Vu la requête, enregistrée le 6 mars 2014, présentée pour la commune de Thiais, représentée par son maire, par SCP Sur et Mauvenu associés ;
La commune de Thiais demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1101981/6 du 29 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du maire de Thiais du 8 novembre 2010 prononçant un sursis à statuer sur la demande de permis de construire présentée par la société Akerys promotion en vue de l'édification de deux bâtiments créant 30 logements collectifs au total, ensemble le rejet du recours gracieux dirigé contre cet arrêté, et a enjoint au maire de statuer sur la demande de permis de construire ;
2°) à titre principal de prononcer un non-lieu à statuer, et à titre subsidiaire de rejeter la demande de la société Akerys promotion ;
3°) de mettre à la charge cette société le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- il n'est pas régulièrement signé ;
- le tribunal a omis de soulever un moyen d'ordre public tiré du défaut de notification à la commune du recours contentieux exercé par la société Akerys promotion contre l'arrêté prononçant le sursis ;
- les visas du jugement ne comportent pas l'analyse des moyens développés par la commune devant le tribunal dans sa note en délibéré ;
S'agissant du bien-fondé :
- le sursis n'étant plus valide quand le tribunal s'est prononcé, le tribunal ne pouvait faire droit aux conclusions de la société alors que la décision avait disparu et il aurait donc dû prononcer un non-lieu à statuer ;
- l'arrêté attaqué est suffisamment motivé, notamment en mentionnant l'ensemble du territoire communal pour le plan local d'urbanisme (PLU) en cours d'élaboration, dans les circonstances de l'espèce ;
- l'élaboration du PLU était suffisamment avancée dès lors que les orientations du plan d'aménagement et de développement durable (PADD) étaient connues ;
- le projet est directement concerné par plusieurs orientations du PADD ; il prend place dans un secteur où les projets de logement seront spécifiquement règlementés pour parvenir à des objectifs définis ;
- la décision de sursis pouvait être motivée par le programme local de l'habitat (PLH) dont la valeur normative est supérieure à celle du PLU ;
S'agissant de l'injonction :
- en l'absence de confirmation de la demande de permis l'annulation de l'arrêté de n'impliquait pas que le maire statue sur la demande ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance du 15 octobre 2014 fixant la clôture d'instruction au 1er décembre 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu les pièces dont il résulte que la requête a été communiquée à la société Akerys promotion, qui n'a pas présenté de mémoire en défense ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 novembre 2015 :
- le rapport de Mme Terrasse, président,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,
- et les observations de Me Carrière, avocat de la commune de Thiais,
1. Considérant que la société Akerys promotion a déposé le 29 octobre 2010 une demande de permis de construire en vue de l'édification de deux bâtiments R+3 destinés à accueillir au total 30 logements collectifs sur un terrain situé 110/112 avenue Maréchal de Lattre de Tassigny à Thiais ; que par un arrêté du 8 novembre 2010, le maire de Thiais a prononcé un sursis à statuer sur cette demande, à l'encontre duquel la société Akerys promotion a formé, le 6 janvier 2011, un recours gracieux implicitement rejeté ; que la commune de Thiais relève appel du jugement du
29 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du
8 novembre 2010 et la décision rejetant le recours gracieux, lui a enjoint de statuer sur la demande de permis de construire et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme : " (...) A compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 111-8, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan " ; qu'en vertu de l'article L. 123-1 du même code, les plans locaux d'urbanisme " comportent un projet d'aménagement et de développement durable qui définit les orientations générales d'aménagement et d'urbanisme retenues pour l'ensemble de la commune " ; qu'enfin aux termes de l'article L. 111-8 du même code : " Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans (...) " ;
Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer :
3. Considérant que la commune soutient que la durée de validité de la décision de sursis à statuer étant expirée à la date du jugement du tribunal administratif, il n'y avait plus lieu de statuer sur la légalité de cette décision ; que, toutefois, dès lors que le sursis à statuer avait produit des effets et qu'aucun permis de construire valant retrait de la décision attaquée n'avait été délivré pour le projet considéré, la demande de la société Akerys promotion devant le tribunal administratif de Melun n'était pas devenue sans objet ; que, par suite la commune de Thiais n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas constaté de non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation ni à demander à la cour de prononcer un non-lieu à statuer ;
Sur les autres moyens relatifs à la régularité du jugement attaqué :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. " ; qu'il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué, qui figure au dossier de première instance, que ce dernier a été signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ; que par suite, le moyen tiré de ce que le jugement contesté serait irrégulier en ce qu'il ne serait pas revêtu des signatures exigées par les dispositions précitées manque en fait et doit être écarté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que si la commune de Thiais soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, elle n'assortit cette allégation d'aucune précision de nature à permettre d'en apprécier le bien-fondé ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : "En cas de (...) recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, (...) l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation (...) L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif " ; que les décisions de sursis à statuer prises à la suite d'une demande de permis de construire ne sont pas au nombre des décisions valant autorisation d'occupation des sols visées par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; que, dès lors, la société Akerys promotion n'était pas tenue de notifier son recours à la commune de Thiais ; que le moyen tiré par la commune de ce que les premiers juges auraient à tort omis de soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande présentée par la société devant le tribunal administratif de Melun faute de la lui avoir notifiée doit en conséquence être écarté ;
