches embryonnaires et les lignées de cellules souches est interdite. / II.- Par dérogation au I, la recherche est autorisée si les conditions suivantes sont réunies : / 1° La pertinence scientifique du projet de recherche est établie ; / 2° La recherche est susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs ; / 3° Il est expressément établi qu'il est impossible de parvenir au résultat escompté par le biais d'une recherche ne recourant pas à des embryons humains, des cellules souches embryonnaires ou des lignées de cellules souches ; / 4° Le projet de recherche et les conditions de mise en oeuvre du protocole respectent les principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires. / Les recherches alternatives à celles sur l'embryon humain et conformes à l'éthique doivent être favorisées. / III.- Une recherche ne peut être menée qu'à partir d'embryons conçus in vitro dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation et qui ne font plus l'objet d'un projet parental. La recherche ne peut être effectuée qu'avec le consentement écrit préalable du couple dont les embryons sont issus, ou du membre survivant de ce couple, par ailleurs dûment informés des possibilités d'accueil des embryons par un autre couple ou d'arrêt de leur conservation. Dans le cas où le couple ou le membre survivant du couple consent à ce que ses embryons surnuméraires fassent l'objet de recherches, il est informé de la nature des recherches projetées afin de lui permettre de donner un consentement libre et éclairé. A l'exception des situations mentionnées au dernier alinéa de l'article L. 2131-4 et au troisième alinéa de l'article L. 2141-3, le consentement doit être confirmé à l'issue d'un délai de réflexion de trois mois. Dans tous les cas, le consentement des deux membres du couple ou du membre survivant du couple est révocable sans motif tant que les recherches n'ont pas débuté. / IV.-Les protocoles de recherche sont autorisés par l'Agence de la biomédecine après vérification que les conditions posées aux II et III du présent article sont satisfaites. La décision motivée de l'agence, assortie de l'avis également motivé du conseil d'orientation, est communiquée aux ministres chargés de la santé et de la recherche qui peuvent, lorsque la décision autorise un protocole, interdire ou suspendre la réalisation de ce protocole si une ou plusieurs des conditions posées aux II et III ne sont pas satisfaites. / En cas de violation des prescriptions législatives et réglementaires ou de celles fixées par l'autorisation, l'agence suspend l'autorisation de la recherche ou la retire. Les ministres chargés de la santé et de la recherche peuvent, en cas de refus d'un protocole de recherche par l'agence, demander à celle-ci, dans l'intérêt de la santé publique ou de la recherche scientifique, de procéder dans un délai de trente jours à un nouvel examen du dossier ayant servi de fondement à la décision. / V.- Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation. / VI.- A titre exceptionnel, des études sur les embryons visant notamment à développer les soins au bénéfice de l'embryon et à améliorer les techniques d'assistance médicale à la procréation ne portant pas atteinte à l'embryon peuvent être conduites avant et après leur transfert à des fins de gestation si le couple y consent, dans les conditions fixées au IV. ". Aux termes de l'article R. 2151-4 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " La délivrance de l'information préalable et le recueil par écrit du consentement libre et éclairé de chacun des membres du couple ou du membre survivant du couple, prévus au dernier alinéa de l'article L. 2131-4 et aux articles L. 2141-3, L. 2141-4 et L. 2151-5, sont réalisés, en cas de diagnostic préimplantatoire, par le praticien agréé en application de l'article L. 2131-4-2 et, dans les autres cas, par le praticien intervenant, conformément au cinquième alinéa de l'article L. 2142-1, dans un établissement, laboratoire ou organisme autorisé en application du même article. / L'information relative à la nature des recherches projetées porte sur les différentes catégories de recherches susceptibles d'être mises en oeuvre dans le cadre de l'article L. 2151-5. Il est précisé au couple ou au membre survivant du couple que les embryons ayant fait l'objet d'une recherche ne peuvent être transférés à des fins de gestation et qu'ils sont détruits au cours de la recherche. Lorsqu'il est fait application du II de l'article L. 2141-4, le couple ou le membre survivant est également informé que, le cas échéant, les cellules dérivées à partir des embryons peuvent entrer dans une préparation de thérapie cellulaire à des fins exclusivement thérapeutiques. / Le responsable de la recherche doit pouvoir justifier à tout moment au cours de celle-ci du recueil des consentements mentionnés au premier alinéa. ".

