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31/12/2015 | FRANCE | N°14PA02146

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 31 décembre 2015, 14PA02146


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Mardav Taxis a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation du titre de perception en date du 21 décembre 2011, par lequel le service ordonnateur de la Cour d'appel de Paris a mis à sa charge la somme de 1 672 euros au titre de la condamnation aux dépens prononcée à son encontre par un jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 11 mars 2008.

Par un jugement n° 1216141 du 13 mars 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.


Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mai 2014, la société ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Mardav Taxis a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation du titre de perception en date du 21 décembre 2011, par lequel le service ordonnateur de la Cour d'appel de Paris a mis à sa charge la somme de 1 672 euros au titre de la condamnation aux dépens prononcée à son encontre par un jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 11 mars 2008.

Par un jugement n° 1216141 du 13 mars 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mai 2014, la société Mardav Taxis, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1216141 du 13 mars 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler le titre de perception du 21 décembre 2011 ;

3°) de lui accorder le sursis de paiement.

Elle soutient que :

- la Cour d'appel a fait une mauvaise application de l'article 43 de la loi du 10 juillet 1991 ;

- elle ne justifie pas du détail des frais qui auraient été réellement exposés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête de la société Mardav Taxis est de la compétence exclusive des services liquidateurs et ordonnateurs de la recette publique ;

- la demande de sursis de paiement ne peut qu'être rejetée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2015, le Garde des Sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la juridiction administrative est compétente pour connaître du présent litige ;

- le titre de perception est suffisamment motivé ;

- l'ordonnateur n'a pas méconnu les dispositions de l'article 43 de la loi du 10 juillet 1991 en émettant un titre de perception à l'encontre de la société requérante dès lors que le demandeur avait bénéficié de l'aide juridictionnelle totale et qu'elle a été condamnée aux dépens sans être bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ;

- il n'a pas confondu les frais et les dépens.

Par une lettre du 9 novembre 2015, les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en tant qu'il a statué sur les conclusions de la demande de la société Mardav taxis tendant à l'annulation du titre de perception du 21 décembre 2011, par lequel le service ordonnateur de la Cour d'appel de Paris a mis à sa charge la somme de 1 672 euros au titre de la condamnation aux dépens prononcée à son encontre par un jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 11 mars 2008, dès lors qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître du litige ainsi soulevé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 92-1369 du 29 décembre 1992 modifiant le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique et fixant les dispositions applicables au recouvrement des créances de l'Etat mentionnées à l'article 80 de ce décret ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Coiffet,

- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.

1. Considérant que, par un jugement du 11 mars 2008, le conseil de prud'hommes de Paris a condamné la société Mardav Taxis à verser à l'un de ses anciens salariés des compléments de salaire, ainsi que des dommages et intérêts, procédant de la requalification en contrat de travail du lien qui l'unissait à elle ; que, par ce même jugement, le conseil a également, d'une part, condamné la société Mardav Taxis à verser à l'intéressé, qui avait été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris en date du 18 octobre 2001, une somme de 200 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et, d'autre part, mis à la charge de cette société les dépens et les frais d'expertise pour un tiers de leur montant ; que, pour obtenir le remboursement des sommes avancées par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, le service ordonnateur de la Cour d'appel de Paris a émis, le 21 décembre 2011, un titre de perception d'un montant de 1 672 euros à l'encontre de la société Mardav Taxis, qui relève appel du jugement du 13 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce titre ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 43 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : " Lorsque la partie condamnée aux dépens ou la partie perdante ne bénéficie pas de l'aide juridictionnelle, elle est tenue de rembourser au Trésor public les sommes exposées par l'Etat, à l'exclusion des frais de justice criminelle, correctionnelle ou de police ... " ; qu'aux termes de l'article 44 de cette loi, dans sa rédaction issue de l'article 74 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 : " Le recouvrement des sommes dues à l'Etat a lieu comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine, sous réserve de dispositions particulières définies par décret. L'action en recouvrement de toutes les sommes dues au titre de la présente loi se prescrit par cinq ans à compter de la décision de justice ou de l'acte mettant fin à la mission d'aide juridictionnelle " ; qu'aux termes de l'article 123 du décret susvisé du 19 décembre 1991 : " La partie condamnée aux dépens qui ne bénéficie pas elle-même de l'aide juridictionnelle est tenue, sauf dispense totale ou partielle accordée par le juge, de rembourser au Trésor, dans la proportion des dépens mis à sa charge, les sommes avancées par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. La partie tenue aux dépens dans les cas prévus par la loi est assimilée à la partie condamnée aux dépens. " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 80 du décret susvisé du 29 décembre 1962 : " La liquidation des créances de l'Etat autres que celles mentionnées aux sections 1 et 3 ci-dessus est opérée selon la nature des créances sur les bases fixées par la loi, les règlements, les décisions de justice ou les conventions " ; qu'aux termes de l'article 6 du décret susvisé du 29 décembre 1992 modifiant le décret précité du 29 décembre 1962 : " Les titres de perception mentionnés à l'article 85 du décret du 29 décembre 1962 susvisé peuvent faire l'objet de la part des redevables soit d'une opposition à l'exécution en cas de contestation de l'existence de la créance, de son montant ou de son exigibilité, soit d'une opposition à poursuites en cas de contestation de la validité en la forme d'un acte de poursuite (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 de ce décret : " Avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit, dans les délais fixés à l'article 8 ci-après, adresser sa réclamation appuyée de toutes justifications au comptable qui a pris en charge l'ordre de recette " ; qu'aux termes de l'article 9 du même décret : " Le débiteur peut saisir la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision prise sur la réclamation (...) " ;

4. Considérant que la créance de l'Etat correspondant aux sommes que celui-ci a avancées au titre de l'aide juridictionnelle et que les parties condamnées aux dépens qui ne bénéficient pas de l'aide juridictionnelle sont en principe tenues de lui rembourser, en l'absence de dispense accordée par le juge, en application des dispositions précitées de l'article 43 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 123 du décret du 19 décembre 1991, trouve son origine et son fondement dans la décision de justice qui a condamné ces parties aux dépens ; qu'ainsi, le titre de perception du 21 décembre 2011 en litige trouve son fondement dans le jugement précité du 11 mars 2008 du conseil de prud'hommes de Paris qui, ainsi qu'il a été dit au point 1, a, d'une part, condamné la société Mardav Taxis à verser à son ancien salarié, bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, une somme de 200 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et, d'autre part, mis partiellement à la charge de cette société les dépens et les frais d'expertise ; que, par suite, le litige, qui se rattache au recouvrement de cette créance de l'Etat, n'est pas au nombre de ceux dont il appartient à la juridiction administrative de connaître ; que, dès lors, il y a lieu d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris qui a statué irrégulièrement sur la demande de la société Mardav Taxis tendant à l'annulation du titre de perception du 21 décembre 2011 et de rejeter cette demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1216141 du Tribunal administratif de Paris en date du 13 mars 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Mardav Taxis devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Mardav Taxis, au ministre des finances et des comptes publics et au Garde des Sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Coiffet, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 31 décembre 2015.

Le rapporteur,

V. COIFFETLe président,

S.-L. FORMERYLe greffier,

S. JUSTINE

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics et au Garde des Sceaux, ministre de la justice chacun en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA02146


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02146
Date de la décision : 31/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

17-03-02-08-02 Compétence. Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel. Liberté individuelle, propriété privée et état des personnes. Propriété.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Valérie COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : CHARRIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-12-31;14pa02146 ?
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