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31/12/2015 | FRANCE | N°14PA00487...

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 31 décembre 2015, 14PA00487...


Vu la procédure suivante :

I. Sous le n° 14PA00487 :

La société civile immobilière JNS8, la société civile professionnelle E...associés et la société civile de moyens Mollet-Vieville Moret Vatel ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 20 février 2012 par laquelle le maire de Paris a refusé d'autoriser un changement de destination sans compensation de 65 m² des locaux sis au 4ème étage du 8 avenue Bertie Albrecht à Paris 8ème.

Par un jugement n° 1207591/7-1 du 28 novembre 2013, le tribunal administratif de Paris a rejet

leur demande.

Par une requête enregistrée le 2 février 2014 et un mémoire compléme...

Vu la procédure suivante :

I. Sous le n° 14PA00487 :

La société civile immobilière JNS8, la société civile professionnelle E...associés et la société civile de moyens Mollet-Vieville Moret Vatel ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 20 février 2012 par laquelle le maire de Paris a refusé d'autoriser un changement de destination sans compensation de 65 m² des locaux sis au 4ème étage du 8 avenue Bertie Albrecht à Paris 8ème.

Par un jugement n° 1207591/7-1 du 28 novembre 2013, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Par une requête enregistrée le 2 février 2014 et un mémoire complémentaire enregistré le

9 décembre 2015, la société civile immobilière JNS8, la société civile professionnelle E...associés et la société civile de moyens dénommée successivement Moret Vatel E...Carré, puis E...Carré, représentées par MeE..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1207591/7-1 du 28 novembre 2013 ;

2°) d'annuler la décision du 20 février 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les sociétés requérantes soutiennent que le local en cause est déjà régulièrement affecté à usage professionnel puisque :

- toute autorisation de changement d'affectation antérieure à la loi du 23 décembre 1986 était accordée à titre définitif ;

- les sociétés civiles professionnelles et les professionnels libéraux étaient exclus de l'application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation par l'article 57 de la loi du 23 décembre 1986 et le Conseil d'État a jugé que cette exception s'étendait à des professionnels regroupés dans une société civile de moyens ;

- si l'article 37 de la loi du 6 septembre 1989 a abrogé l'article 57 de la loi du

23 décembre 1986, il n'a pas remis en cause les droits acquis en application de celui-ci ; la déclaration faite en application de l'article 37 confère au changement d'affectation un caractère réel et définitif ;

- l'article 39 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 excluait du champ d'application de l'article L. 631-7 les groupements d'avocats ; les locaux en cause sont affectés à l'usage professionnels d'avocats au moins depuis 1977, et peut-être même antérieurement à 1970, et l'affectation des locaux a ainsi été modifiée de façon définitive.

Elles soutiennent également qu'à supposer même que l'autorisation de changement d'affectation soit personnelle :

- l'occupant, soit la société civile de moyens (SCM), est le même depuis 1977 et est personnellement autorisé alors même qu'il a changé de nom ;

- cette SCM avait fait une déclaration à la préfecture en application de l'article 37 de la loi du 6 septembre 1989 que la préfecture ne pouvait légalement refuser d'enregistrer ;

- si la SCM n'avait été certaine de la régularité de l'usage des locaux occupés, elle et ses associés auraient usé de la faculté conférée par l'ordonnance du 8 juin 2005 de demander une autorisation personnelle dès lors qu'il était justifié d'un usage professionnel des locaux depuis plus de vingt ans.

Elles font valoir enfin que :

- la SCP E...associés, associé de la SCM locataire des locaux depuis 1977, a déposé une demande d'autorisation conforme à ce que lui avait demandé la mairie ; cette autorisation ne peut lui être refusée au prétexte qu'une dérogation devait être demandée par le propriétaire avec compensation pour 84 m² ;

- en outre, l'Association française d'arbitrage, qui exerce une mission d'intérêt général et occupe les 84 m² non occupés par la SCM d'avocats, a déposé une demande pour cette surface ;