7. Considérant, enfin, que la commune de Thiais fait grief au jugement litigieux de ne pas mentionner le moyen tiré de l'existence d'un non-lieu à statuer qu'elle avait développé dans une note en délibéré ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article R. 613-3 du code de justice administrative : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction (...) " ; que lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance pour déterminer s'il y a lieu de rouvrir l'instruction afin de la soumettre au débat contradictoire et d'en tenir compte dans le jugement de l'affaire ; que, s'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ; que, s'il s'abstient de rouvrir l'instruction, le juge doit se borner à viser la production sans l'analyser et ne peut la prendre en compte sans entacher sa décision d'irrégularité ;
9. Considérant que comme il a été dit au point 3 ci-dessus, le moyen nouveau invoqué dans la note en délibéré, tiré de l'existence d'un non-lieu à statuer, était infondé ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif s'est abstenu de rouvrir l'instruction pour en tenir compte et s'est borné à viser la note en délibéré sans analyser les moyens qu'elle contenait ni y répondre ;
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'annulation de la décision de sursis à statuer du 8 novembre 2011 :
10. Considérant que pour annuler la décision litigieuse, les premiers juges ont retenu qu'elle était insuffisamment motivée en fait, entachée d'erreur de droit en tant qu'elle se fonde sur la mise en oeuvre du programme local de l'habitat et d'erreur d'appréciation en tant qu'elle se fonde sur les dispositions de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme ; que la commune conteste chacun de ces motifs ;
11. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté litigieux comporte comme unique motivation le fait que " l'ensemble de la commune est placé en périmètre d'étude nécessaire à l'élaboration du plan local d'urbanisme (PLU) et du programme local de l'habitat (PLH) " et que " le projet, par son implantation et sa vocation, est susceptible de compromettre ou rendre plus onéreuse la mise en oeuvre " de ces plans, sans autre précision ; qu'en se bornant ainsi à citer le texte de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme sans préciser celles des dispositions du plan d'urbanisme en préparation dont l'exécution serait rendue plus difficile par le projet de construction, le maire n'a pas satisfait à l'obligation qui lui est faite de motiver sa décision ;
12. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-7 du code de l'urbanisme : " Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus par les articles L. 111-9 et L. 111-10 du présent titre, ainsi que par les articles L. 123-6 (dernier alinéa), L. 311-2 et L. 313-2 (alinéa 2) du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement " ; que parmi les documents en cours d'élaboration ou opérations programmées pouvant ainsi justifier une décision de sursis à statuer ne figurent pas les programmes locaux de l'habitat prévus par les articles L. 302-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation ; qu'ainsi, alors même que le plan local d'urbanisme, visé, lui, par l'article L. 111-7 précité, doit être rendu compatible avec le programme local de l'habitat, le maire de Thiais ne pouvait légalement fonder sa décision opposant un sursis à statuer sur la mise en oeuvre d'un programme local de l'habitat en cours d'élaboration, quel que soit l'état d'avancement de ce programme ;
13. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la délibération prescrivant la mise en révision du plan d'occupation des sols en vue d'arrêter le nouveau plan local d'urbanisme est intervenue le 18 décembre 2008 mais que seule la partie diagnostic de ce plan avait été présentée au conseil municipal le 28 septembre 2010 avant la date d'intervention de la décision de sursis à statuer ; que si la commune invoque dans ses écritures les objectifs du projet d'aménagement et de développement durable (PADD), qui constitue l'un des éléments constitutifs du PLU, ce PADD n'a été présenté au conseil municipal et adopté que le 20 décembre 2010 soit postérieurement à la décision attaquée, en date du 8 novembre 2010, et aucune pièce du dossier ne permet d'établir qu'à cette date les orientations de ce projet auraient été suffisamment définies et traduites par des mesures précises et localisées de nature à justifier un sursis à statuer ; qu'au surplus il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet litigieux, soit la construction avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny de deux bâtiments pour un total de trente logements collectifs serait contradictoire avec les orientations 2 " façonner un cadre de vie harmonieux " et 3 " maintenir une dynamique de vie et d'habitat " de ce projet d'aménagement et de développement durable ; qu'ainsi le maire ne pouvait sans erreur d'appréciation estimer que le projet de construction était, en l'état d'avancement du plan d'urbanisme, de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Thiais n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le premiers juges ont, pour les trois motifs qu'ils ont retenus, annulé l'arrêté du 8 novembre 2010 ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux introduit contre ledit arrêté ;
En ce qui concerne l'injonction :
15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;
16. Considérant que l'annulation par le juge d'un refus de permis de construire ou d'une décision de sursis à statuer opposée à une demande de permis de construire implique nécessairement que l'administration se prononce à nouveau sur la demande dont elle se trouve ressaisie du fait de l'annulation de sa décision, sans qu'il y ait lieu pour le pétitionnaire de la renouveler ; que la société Akerys promotion ayant formulé des conclusions en ce sens, c'est à bon droit que le tribunal administratif a, en application des dispositions précitées de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, enjoint au maire de statuer définitivement sur la demande de permis de construire formulée par cette société dans le délai qu'il a fixé ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Thiais n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision opposant un sursis à statuer à la demande de permis de construire présentée par la société Akerys promotion et lui a fait injonction de statuer dans un délai déterminé sur cette demande ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Akerys promotion, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Thiais demande au titre des frais qu'elle a exposés ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Thiais est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Thiais et à la société Akerys promotion.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, président de chambre,
- Mme Terrasse, président assesseur,
- Mme Amat, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 3 décembre 2015.
Le rapporteur,
M. TERRASSELe président,
S. PELLISSIERLe greffier,
E. CLEMENT
La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA01082