3. Il ne résulte ni des dispositions précitées du code de la santé publique, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire que lorsque l'information préalable a été délivrée et le consentement libre et éclairé de chacun des membres du couple ou du membre survivant du couple dont est issu l'embryon a été recueilli par écrit, lequel consentement est une condition de fond et non une condition de forme ou de procédure à la délivrance de l'autorisation de protocole de recherche, le recueil du consentement doive être réitéré préalablement à la délivrance de chaque nouvelle autorisation portant sur le ou les même(s) embryon(s).

4. Il ressort des pièces du dossier qu'une première autorisation, pour le même protocole de recherche que celui autorisé par la décision contestée, avait été délivrée le 11 juillet 2007 par l'Agence de la biomédecine. L'information préalable avait été délivrée et le consentement libre et éclairé de chacun des membres du couple ou du membre survivant du couple dont est issu l'embryon avait été recueilli par écrit préalablement à la délivrance de ladite autorisation, sur le fondement des dispositions de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique alors applicables, dans leur rédaction issue de la loi du 6 août 2004 susvisée qui, notamment, si elles ne prévoyaient pas que le couple soit informé de la nature des recherches projetées afin de lui permettre de donner un consentement libre et éclairé, cette condition ayant été introduite par la loi du 7 juillet 2011 susvisée, prévoyaient, en revanche, que le consentement des deux membres du couple était révocable à tout moment et sans motif. Par suite, le moyen de la requête tiré de ce que les dispositions de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique ont été méconnues, faute que le consentement du couple ait été réitéré selon les modalités prévues par les dispositions de la loi du 7 juillet 2011, doit être écarté.

5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique applicables à la date de la décision attaquée pour estimer que l'Agence de la biomédecine n'établissait pas que les conditions légales tenant au recueil du consentement et à l'information du couple dont les embryons sont issus ou du membre survivant de ce couple auraient été remplies, en particulier en ce qui concerne la nature des recherches projetées et le caractère révocable du consentement sans motif avant le début des recherches.

6. Toutefois, il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la fondation Jérôme Lejeune devant le Tribunal administratif de Paris.

7. Aux termes de l'article R. 2151-1 du code de la santé publique : " Pour l'application des 2° et 3° du II de l'article L. 2151-5, l'Agence de la biomédecine vérifie que la recherche, le cas échéant à caractère fondamental, est susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs en matière de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'il est établi, en l'état des connaissances, que le résultat escompté ne peut être obtenu par d'autres moyens, notamment par le recours exclusif à d'autres cellules souches. ".

8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le protocole de recherche autorisé par la décision litigieuse a fait l'objet de deux rapports d'expertise les 20 et 21 mars 2012, et le conseil d'orientation a rendu un avis après rapports d'instruction de deux de ses membres établis les 19 juin et 3 juillet 2012. Ainsi, le moyen tiré de ce que, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 2151-1 du code de la santé publique, l'Agence de la biomédecine ne s'est pas livrée aux vérifications prévues par ces dispositions doit être écarté.

9. En deuxième lieu, il ressort également des pièces du dossier que le protocole de recherche autorisé a pour finalité l'étude de l'identification des biomarqueurs impliqués dans la régulation des embryons préimplantatoires humains et l'analyse de l'effet de l'âge maternel sur ces processus de régulation, afin d'améliorer le taux de réussite de fécondation in vitro et est ainsi susceptible de permettre à terme des progrès médicaux majeurs dans l'aide médicale à la procréation. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 2° du II de l'article L. 2151-5 précité du code de la santé publique doit être écarté.

