Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...épouse A...a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de confirmer que la portion de lagon où sont implantés un remblai de 700 m², un ponton de 89 m² et une rampe à bateaux de 125 m² à Punaauia font partie de la Terre Matatia qui lui appartient et d'enjoindre à la Polynésie française de cesser toute intervention abusive et poursuites judiciaires à son encontre.
Par un jugement n° 1200512 du 3 juillet 2013, le tribunal administratif de la Polynésie française a interprété cette demande comme dirigée contre les refus d'occupation du domaine public maritime opposés à Mme A...les 9 avril 2010 et 13 avril 2012 et l'a rejetée.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 novembre 2013, MmeA..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1200512 du 3 juillet 2013 du tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) d'annuler la décision de la Polynésie française rejetant sa demande de régularisation du ponton et de la descente de bateau et la menaçant d'exercer des poursuites à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement ne comporte pas la signature du magistrat judiciaire ayant été appelé pour compléter la juridiction ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en faisant primer la loi du
24 mars 1852 sur l'enregistrement des terres, sans prendre en compte le décret du
24 août 1887 qui permet la revendication et l'appropriation des terres " farii hau " ;
- le lagon au droit de la terre Matatia est sa propriété et c'est illégalement que l'administration lui refuse l'implantation du ponton et de la descente de bateau.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 avril 2014, la Polynésie française, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A...la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête de Mme A...est irrecevable dans la mesure où il revient au seul juge judiciaire de statuer sur les questions d'appréciation des titres de propriété ;
- seuls le président, le rapporteur, le greffier d'audience signent la minute de la décision, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- les titres revendiqués par Mme A...manquent totalement en fait ;
- en droit les terres d'apanage ne sont pas attachées à une personne mais seulement à une fonction ; compte tenu de l'intervention de la loi tahitienne du 28 mars 1866 consacrant l'application au royaume des Îles sous le vent des codes en vigueur en France métropolitaine, les lagons sont à cette date devenus partie intégrante du domaine public et ainsi ne pouvaient faire l'objet d'une revendication de propriété privée à la suite du décret du 24 août 1887.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- la délibération n° 2004-34 APF du 12 février 2004 portant composition et administration du domaine public en Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 17 décembre 2015 :
- le rapport de M. Gouès,
- et les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public ;
1. Considérant que MmeA..., sans contester l'interprétation donnée de sa requête par le tribunal administratif de la Polynésie française, conteste le rejet de sa demande en faisant valoir que la portion du lagon où sont implantés le remblai, le ponton et la rampe à bateaux qu'elle a réalisés sans autorisation lui appartient ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 747-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le magistrat assesseur n'est pas tenu de signer la minute de la décision du tribunal administratif ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait irrégulier en tant que sa minute serait dépourvue de la signature de ce magistrat doit être écarté ;
Au fond et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la Polynésie française :
4. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 46 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française : " Le domaine public maritime de la Polynésie française comprend, sous réserve des droits de l'Etat et des tiers, les rivages de la mer y compris les lais et relais de la mer, le sol et le sous-sol des eaux intérieures, en particulier les rades et les lagons, ainsi que le sol et le sous-sol des eaux territoriales " ; qu'aux termes de l'article 6. de la délibération du
12 février 2004 : " Nul ne peut sans autorisation préalable délivrée par l'autorité compétente, effectuer aucun remblaiement, travaux, extraction, installation et aménagement quelconque sur le domaine public, occuper une dépendance dudit domaine ou l'utiliser dans les limites excédant le droit d'usage qui appartient à tous " ;
5. Considérant que pour contester les refus d'occupation temporaire du domaine public maritime qui lui ont été opposés et demander que cessent les poursuites à son encontre, Mme A...se borne à soutenir qu'elle justifie de son droit de propriété sur le lagon où ont été édifiés les ouvrages litigieux ;
6. Considérant que si Mme A...fait valoir que postérieurement à la loi du
24 mars 1852 qui ne permettait pas l'appropriation des terres d'apanage ou " farii hau ", le décret du 24 août 1887 a permis de faire enregistrer comme propriété privée certaines de ces terres, elle ne conteste ni que les lagons étaient déjà entrés dans le domaine public maritime et donc insusceptibles d'appropriation privée depuis 1866 ni que son ancêtre supposé n'a revendiqué l'appropriation d'aucune terre d'apanage postérieurement à 1852 : qu'en revanche la Polynésie française fait valoir que l'ensemble des actes produits par Mme A... mentionnent que les terres dont elle a hérité sont " bordées par la mer ", ce qui exclut donc toute propriété sur le lagon ; que dans ces conditions Mme A...n'établit pas être propriétaire du lagon ni même ne fait état d'une contestation sérieuse qui ne pourrait être tranchée que par le juge judiciaire ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des motifs tirés des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A...demande au titre des frais qu'elle a exposés pour son recours au juge ; qu'en revanche il y a lieu de mettre à la charge de Mme A...la somme de 1 500 euros au titre des frais que la Polynésie française a exposés pour sa défense ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de MmeA... est rejetée.
Article 2 : Il est mis à la charge de Mme A...la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...A...et au Gouvernement de la Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2015, où siégeaient :
- Mme Pellissier, président de chambre,
- Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,
- M. Gouès, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 décembre 2015.
Le rapporteur,
S. GOUESLe président,
S. PELLISSIER
Le Greffier,
F. TROUYET
La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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