- à supposer même que cette autorisation puisse légalement lui être refusée, la mairie ne pouvait obliger les avocats à utiliser et affecter à une activité professionnelle cette surface.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 août 2015, la ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge solidaire des requérantes le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la SCM Mollet-Vieville Moinet, locataire en 1977 d'un local qui était alors à usage d'habitation, ne tire ni des dispositions de l'article 39 de la loi du 31 décembre 1971 ni de celles des articles 57 de la loi du 23 décembre 1986 ou 37 de la loi du 6 juillet 1989 un droit réel à changer l'affectation de ces locaux ;

- seuls les trois associés qui ont fait la déclaration prévue par l'article 37 de la loi du 6 juillet 1989 ont acquis un droit personnel à utiliser ses locaux pour leur activité professionnelle ; la SCM n'est pas titulaire de cette autorisation ;

- la demande de changement d'usage ne pouvait porter que sur la totalité du local dont la SCM est locataire, ce qui n'était pas le cas au moment où la SCP E...a demandé le changement d'usage pour 65 m² ;

- la SCP ne peut se prévaloir d'aucune prescription acquisitive.

II. Sous le n° 14PA00488 :

L'Association française d'arbitrage (AFA) et la SCI JNS8 ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 29 mai 2012 par laquelle le maire de Paris a refusé d'autoriser l'Association française d'arbitrage à procéder un changement de destination sans compensation de 84 m² des locaux sis au 4ème étage du 8 avenue Bertie Albrecht à Paris 8ème.

Par un jugement n° 1212335/7-1 du 28 novembre 2013, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Par une requête enregistrée le 2 février 2014, l'Association française d'arbitrage et la

SCI JNS8, représentées par MeE..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1212335/7-1 du 28 novembre 2013 ;

2°) d'annuler la décision du 29 mai 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les requérantes soutiennent que le local en cause est déjà régulièrement affecté à usage professionnel puisque :

- toute autorisation de changement d'affectation antérieure à la loi du 23 décembre 1986 était accordée à titre définitif ;

- les sociétés civiles professionnelles et les professionnels libéraux étaient exclus de l'application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation par l'article 57 de la loi du 23 décembre 1986 et le Conseil d'État a jugé que cette exception s'étendait à des professionnels regroupés dans une société civile de moyens ;

- si l'article 37 de la loi du 6 septembre 1989 a abrogé l'article 57 de la loi du

23 décembre 1986, il n'a pas remis en cause les droits acquis en application de celui-ci ; la déclaration faite en application de l'article 37 confère au changement d'affectation un caractère réel et définitif ;

- l'article 39 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 excluait du champ d'application de l'article L. 631-7 les groupements d'avocats ; les locaux en cause sont affectés à l'usage professionnels d'avocats au moins depuis 1977, et peut-être même antérieurement à 1970, et l'affectation des locaux a ainsi été modifiée de façon définitive.

Elles soutiennent également qu'à supposer même que l'autorisation de changement d'affectation soit personnelle :

- l'occupant, soit la société civile de moyens (SCM), est le même depuis 1977 et est personnellement autorisé alors même qu'il a changé de nom ;

- cette SCM avait fait une déclaration à la préfecture en application de l'article 37 de la loi du 6 septembre 1989 que la préfecture ne pouvait légalement refuser d'enregistrer.

Elles font valoir enfin que :

- la SCM locataire des locaux depuis 1977 pouvait demander à limiter son occupation aux 250 m² autorisés par le règlement municipal et habiliter l'AFA à utiliser le reste des locaux ; qu'il ne peut être opposé à celle-ci qu'elle n'est pas titulaire d'un bail ;

- l'association française d'arbitrage exerce une mission d'intérêt général et pouvait bénéficier de l'exception prévue par l'article 3 du règlement municipal.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 août 2015, la ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge solidaire des requérantes le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la SCM Mollet-Vieville Moinet, locataire en 1977 d'un local qui était alors à usage d'habitation, ne tire ni des dispositions de l'article 39 de la loi du 31 décembre 1971 ni de celles des articles 57 de la loi du 23 décembre 1986 ou 37 de la loi du 6 juillet 1989 un droit réel à changer l'affectation de ces locaux ;

- seuls les trois associés qui ont fait la déclaration prévue par l'article 37 de la loi du 6 juillet 1989 ont acquis un droit personnel à utiliser ses locaux pour leur activité professionnelle ; la SCM n'est pas titulaire de cette autorisation ; en tout état de cause l'association française d'arbitrage n'est pas associée de la SCM ;

- l'association française d'arbitrage n'exerce pas une mission d'intérêt général au sens de l'article 3 du règlement municipal.