10. En troisième lieu, l'Agence de biomédecine établit par ses écritures et les pièces versées au dossier, notamment le rapport du 3 juillet 2012 précité, qu'en l'état des connaissances scientifiques à la date de la décision attaquée il n'aurait pas été possible de mener à bien les recherches envisagées, d'une part, en ayant recours à des cellules souches pluripotentes induites humaines (dites cellules iPS), lesquelles ne sauraient se substituer à un embryon, et, en outre, dont il n'est nullement prouvé, en l'état des connaissances scientifiques à la date de la décision attaquée, qu'elles présentent des caractéristiques équivalentes à celles des cellules souches embryonnaires humaines, ou, d'autre part, en utilisant des embryons d'espèces animales, et notamment de souris, dès lors que le développement embryologique de la souris et de l'homme diffère sensiblement et que l'utilisation d'embryons animaux n'aurait pas permis de comprendre les mécanismes à l'oeuvre dans l'embryon préimplantatoire humain. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 3° du II de l'article L. 2151-5 précité du code de la santé publique, faute pour l'Agence de la biomédecine de démontrer qu'il est impossible de parvenir au résultat escompté par le biais d'une recherche ne recourant pas à des embryons, doit être écarté.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 2151-2 du code de la santé publique : " Le directeur général de l'agence de la biomédecine peut autoriser un protocole de recherche sur l'embryon ou sur les cellules souches embryonnaires, après avis du conseil d'orientation, pour une durée déterminée qui ne peut excéder cinq ans, renouvelable dans les mêmes conditions. / Outre la vérification des conditions fixées à l'article L. 2151-5, l'agence de la biomédecine s'assure de la faisabilité du protocole et de la pérennité de l'organisme et de l'équipe de recherche. Elle prend en considération les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques du responsable de la recherche et des membres de l'équipe. En outre, l'agence de la biomédecine tient compte des locaux, des matériels, des équipements ainsi que des procédés et techniques mis en oeuvre par le demandeur. Elle évalue les moyens et dispositifs garantissant la sécurité, la qualité et la traçabilité des embryons et des cellules souches embryonnaires. ".

12. Il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande de la première autorisation, délivrée le 11 juillet 2007 pour le même protocole de recherche que celui autorisé par la décision contestée, comportait une description précise tant des conditions matérielles de la recherche que des dispositifs relatifs à la sécurité, la qualité et la traçabilité des embryons qui a été validé par le rapport, en date du 12 avril 2007, relatif aux conditions matérielles et techniques du projet et par la délibération du conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine du 29 juin 2007. Un nouveau rapport en date du 11 mai 2012, rédigé dans le cadre de l'instruction de la demande, puis la délibération du conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine du 6 juillet 2012, ont estimé que les conditions de sécurité, de qualité et traçabilité des embryons étaient garanties au sein de l'institut de recherche en biothérapie de Montpellier. Par suite, les dispositions précitées de l'article R. 2151-2 du code de la santé publique n'ont pas été méconnues.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 de la convention d'Oviedo susvisée : " Règle générale : / Une intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée qu'après que la personne concernée y a donné son consentement libre et éclairé. / Cette personne reçoit préalablement une information adéquate quant au but et à la nature de l'intervention ainsi que quant à ses conséquences et ses risques. / La personne concernée peut, à tout moment, librement retirer son consentement. " et aux termes de l'article 18 de la même convention : " Recherche sur les embryons in vitro. / 1. Lorsque la recherche sur les embryons in vitro est admise par la loi, celle-ci assure une protection adéquate de l'embryon. / 2. La constitution d'embryons humains aux fins de recherche est interdite. ".

14. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 4 ci-dessus, le protocole de recherche sur les embryons humains autorisé par la décision attaquée a été précédé du consentement du couple donneur accordé dans le respect des dispositions législatives et réglementaires applicables à la date du don. Par suite, la décision litigieuse ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'article 5 de la convention d'Oviedo.

15. D'autre part, si la fondation Jérôme Lejeune soutient que le protocole de recherche ne serait pas conforme aux stipulations précitées de l'article 18 de la convention d'Oviedo, en l'absence de respect des conditions légales encadrant la recherche sur les embryons, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision contestée ne méconnaît pas les dispositions législatives et réglementaires encadrant la recherche sur les embryons humains. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que les stipulations précitées de l'article 18 de la convention d'Oviedo auraient été méconnues.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la fondation Jérôme Lejeune doit être rejetée.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par la fondation Jérôme Lejeune doivent dès lors être rejetées.

18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la fondation Jérôme Lejeune le paiement à l'Agence de la biomédecine de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 11 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la fondation Jérôme Lejeune devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : La fondation Jérôme Lejeune versera à l'Agence de la biomédecine la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la fondation Jérôme Lejeune tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la directrice générale de l'Agence de la biomédecine, à la fondation Jérôme Lejeune et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 décembre 2015.

Le rapporteur,

I. LUBENLe président,

J. LAPOUZADELe greffier,

Y. HERBER

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA03405


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03405
Date de la décision : 31/12/2015
Type d'affaire : Administrative

Analyses

61-05-03 Santé publique. Bioéthique. Tissus, cellules et produits.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : BOKEN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-12-31;15pa03405 ?
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