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03/12/2015 | FRANCE | N°14PA02971

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 03 décembre 2015, 14PA02971


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H...B...a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'État à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis résultant du comportement des autorités qui, en méconnaissance de l'article 40 du code de procédure pénale, se sont abstenues de saisir sans délai l'autorité judiciaire des informations qu'elles détenaient concernant le listing transmis à M. G...C...et au juge d'instruction Van Ruymbeke supposé provenir de la chambre de compensation Cl

earstream.

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Par un jugement n° 1001467/7-2 du 9 mai 2014, le tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H...B...a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'État à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis résultant du comportement des autorités qui, en méconnaissance de l'article 40 du code de procédure pénale, se sont abstenues de saisir sans délai l'autorité judiciaire des informations qu'elles détenaient concernant le listing transmis à M. G...C...et au juge d'instruction Van Ruymbeke supposé provenir de la chambre de compensation Clearstream.

.

Par un jugement n° 1001467/7-2 du 9 mai 2014, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 juillet 2014, M.B..., représenté par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001467/7-2 du 9 mai 2014 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 25 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les faux listings Clearstream ont été adressés en novembre 2003 au généralC..., alors conseiller du ministre de la défense, qui en a informé M.D..., directeur de cabinet de ce ministre ; que le ministre de la défense a également été informé à la fin de l'année 2003 ou au début de l'année 2004 ; qu'au mois de juillet 2004, le généralC..., le ministre de la défense, son directeur de cabinet ainsi que les services de la direction de la sécurité du territoire avaient connaissance du caractère falsifié du listing ; que le ministre des affaires étrangères, informé de l'existence des listings dès janvier 2004 par M. F...et devenu ensuite ministre de l'intérieur, s'est également abstenu, ainsi que ses services, de communiquer à l'autorité judiciaire les informations dont ils avaient connaissance dès le 31 mars 2004 après un entretien avec le général C...et au mois de juillet 2004 à la suite des vérifications opérées par la direction de la sécurité du territoire ; que le ministre de l'économie et des finances informé au plus tard au mois de juillet 2004 de l'existence des listings et lui-même mis en cause s'est également abstenu de saisir l'autorité judiciaire et de se constituer partie civile avant janvier 2006 ; que le Premier ministre et le Garde des sceaux se sont également abstenus d'une telle saisine alors qu'ils étaient informés dès le mois de juillet 2004 de l'existence des listings ; que le ministre de la justice n'a pas utilisé le pouvoir de conduite de l'action publique que lui confère l'article 30 du code de procédure pénale ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'incertitude dans laquelle se trouvaient le général C...puis les ministres de la défense et des affaires étrangères lorsqu'ils ont eu connaissance des listings les dispensait d'aviser le Procureur de la République sur le fondement des dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale ; qu'il n'appartient pas aux agents publics, fonctionnaires et autorités constituées de diligenter des enquêtes pour analyser dans le détail le déroulement des faits délictueux avant de les signaler au Procureur ;

- les circonstances que le listing ait été transmis le 13 juillet 2004 par le juge Van Ruymbeke au procureur de la République et que le 1er juillet 2004 la première plainte avec constitution de partie civile ait été déposée ne dispensaient pas les différentes autorités de mettre en oeuvre les dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale ; qu'alors même que les autorités gouvernementales et administratives avaient en mains depuis au moins le mois d'octobre 2004 l'ensemble des preuves attestant de la fausseté des listings, ce n'est que le 31 mai 2006 que le juge d'instruction a reçu un réquisitoire supplétif étendant le champ de son information judiciaire aux infractions de faux et usage de faux ;

- la circonstance que son nom figure sur le listing a porté atteinte à son honneur et à sa réputation ; il a dû démissionner du journal Le Monde.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2015, le Premier ministre conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Amat,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,

- et les observations de Me Herzog, avocat de M.B....

1. Considérant qu'aux termes de l'article 40 du code de procédure pénale : " Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient à toute autorité administrative informée dans l'exercice de ses fonctions de faits lui paraissant suffisamment établis et de nature à constituer un crime ou un délit d'en aviser sans délai le procureur de la République en lui transmettant tous les renseignements dont elle dispose ;