III. Sous le n° 14PA00489 :

La SCP Moret Vatel et la SCI JNS8 ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 20 février 2012 par laquelle le maire de Paris a refusé d'autoriser un changement de destination sans compensation de 80 m² des locaux sis au 4ème étage du 8 avenue Bertie Albrecht à Paris 8ème.

Par un jugement n° 1210737/7-1 du 28 novembre 2013, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Par une requête enregistrée le 2 février 2014, la SCP Moret Vatel et la SCI JNS8, représentées par MeE..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1210737-7/1 du 28 novembre 2013 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 25 avril 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les sociétés requérantes soutiennent que le local en cause est déjà régulièrement affecté à usage professionnel puisque :

- toute autorisation de changement d'affectation antérieure à la loi du 23 décembre 1986 était accordée à titre définitif ;

- les sociétés civiles professionnelles et les professionnels libéraux étaient exclus de l'application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation par l'article 57 de la loi du 23 décembre 1986 et le Conseil d'État a jugé que cette exception s'étendait à des professionnels regroupés dans une société civile de moyens ;

- si l'article 37 de la loi du 6 septembre 1989 a abrogé l'article 57 de la loi du 23 décembre 1986, il n'a pas remis en cause les droits acquis en application de celui-ci ; la déclaration faite en application de l'article 37 confère au changement d'affectation un caractère réel et définitif ;

- l'article 39 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 excluait du champ d'application de l'article L. 631-7 les groupements d'avocats ; les locaux en cause sont affectés à l'usage professionnels d'avocats au moins depuis 1977, et peut-être même antérieurement à 1970, et l'affectation des locaux a ainsi été modifiée de façon définitive.

Elles soutiennent également qu'à supposer même que l'autorisation de changement d'affectation soit personnelle :

- l'occupant, soit la société civile de moyens (SCM), est le même depuis 1977 et est personnellement autorisé alors même qu'il a changé de nom ;

- cette SCM avait fait une déclaration à la préfecture en application de l'article 37 de la loi du 6 septembre 1989 que la préfecture ne pouvait légalement refuser d'enregistrer ;

- si la SCM n'avait été certaine de la régularité de l'usage des locaux occupés, elle et ses associés auraient usé de la faculté conférée par l'ordonnance du 8 juin 2005 de demander une autorisation personnelle dès lors qu'il était justifié d'un usage professionnel des locaux depuis plus de vingt ans.

Elles font valoir enfin que :

- la SCP Moret Vatel, associé de la SCM, pouvait demander à limiter son occupation aux 80 m² effectivement utilisés ; cette autorisation ne peut lui être refusée au prétexte qu'une dérogation devait être demandée par le propriétaire avec compensation pour 84 m² ;

- en outre, l'association française d'arbitrage, qui exerce une mission d'intérêt général et occupe les 84 m² non occupés par la SCM d'avocats, a déposé une demande pour cette surface ;

- à supposer même que cette autorisation puisse légalement être refusée à l'AFA, la mairie ne pouvait obliger les avocats à utiliser et affecter à une activité professionnelle cette surface.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 août 2015, la ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge solidaire des requérantes le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la SCM Mollet-Vieville Moinet, locataire en 1977 d'un local qui était alors à usage d'habitation, ne tire ni des dispositions de l'article 39 de la loi du 31 décembre 1971 ni de celles des articles 57 de la loi du 23 décembre 1986 ou 37 de la loi du 6 juillet 1989 un droit réel à changer l'affectation de ces locaux ;

- seuls les trois associés qui ont fait la déclaration prévue par l'article 37 de la loi du 6 juillet 1989 ont acquis un droit personnel à utiliser ses locaux pour leur activité professionnelle ; la SCM n'est pas titulaire de cette autorisation ;

- la demande de changement d'usage ne pouvait porter que sur la totalité du local dont la SCM est locataire ;

- l'association française d'arbitrage, dont il n'est pas établi qu'elle occupe 84 m² du local, n'exerce pas une mission d'intérêt général au sens de l'article 3 du règlement municipal ;

- la SCP ne peut se prévaloir d'aucune prescription acquisitive.

