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03/12/2015 | FRANCE | N°14PA00569

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 03 décembre 2015, 14PA00569


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Melun de condamner la commune de Couilly-Pont-aux-Dames à leur verser la somme de 399 000 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2012 et la capitalisation de ces intérêts à compter du 19 mai 2013, en réparation des préjudices qu'ils ont subis du fait de fautes commises par le maire ayant eu pour conséquence le retard dans la vente de leur propriété.

Par un jugement n° 1210866 du 27 novembre 2013, le tribunal admini

stratif de Melun a condamné la commune de Couilly-Pont-aux-Dames à verser à M. et M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Melun de condamner la commune de Couilly-Pont-aux-Dames à leur verser la somme de 399 000 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2012 et la capitalisation de ces intérêts à compter du 19 mai 2013, en réparation des préjudices qu'ils ont subis du fait de fautes commises par le maire ayant eu pour conséquence le retard dans la vente de leur propriété.

Par un jugement n° 1210866 du 27 novembre 2013, le tribunal administratif de Melun a condamné la commune de Couilly-Pont-aux-Dames à verser à M. et Mme C...la somme de 12 000 euros au titre du préjudice moral ainsi que les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 19 mai 2012 et la capitalisation de ces intérêts à compter du 19 mai 2013.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et des mémoires enregistrés les 7 février 2014, 14 mars 2014, 10 octobre 2015 et 13 novembre 2015, M. et MmeC..., représentés par Me Theobald, demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs conclusions :

1°) de réformer le jugement n° 1210866 du 27 novembre 2013 du tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci a limité à la somme de 12 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la commune de Couilly-Pont-aux-Dames ;

2°) de condamner la commune de Couilly-Pont-aux-Dames à leur verser en outre, au titre du préjudice financier, la somme de 107 514,04 euros, augmentée des intérêts à taux légal à compter du 19 mai 2012 et la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Couilly-Pont-aux-Dames le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les conclusions d'appel incident de la commune de Couilly Pont aux Dames sont irrecevables ; le tribunal n'a pas fait une appréciation exagérée de leur préjudice moral ;

- l'opposition de la commune à la division et au raccordement aux réseaux a retardé la vente de leur bien ; ils ont subi un préjudice financier de 59 496,61 euros correspondant au coût de la conclusion de la vente en réméré, ainsi qu'un préjudice de 47 976,11 euros du fait du surcoût du prêt conclu auprès du crédit municipal ;

- à titre subsidiaire, si l'on estime qu'ils n'auraient pu éviter la vente à réméré, le rachat du bien aurait cependant pu intervenir plus tôt ; leur préjudice financier est au moins égal à 46 971,59 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2014, la commune de Couilly-Pont-aux-Dames, représentée par la SCP Arents-Trennec, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser aux requérants une somme de 12 000 euros au titre du préjudice moral ;

3°) à ce que le versement de la somme de 4 500 euros soit mis à la charge de M. et Mme C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucun des moyens soulevés par M. et Mme C...n'est fondé ;

- c'est à tort que les premiers juges ont indemnisé les requérants de leur préjudice moral alors qu'il n'existe pas de lien de causalité entre ce préjudice et les fautes de la commune.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Amat,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,

- les observations de Me Theobald, avocat de M. et MmeC....

Une note en délibéré présentée pour M. et Mme C...a été enregistrée le 26 novembre 2015.

1. Considérant que M. et MmeC..., propriétaires à Couilly-Pont-aux-Dames d'un bien immobilier constitué d'une maison sur rue comportant un commerce et d'une maison en fond de parcelle, ont souhaité, en juin 2009, le diviser en trois lots afin d'en faciliter la vente ; que le maire de Couilly-Pont-aux-Dames a délivré le 24 novembre 2009 un certificat d'urbanisme indiquant que la maison sur jardin ne comportait aucune surface hors oeuvre nette, certificat qui a été annulé par le tribunal administratif de Melun le 17 juin 2010, puis s'est opposé, par deux décisions révélées par des courriers des 28 avril 2010 et 9 juin 2010 et également annulées par le tribunal administratif par un jugement du 17 février 2011, au raccordement de la maison sur cour aux réseaux d'eau et d'électricité ; que par le jugement attaqué du 27 novembre 2013, le tribunal administratif de Melun a estimé que les décisions fautives du maire avaient retardé la vente complète de la propriété, condamné la commune de Couilly-Pont-aux-Dames à verser à