2. Considérant, en premier lieu, que M. B...soutient que le généralC..., la direction de la sécurité du territoire, la direction générale de la sécurité extérieure, le ministre de la défense et son directeur de cabinet, le ministre des affaires étrangères qui deviendra ministre de l'intérieur, le ministre de l'économie et des finances, le garde des sceaux et le Premier ministre auraient dû, au cours de l'année 2004, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 40 du code de procédure pénale, saisir le procureur de la République des extraits des faux listings de la chambre de compensation Clearstream dont ils avaient tous eu connaissance, puis des renseignements qu'ils avaient recueillis sur le caractère falsifié de ces documents ; que l'abstention de ces autorités et fonctionnaires constitue, selon le requérant, une faute de nature à engager la responsabilité de l'État ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des énonciations de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 14 septembre 2011, devenu définitif par l'effet du rejet du pourvoi en cassation formé à son encontre, que le généralC..., alors conseiller du ministre de la défense, a été destinataire des extraits des listings Clearstream entre les 1er et 23 novembre 2003 et en a avisé le directeur de cabinet de ce ministre qui lui a demandé de vérifier la vraisemblance des accusations de corruption et de blanchiment d'argent qu'ils impliquaient et qui concernaient notamment des agents du ministère de la défense ; qu'au début de l'année 2004, le ministre des affaires étrangères, après avoir été averti par le général C...de l'existence des listings, a demandé à celui-ci de le tenir informé de ses investigations tendant à s'assurer de la validité des informations qu'ils contenaient ; que le 5 juillet 2004, avant la parution de l'article du Point révélant l'existence de ces listings, le ministre de l'intérieur a chargé le directeur de la sécurité du territoire de vérifier le caractère authentique de ceux-ci et informé le Premier ministre, lequel a prévenu le ministre de l'économie et des finances dont le nom figurait sur ces documents ;

4. Considérant que si, comme le fait valoir le requérant, il n'appartient pas à l'administration de qualifier pénalement les faits délictueux dont elle a connaissance dans le cadre de l'exercice de ses missions, les dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale ne sauraient faire obstacle à ce qu'elle vérifie le caractère suffisamment établi de ces faits avant d'en informer l'autorité judiciaire ;

5. Considérant qu'il résulte des constatations de fait, revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée, mentionnées dans l'arrêt précité du 14 septembre 2011 de la Cour d'appel de Paris statuant sur l'action publique que les autorités administratives saisies des listings ont émis, dès l'origine, des doutes sur la fiabilité de ceux-ci ; que si ces doutes se sont renforcés en avril et à la

mi - juillet 2004, ils n'ont été confirmés qu'au mois d'octobre 2004 lorsque le général C...a reçu des autorités suisses l'information, recoupée avec celles obtenues par la direction de la sécurité du territoire, selon laquelle les extraits de listing avaient été falsifiés ; que, par ailleurs, il est constant que le juge Renaud Van Ruymbeke avait communiqué dès le 13 juillet 2004 au Parquet les extraits des mêmes listings, dont il avait été destinataire en mai, et que la première constitution de partie civile d'une des personnes mentionnées dans ces listings avait été enregistrée dès le 1er juillet 2004 ; qu'ainsi, lorsque au mois d'octobre 2004, le caractère falsifié des listings Clearstream a présenté un caractère suffisamment établi, l'autorité judiciaire avait déjà été saisie de l'existence de ces listings et procédait à une instruction les concernant ; que, dans ces circonstances, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait commis aucune erreur manifeste d'appréciation et, par conséquent, une faute de nature à engager sa responsabilité en s'abstenant de mettre en oeuvre les dispositions précitées de l'article 40 du code de procédure pénale pour saisir le procureur de la République tant de l'existence de listings qui étaient des faux que de ses soupçons concernant une éventuelle falsification ; que, par ailleurs, les modalités selon lesquelles le garde des sceaux a conduit l'action publique sont sans lien avec ses obligations au titre de l'article 40 du code de procédure pénale ; qu'enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la circonstance que le juge d'instruction n'a reçu que le 31 mai 2006 un réquisitoire supplétif pour étendre le champ de son information judiciaire aux infractions de faux et usage de faux présente un quelconque lien avec la méconnaissance alléguée par les autorités publiques de l'obligation prévue par les dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale ;

6. Considérant, en second lieu, et en tout état de cause, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les préjudices invoqués par M. B...présentent un lien direct et certain avec les fautes qu'il impute aux autorités administratives et gouvernementales ; que, notamment, l'atteinte à l'honneur et à sa réputation du fait de la mention de son nom sur les faux listings Clearstream ne résulte que des faits de faux, usage de faux et dénonciation calomnieuse pour lesquels MM. A...et F...ont été condamnés à l'indemniser par le juge judiciaire ; que, par ailleurs, s'il soutient qu'il a dû démissionner du journal Le Monde, il n'établit pas de lien de causalité entre cette circonstance et son inscription sur les faux listings Clearstream ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que doivent être également rejetées par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... B...et au Premier ministre.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- Mme Terrasse, président assesseur,

- Mme Amat, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 décembre 2015.

Le rapporteur,

N. AMATLa présidente,

S. PELLISSIER

Le greffier,

E. CLEMENTLa République mande et ordonne au Premier ministre en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA02971


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02971
Date de la décision : 03/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Nathalie AMAT
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : LYSIAS PARTNERS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-12-03;14pa02971 ?
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