Par un mémoire enregistré le 21 octobre 2015, la SCP Moret Vatel déclare se désister de sa requête.

Par un mémoire enregistré le 30 octobre 2015, la ville de Paris déclare accepter le désistement mais maintenir ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 ;

- la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 ;

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

- la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ;

- la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ;

- l'ordonnance n° 2005-655 du 8 juin 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pellissier, président,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,

- les observations de Me F...pour la SCI JNS8, la SCP E...Associés, la SCM Mollet-Vieville Moret Vatel et la SCP Moret Vatel,

- et les observations de Me B...pour la ville de Paris ;

1. Considérant que la société civile immobilière (SCI) JNS8 est propriétaire depuis le 6 octobre 2005 d'un appartement de 334 m² composé de huit pièces principales dans le bâtiment sur rue, au quatrième étage, de l'immeuble du 8 avenue Bertie Albrecht à Paris 8ème arrondissement ; que ce local est pris à bail depuis le 15 juin 1977 par une société de moyens (SCM) d'avocats dont les membres l'utilisent pour l'exercice de leur profession ; que par courrier du 19 juillet 2010, la ville de Paris, estimant que cette utilisation professionnelle d'un local d'habitation n'avait pas été régulièrement autorisée au regard des dispositions des articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation, a demandé au propriétaire de se mettre en conformité avec la loi soit en sollicitant un changement d'affectation pour la totalité du local en proposant une " compensation " du double de sa surface conforme aux dispositions du règlement municipal des 15, 16 et 17 décembre 2008, soit en demandant à son locataire, la SCM Mollet-Vieville Moret Vatel, de solliciter pour ses membres une autorisation personnelle d'occupation professionnelle qui pourrait être accordée sans compensation pour une surface de 250 m² et en complétant cette demande du locataire d'une demande du propriétaire de changement d'affectation avec compensation pour la surface restante de 84 m² ; qu'à la suite de ce courrier, la SCP E...et la SCP Moret Vatel, associés de la société civile de moyens, ont fait une demande d'usage professionnel du local pour des surfaces respectives de 65 m² et 80 m², demandes rejetées respectivement les 20 février 2012 et 25 avril 2012, alors que l'association dénommée " Association française d'arbitrage " sollicitait une autorisation d'usage pour 84 m², sans compensation, qui a été rejetée le 29 mai 2012 ; que ces trois décisions de rejet ont été déférées par les demandeurs respectifs et la SCI JNS8, propriétaire, au tribunal administratif de Paris qui a rejeté les demandes d'annulation par les trois jugements du 28 novembre 2013 dont il est fait appel ;

2. Considérant que les trois requêtes susvisées sont relatives aux mêmes locaux et ont fait l'objet d'une instruction commune; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;

Sur le désistement de la SCP Moret Vatel :

3. Considérant que, par un mémoire enregistré le 21 octobre 2015, la SCP Moret Vatel a déclaré se désister de la requête d'appel n° 14PA00489 qu'elle a introduite conjointement avec la SCI JNS8 ; que ce désistement est pur et simple ; qu'il a lieu d'en donner acte en ce qui concerne la SCP Moret Vatel ;

Sur les moyens communs aux trois requêtes :

4. Considérant que selon les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version issue de l'ordonnance du 8 juin 2005 qui modifie le régime existant depuis la loi du 1er septembre 1948, le changement d'usage des locaux affectés à l'habitation est, dans les communes de plus de 200 000 habitants, soumis à autorisation préalable ; que l'article L. 631-7-1 dispose que " l'autorisation de changement d'usage est accordée à titre personnel " et " cesse de produire effet lorsqu'il est mis fin à titre définitif, pour quelque raison que ce soit, à l'exercice professionnel du bénéficiaire " ; que, toutefois, " lorsque l'autorisation est subordonnée à une compensation, le titre est attaché au local et non à la personne " ;

S'agissant du moyen tiré de ce que l'appartement est affecté à usage professionnel :

