La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/11/2015 | FRANCE | N°14PA00299

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 27 novembre 2015, 14PA00299


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Recloses a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner conjointement et solidairement l'Etat et la société SADE-compagnie générale de travaux d'hydraulique (CGTH) à lui verser la somme de 150 273,39 euros TTC assortie des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1104462 du 16 octobre 2013, le Tribunal administratif de Melun a :

- condamné l'Etat à verser à la commune de Recloses la somme de 117 039,23 euros HT assortie des int

érêts au taux légal à compter du 8 juin 2011 et de la capitalisation des intérêts à comp...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Recloses a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner conjointement et solidairement l'Etat et la société SADE-compagnie générale de travaux d'hydraulique (CGTH) à lui verser la somme de 150 273,39 euros TTC assortie des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1104462 du 16 octobre 2013, le Tribunal administratif de Melun a :

- condamné l'Etat à verser à la commune de Recloses la somme de 117 039,23 euros HT assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2011 et de la capitalisation des intérêts à compter du 8 juin 2012 ;

- mis les frais de l'expertise, d'un montant de 10 294,47 euros TTC, à la charge de l'Etat ;

- condamné la société SADE-CGTH à garantir l'Etat à hauteur de 30 % des condamnations prononcées à l'encontre de ce dernier ;

- condamné l'Etat à verser à la société SADE-CGTH une somme de 6 098,98 euros ;

- rejeté le surplus des conclusions présentées par les parties.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 20 janvier 2014, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Melun du 16 octobre 2013 en tant, d'une part, qu'il l'a condamné à verser une somme excédant 26 149,23 euros et, d'autre part, qu'il a limité son action en garantie dirigée contre la société SADE-CGTH à 30 % des condamnations prononcées à son encontre ;

2°) de condamner la société SADE-CGTH à garantir l'Etat à hauteur, au minimum, de

70 % des condamnations prononcées à l'encontre de ce dernier.

Le ministre soutient que :

- les travaux préconisés par l'expert, consistant à réaliser des tranchées drainantes d'une profondeur de 4 mètres sur une distance de 50 mètres apportent une plus-value à l'ouvrage tel qu'il était prévu au marché qui doit être supporté non par l'Etat, mais par le maître d'ouvrage ;

- compte tenu des missions qui ont été confiées par la commune de Recloses à la société SADE-CGTH, la part de responsabilité de cette dernière dans la survenance des désordres est au minimum égale à 70 %.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2014, la commune de Recloses, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Recloses soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2014, la société SADE-CGTH, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) à titre principal, de rejeter de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, d'une part, d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Melun du 16 octobre 2013 en tant, d'une part, qu'il l'a condamnée à garantir l'Etat à hauteur de 30 % des condamnations prononcées à l'encontre de ce dernier et, d'autre part, qu'il a fixé le montant de la condamnation à une somme excédant 26 149,23 euros et, d'autre part, de majorer à 7 290 euros HT le montant de la condamnation de l'Etat ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société SADE-CGTH soutient :

- que le recours du ministre est tardif ;

- que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée ;

- le décret n° 86-520 du 14 mars 1986 pris pour l'application de l'article 1er de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;

- le décret n° 93-1270 du 29 novembre 1993 portant application du I de l'article 18 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et les départements ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Boissy, rapporteur,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public ;

- les observations de Me Le port, pour la société SADE-CGTH.

1. Considérant qu'en vertu d'un marché passé selon la procédure d'appel d'offres sur performances, la commune de Recloses a confié à la société SADE-CGTH, le 22 janvier 2004, la conception et la construction d'une station d'épuration des eaux usées de type lit filtrant drainé ; que la maîtrise d'oeuvre du projet a été assurée par la direction départementale de l'équipement de Seine-et-Marne ; que la réception des travaux a été prononcée, avec réserves, le

17 novembre 2005 et les réserves ont été levées le 23 octobre 2006 ; qu'à compter de la fin de l'année 2007, la commune de Recloses a constaté un engorgement des puits d'infiltration et du canal de comptage de cette station d'épuration ainsi que l'apparition de mousses et d'algues en surface ; qu'à la suite des opérations d'expertise qui se sont déroulées, à la demande de la commune, entre novembre 2009 et novembre 2010, et après la remise du rapport de l'expert en décembre 2010, la commune de Recloses a recherché la responsabilité décennale de l'Etat et de la société SADE-CGTH et leur condamnation conjointe et solidaire à lui verser, au principal, la somme de 150 273,39 euros TTC en réparation des différents préjudices qu'elle avait subis en raison des désordres intervenus sur cette station d'épuration ; que, par un jugement du