M. et Mme C... une somme de 12 000 euros au titre du préjudice moral subi de ce fait mais rejeté leurs prétentions relatives à la réparation d'un préjudice financier ; que M. et Mme C...demandent la réformation de ce jugement en tant qu'il écarte leurs prétentions relatives à la réparation d'un préjudice financier alors que, par la voie d'un appel incident, la commune de Couilly-Pont-aux-Dames demande à la Cour de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a prononcé une condamnation à son encontre ;

Sur les conclusions d'appel principal :

2. Considérant que, dans le dernier état de leurs conclusions, M. et Mme C...soutiennent que la délivrance du certificat d'urbanisme illégal du 24 novembre 2009 ainsi que les décisions par lesquelles le maire a illégalement refusé le raccordement aux réseaux de leur parcelle a retardé la vente de leurs biens et notamment celle de la maison sur jardin (lot A) et du magasin

(lot C) pendant près de deux ans, ce qui, les privant de disponibilités financières, les a contraint à vendre à réméré le 5 août 2010 la maison qu'ils avaient acquise en 2006 à Aillant-sur-Tholon grâce à un crédit relais qu'ils n'ont pu rembourser à temps ; qu'ils soutiennent avoir subi de ce fait d'une part un préjudice financier de 59 496,61 euros correspondant au coût de la conclusion puis de la résolution de la vente en réméré, d'autre part un préjudice de 47 976,11 euros correspondant au surcoût du prêt qu'ils ont finalement dû souscrire auprès du crédit municipal ;

3. Considérant que pour soutenir que les décisions illégales du maire ont retardé la vente du commerce, conclue le 1er juin 2011 au prix de 62 000 euros, M. et Mme C...produisent deux courriers, en date des 17 septembre et 26 octobre 2010, par lesquels un acquéreur potentiel indique son intérêt pour cette acquisition puis déclare y renoncer du fait de l'absence de raccordement au réseau de distribution d'eau ; que cependant, en l'absence de signature de tout compromis de vente, de tels courriers sont insuffisants pour démontrer que la vente du commerce a été retardée par les décisions illégales du maire ;

4. Considérant, par contre, qu'un compromis de vente avait été conclu dès le

16 octobre 2009 pour la vente, au prix de 130 000 euros, de la maison sur jardin ; que cette vente devait intervenir avant le 1er mai 2010 ; qu'il résulte de l'instruction que les décisions illégales du maire ont eu pour effet de différer cette vente, qui n'est en définitive intervenue, au même prix et après la signature de deux autres compromis de vente que le 1er juillet 2011 ; qu'ainsi les décisions illégales du maire peuvent être regardées comme ayant retardé du 1er mai 2010 au 1er juillet 2011 le versement de la somme de 130 000 euros correspondant au prix de cette maison ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'à la date du 5 août 2010 à laquelle ils ont décidé de vendre à réméré leur maison d'Aillant-sur-Tholon pour rembourser l'organisme " crédit logement " de la dette contractée à son égard, M. et Mme C...devaient à celui-ci une somme totale de 267 000 euros ; qu'ils ne démontrent pas que si cette dette avait été réduite de 130 000 euros ils auraient bénéficié d'un mode de financement moins couteux de leur dette et qu'ainsi ils auraient échappé aux nombreux frais découlant de la conclusion de la vente à réméré de leur bien

d'Aillant-sur-Tholon, du paiement des loyers pendant un an et de l'exercice, en septembre 2011, de la faculté de rachat du réméré ; qu'il n'appartient pas à la Cour d'enquêter, comme ils le demandent, auprès du " crédit logement " ou d'autres organismes pour déterminer les solutions de financement auxquelles ils auraient pu recourir ; qu'ainsi, M. et Mme C...ne sont pas fondés, en l'absence de lien de causalité direct et certain entre les fautes commises et le préjudice invoqué, à solliciter la somme de 59 537,93 euros au titre des frais divers résultant de la vente à réméré qu'ils ont conclue ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que M. et Mme C...font valoir qu'ils ont dû, pour obtenir la résolution du réméré, souscrire en septembre 2011 un nouveau prêt d'un montant de 182 000 euros auprès du crédit municipal soit avec les intérêts une somme de 264 413,76 euros et que s'ils n'avaient pas eu à supporter le surcoût dû à la vente à réméré, les frais exposés auraient été inférieurs de 47 976,11 euros ; que, toutefois, et dans les circonstances rappelées aux points 3 à 5 il ne résulte pas de l'instruction que la conclusion du contrat de vente à réméré résulte directement des fautes commises par la commune ;