5. Considérant que l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation prévoit qu'un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970 ; que si les requérants soutiennent que l'appartement du 8 avenue Bertie Albrecht était affecté à un usage professionnel avant même sa prise à bail par la société civile de moyens le 15 juillet 1977, cette circonstance n'est pas démontrée par les pièces du dossier, l'appartement étant notamment répertorié comme à usage d'habitation lors de la révision foncière de 1970 ;

6. Considérant que si les requérantes font valoir que l'affectation professionnelle des locaux est acquise dès lors qu'elle a été autorisée avant la loi du loi du 23 décembre 1986 qui a modifié l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation pour indiquer " les dérogations et autorisations sont accordées à titre personnel ", il résulte des termes, de l'objet et de l'économie générale des dispositions de la loi du 1er septembre 1948, dont est issu l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, que les dérogations et autorisations de changement d'affectation étaient attachées à la personne et non au local avant même l'adoption des dispositions de la loi du 23 décembre 1986 ; qu'en outre, l'occupation professionnelle par des avocats de l'appartement de l'avenue Bertie Albrecht étant possible sans autorisation, avant l'entrée en vigueur de la loi du

23 décembre 1986, par application de l'article 39 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, aucune autorisation de changement d'usage n'a en l'espèce été accordée au propriétaire ou au locataire ;

7. Considérant, enfin, que l'article 57 de la loi du 23 décembre 1986 disposait : " Les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation ne sont pas applicables aux sociétés civiles professionnelles ni aux professionnels (...) exerçant en commun cette activité sous quelque forme que ce soit " ; que l'article 37 de la loi du 6 juillet 1989 qui a abrogé cet article a prévu " Les bénéficiaires des dispositions de l'article susvisé sont réputés, à la date de publication de la présente loi, titulaires à titre personnel, pour le local en cause, d'une autorisation d'usage professionnel, à la condition d'en faire la déclaration à la préfecture du lieu du local dans un délai de trois mois à compter de la même date " ; qu'il résulte des termes mêmes de ces textes que les professionnels qui ont fait la déclaration prévue par l'article 37 de la loi du 6 juillet 1989 ne peuvent prétendre qu'à une autorisation personnelle d'usage professionnel du local, sans que le changement d'affectation puisse être considéré comme attaché au local ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'appartement du 4ème étage de l'immeuble du 8 avenue Bertie Albrecht n'est pas un local affecté à l'habitation ou est devenu un local professionnel ;

S'agissant du moyen tiré de ce que la société civile de moyens est titulaire d'une autorisation personnelle d'occupation professionnelle de l'ensemble du local :

9. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 23 décembre 1986 qu'étaient dispensés d'autorisation les sociétés civiles professionnelles, notamment d'avocats, et les professionnels exerçant en commun leur activité selon une autre forme juridique ; que selon les termes de l'article 37 de la loi du 6 juillet 1989, ces personnes, c'est-à-dire soit les sociétés civiles professionnelles soit les professionnels eux-mêmes, sont réputées titulaires à titre personnel, pour le local en cause, d'une autorisation d'usage professionnel à la seule condition d'en faire la déclaration dans un délai déterminé ; qu'une société civile de moyens, qui n'a pas pour objet l'exercice en commun de la profession de ses membres, n'est pas une société civile professionnelle au sens de l'article 1er de la loi du 29 novembre 1966 ; qu'elle ne pouvait donc régulièrement prétendre à bénéficier de l'autorisation personnelle prévue par l'article 37 de la loi du 6 juillet 1989 ; qu'ainsi c'est à juste titre que le préfet de Paris a refusé d'enregistrer la déclaration que le gérant de la SCM Mollet-Vieville -A...- Fassi lui avait adressée le 6 septembre 1989 au nom de celle-ci, tout en accueillant les déclarations faites à titre personnel par Me D...

G..., Me E...A...et Me C...A...qui exerçaient en commun dans les locaux loués ; qu'ainsi les requérantes ne sont pas fondés à soutenir que la société civile de moyens actuellement dénommée E...Carré détient depuis 1989 une autorisation personnelle d'occupation à usage professionnel du local en litige ;

10. Considérant que les requérantes allèguent en outre que si la SCM avait eu conscience qu'elle n'était pas autorisée à utiliser professionnellement l'appartement de l'avenue Bertie Albrecht, elle aurait sollicité l'autorisation prévue à titre transitoire par l'article 29 de l'ordonnance du 8 juin 2005 au bénéfice des personnes ayant fait un usage continu et non contesté des lieux à des fins autres que l'habitation pendant au moins vingt ans ; qu'en tout état de cause, il est constant qu'elle n'a pas demandé, dans le délai prévu, qui expirait le 1er juillet 2006, à bénéficier de cette autorisation ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société civile de moyens E...Carré n'est pas titulaire d'une autorisation personnelle d'occupation professionnelle de l'ensemble du local du 8 avenue Bertie Albrecht ;

Sur les moyens propres aux décisions des 20 février 2012 et 25 avril 2012 (requêtes 14PA00487 et 14PA00489) :

12. Considérant que la décision du 20 février 2012, bien qu'adressée à Mme E... gérante de la SCI JNS8, doit être regardée comme rejetant la demande d'autorisation d'occupation de 65 m² du local déposée le 30 septembre 2011 par Mme E...agissant au nom de la

SCP E...associés ; que la décision du 25 avril 2012 rejette la demande de la SCP Moret Vatel d'affecter 80 m² du même local à sa propre activité professionnelle ; que les décisions adressées à des sociétés professionnelles d'avocats membres de la SCM et occupantes du local sont motivées par la circonstance que l'article 4 du règlement municipal des 15, 16 et 17 décembre 2008 ne leur permettait d'occuper sans compensation que 250 m² du local loué et qu'aucune compensation n'avait été proposée pour le reste du local ;

13. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 du règlement municipal des 15, 16 et 17 décembre 2008 : " L'autorisation visant au changement d'usage de locaux d'habitation peut être accordée sans compensation lorsqu'elle est demandée par une personne en vue d'y exercer une profession libérale (...) dans les cas suivants : (...) dans tous les quartiers à l'occasion du remplacement d'un professionnel régulièrement installé dans la limite de 250 m² " ;

14. Considérant qu'en application de ces dispositions, les personnes qui remplacent, dans l'appartement loué avenue Bertie Albrecht par la SCM actuellement dénommée E...Carré, les professionnels libéraux qui y étaient régulièrement installés en 1989 peuvent prétendre à l'autorisation d'occuper professionnellement les mêmes locaux, dans la limite d'une surface de 250 m² ; que toutefois, dans la mesure où le bail est détenu par la SCM pour l'ensemble des locaux, soit 334 m², sans qu'il soit justifié d'une quelconque division matérielle ou juridique entre les différents occupants, cette autorisation ne pouvait être accordée si le reste du local (84 m²) ne bénéficiait pas non plus d'une autorisation d'occupation professionnelle, soumise, en principe, à compensation par les articles 1 et 2 du même règlement ; qu'ainsi les SCP requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que la ville de Paris a rejeté leur demande en prenant en considération la situation de l'ensemble du local mis en commun entre les avocats dans le cadre de la société civile de moyens ;

15. Considérant, en second lieu, que selon l'article 3 du même règlement municipal, l'autorisation de changement d'usage de locaux d'habitation " peut être accordée sans compensation lorsqu'elle est demandée en vue d'y exercer une mission d'intérêt général " ; que les requérantes soutiennent que l'Association française d'arbitrage occupe 84 m² du local mis en commun entre les avocats et avait déposé le 2 mars 2012 une demande d'autorisation d'utiliser cette surface pour ses activités, qui sont d'intérêt général ;

16. Considérant, d'une part, que la demande de l'Association française d'arbitrage est postérieure au refus d'autorisation opposé le 20 février 2012 à la SCP E...et ne pouvait dès lors être prise en compte par cette décision ;

17. Considérant, d'autre part, qu'à supposer qu'une association non membre de la société civile de moyens locataire d'un appartement qui, comme dit précédemment, n'est ni juridiquement ni matériellement divisé, puisse demander un changement d'affectation pour une partie de ce local, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de Paris aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant dans les circonstances de l'espèce d'accorder à l'Association française d'arbitrage, association à but non lucratif ayant pour objet social de promouvoir en France et à l'étranger le choix de l'arbitrage pour la résolution des litiges, l'autorisation qu'elle sollicitait sans offrir de compensation en se prévalant des dispositions de l'article 3 précité du règlement municipal ;