7. Considérant qu'à titre subsidiaire, M. et Mme C...font valoir qu'à supposer même qu'ils n'aient pu éviter la conclusion du réméré, ils auraient été en mesure, en l'absence de fautes de la commune, d'exercer dès le 1er novembre 2010 la faculté de rachat de ce réméré et auraient donc échappé au versement de dix mois de loyers et d'assurance, soit 11 879,74 euros, puis conclu un prêt pour un montant minoré, économisant 34 655,51 euros d'intérêts ; que ces calculs, fondés notamment sur l'hypothèse, non démontrée comme dit au point 2 ci-dessus, d'une vente du commerce dès octobre 2010, ne sont pas étayés par des éléments suffisants de nature à établir un lien entre l'indemnité demandée et les fautes alléguées ;

8. Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme C...n'ont décidé de diviser leur propriété qu'en 2009 postérieurement à la prorogation du terme - initialement fixé au 7 décembre 2008 - de leur crédit relais et après avoir tenté de vendre sans succès leur propriété en 2007 et 2008 ; que la vente de la maison sur rue est intervenue au prix de 245 000 euros en janvier 2010, celle du commerce le 1er juin 2011 au prix de 62 000 euros et celle de la maison sur jardin le 1er juillet 2011 au prix de 130 000 euros ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'à un moment quelconque des offres plus avantageuses leur auraient été faites et qu'il y aurait été fait obstacle par des fautes de la commune ; qu'ainsi, à supposer qu'ils aient maintenu cette demande en appel, ils ne sont pas fondés à solliciter la somme de 116 000 euros au titre de la diminution du prix de vente de leur bien ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction, que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leurs demandes tendant à l'indemnisation de leur préjudice financier ;

Sur les conclusions d'appel incident de la commune de Couilly Pont-aux-Dames :

10. Considérant que l'appel incident par lequel la commune de Couilly Pont-aux-Dames conteste le montant alloué par les premiers juges au titre du préjudice moral ne soulève par un litige distinct de celui par lequel les requérants concluent à la réformation du même jugement en tant qu'il a rejeté leurs prétentions au titre du préjudice financier causé par les mêmes décisions illégales du maire ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par M. et Mme C...doit être écartée ;

11. Considérant que la commune de Couilly Pont-aux-Dames soutient que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée à indemniser M. et Mme C...du préjudice moral résultant de la situation d'incertitude dans laquelle ils se sont trouvés alors que leurs difficultés financières ne sont dues selon elle qu'à leurs choix de gestion, et notamment celui d'acheter un bien en 2006 en souscrivant un prêt relais, et à la crise de l'immobilier ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que l'opposition fautive du maire révélée par le certificat d'urbanisme illégal du 24 novembre 2009 et les décisions refusant le raccordement des différents lots aux réseaux a engendré pendant un an et demi pour les époux C...des difficultés et des incertitudes quant à la possibilité de vendre leur bien en plusieurs lots ; qu'en outre M. et Mme C...font valoir que le maire, dénonçant leurs recours contentieux pourtant légitimes, a demandé en juin 2010 au conseil municipal de l'autoriser à introduire une action pénale contre eux et publié le résultat de cette délibération dans le journal municipal ; qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme C... ont ainsi subi, alors même qu'il n'est pas démontré que l'hospitalisation de Mme C... en juillet 2010 serait liée à ces mises en cause, un préjudice moral du fait des décisions illégales du maire ; que dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice moral en le fixant à 6 000 euros ; qu'ainsi la commune de

Couilly Pont-aux-Dames est seulement fondée à soutenir que le tribunal administratif a fait une appréciation excessive de ce chef de préjudice et à solliciter la réformation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée à verser à M. et Mme C...une somme excédant 6 000 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Couilly Pont-aux-Dames, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. et Mme C...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme C...le versement de la somme que la commune de Couilly Pont-aux-Dames demande sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que la commune de Couilly Pont-aux-Dames a été condamnée à verser à M. et Mme C...par l'article 1er du jugement du 27 novembre 2013 est ramenée à 6 000 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1210866 du 27 novembre 2013 du tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme B... C...et à la commune de Couilly Pont- aux- Dames.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- Mme Terrasse, président assesseur,

- Mme Amat, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 3 décembre 2015.

Le rapporteur,

N. AMATLa présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

E. CLEMENTLa République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA00569


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00569
Date de la décision : 03/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Nathalie AMAT
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : SCP ARENTS-TRENNEC

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-12-03;14pa00569 ?
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