18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par les jugements 1207591/7-1 et 1210737/7-1 du 28 novembre 2013, le tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes tendant à l'annulation des décisions des 20 février 2012 et 25 avril 2012 ;

Sur les moyens propres à la décision du 29 mai 2012 (requête 14PA00488) :

19. Considérant que la décision du 29 mai 2012 rejette la demande de changement d'usage de l'Association française d'arbitrage au motif que cette association ne remplit pas une mission de service public au sens des dispositions de l'article 3 du règlement municipal et qu'ainsi aucune autorisation ne pouvait lui être accordée sans compensation ;

20. Considérant que comme dit au point 17 ci-dessus, l'Association française d'arbitrage, fondée en 1957, est une association à but non lucratif dont l'objet est la promotion de l'arbitrage pour le règlement des différends ; qu'alors même que son objet répond à la volonté du législateur de développer les modes alternatifs de résolution des conflits et qu'elle est membre de la fédération des centres d'arbitrages dont elle aurait suscité la création, la maire de Paris a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, refuser de lui accorder l'autorisation dérogatoire prévue à l'article 3 du règlement municipal pour affecter sans compensation à ses activités 84 m² du local loué par la SCM alors dénommée Moret Vatel Carré E...à la SCI JNS8 ;

21. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Association française d'arbitrage et la société civile immobilière JNS8 ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement 1212335/7-1 du 28 novembre 2013, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 29 mai 2012 ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas partie dans les présentes instances, le versement de la somme que les requérantes demandent au titre des frais qu'elles ont exposés pour leurs requêtes ;

23. Considérant qu'il y a lieu en revanche, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge solidaire de la société civile immobilière JNS8, de la société civile professionnelle E...associés et de la société civile de moyens E...Carré une somme de 1 000 euros à verser à la ville de Paris au titre des frais qu'elle a exposés pour sa défense dans l'instance 14PA00487, à la charge solidaire de l'Association française d'arbitrage et de la société civile immobilière JNS8 une somme de 1 000 euros à verser à la ville de Paris au titre des frais qu'elle a exposés pour sa défense dans l'instance 14PA00488, et enfin à la charge solidaire de la société civile immobilière JNS8 et de la société civile professionnelle Moret Vatel une somme de

1 000 euros à verser à la ville de Paris au titre des frais qu'elle a exposés pour sa défense dans l'instance 14PA00489 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il est donné acte à la société civile professionnelle Moret Vatel de son désistement de la requête n° 14PA00489.

Article 2 : La requête n° 14PA00487, la requête n° 14PA00488 et la requête n° 14PA00489 en tant qu'elle est présentée par la société civile immobilière JNS8 sont rejetées.

Article 3 : La société civile immobilière JNS8, la société civile professionnelle E...associés et la société civile de moyens E...Carré verseront solidairement une somme de 1 000 euros à la ville de Paris au titre des frais exposés dans l'instance 14PA00487.

Article 4 : L'Association française d'arbitrage et la société civile immobilière JNS8 verseront solidairement une somme de 1 000 euros à la ville de Paris au titre des frais exposés dans l'instance 14PA00488.

Article 5 : La société civile immobilière JNS8 et la société civile professionnelle Moret Vatel verseront solidairement une somme de 1 000 euros à la ville de Paris au titre des frais exposés dans l'instance 14PA00489.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI JNS8, à la SCP E...associés, à la SCM E...Carré, à l'Association française d'arbitrage, à la SCP Moret Vatel et à la ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2015, à laquelle siégeaient :

Mme Pellissier, président de chambre,

Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

M. Gouès, premier conseiller.

Lu en audience publique le 31 décembre 2015,

L'assesseur le plus ancien,

A. MIELNIK-MEDDAHLe président rapporteur,

S. PELLISSIERLe greffier,

F. TROUYETLa République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°s 14PA00487, 14PA00488, 14PA00489


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00487...
Date de la décision : 31/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Sylvie PELLISSIER
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : SCP BERTRAND ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-12-31;14pa00487 ?
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