16 octobre 2013, le Tribunal administratif de Melun a condamné l'Etat à verser à la commune de Recloses la somme, au principal, de 117 039,23 euros HT et mis à sa charge les frais de l'expertise, d'un montant de 10 294,47 euros TTC ; qu'il a par ailleurs condamné la société SADE-CGTH à garantir l'Etat à hauteur de 30 % des condamnations prononcées à l'encontre de ce dernier ; qu'enfin, il a condamné l'Etat à verser à la société SADE-CGTH une somme de

6 098,98 euros ; que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, par la voie de l'appel principal, et la société SADE-CGTH, par la voie de l'appel incident et provoqué, demandent la réformation de ce jugement en tant, d'une part, qu'il a fixé la réparation des préjudices subis par la commune de Recloses à un montant excédant 26 149,23 euros et, d'autre part, qu'il a fixé à 30 % la part de condamnation que devait garantir la société SADE-CGTH à l'Etat ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation et de condamnation :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée au recours du ministre :

2. Considérant que le présent litige, opposant notamment l'Etat à la commune de Recloses, est lié à l'activité de la direction départementale de l'équipement de Seine-et-Marne en sa qualité de maître d'oeuvre du marché en litige ; que, dès lors, en vertu des dispositions combinées de l'article 33 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 et des articles R. 431-10, R. 751-8, R. 811-2 et R. 811-10-1 du code de justice administrative, si la représentation de l'Etat est assurée en première instance par le préfet de Seine-et-Marne, l'expédition du jugement du tribunal administratif est en revanche notifiée au ministre dont relève l'administration intéressée à ce litige, en l'espèce le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, lequel dispose ensuite, pour interjeter appel, d'un délai franc de deux mois à compter du jour où ce jugement lui a été régulièrement notifié ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que le jugement attaqué a été successivement notifié au préfet de Seine-et-Marne le 21 octobre 2013 et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie le 19 novembre 2013 ; que le délai dont le ministre disposait pour faire appel expirait donc le 20 janvier 2014 à minuit ; que le recours présenté par le ministre a été enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par télécopie, le 20 janvier 2014 à 19 h 53, puis a été régularisé le 22 janvier suivant par la réception de l'original du recours ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient la société

SADE-CGTH, le recours du ministre n'est pas tardif ;

En ce qui concerne le montant des préjudices subis par la commune de Recloses :

4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport de l'expert, et ainsi que l'ont indiqué les premiers juges par des motifs qui ne sont au demeurant contestés par aucune des parties en appel, que les deux " puits " réalisés dans le but de permettre l'infiltration dans le sous-sol des effluents sortant de l'unité de traitement des eaux usées ont été engorgés, de manière chronique, en raison de l'insuffisante perméabilité du sous-sol qui devait naturellement servir d'exutoire aux effluents ; que ces désordres, qui ont affecté le fonctionnement de la station d'épuration et l'ont rendue impropre à sa destination, ont pour cause un vice de conception caractérisé par le recours à un dispositif d'infiltration reposant sur ces deux puits, dotés chacun d'un diamètre de 1,90 mètre et d'une profondeur de 5 mètres par terrain naturel, dont le dimensionnement, fondé sur une étude comportant une mesure erronée du coefficient d'infiltration, était inadapté à la perméabilité du terrain d'assiette de la station qui était en réalité bien inférieure à celle figurant dans cette étude ;

5. Considérant qu'il n'est pas contesté que la solution technique adaptée à la nature particulière du sous-sol, tendant à remédier aux désordres constatés dans le fonctionnement de la station d'épuration et à rendre l'ouvrage propre à sa destination, et qui a non seulement été recommandée par l'expert mais aussi reprise à son compte par la commune de Recloses dans ses écritures de première instance, consiste à créer deux lignes de tranchées drainantes de 50 mètres de longueur sur une profondeur de quatre mètres et correspond à la solution n° 4.2 figurant dans le document établi par la société SADE-CGTH, à la demande de l'expert, intitulé " note technique finale ", pour un montant chiffré à 96 600 euros HT ;

6. Considérant, dès lors, que si la construction de la station d'épuration n'avait été entachée d'aucun vice de conception, le coût de la solution technique, différente de celle prévue au marché, qui a été exposée au point 5, aurait été, en tout état de cause, supporté par la commune de Recloses ; que, par suite, le préjudice subi par la commune à ce titre correspond seulement aux frais qu'elle a engagés, en pure perte, pour la construction des deux " puits " et qui s'élèvent à 13 000 euros HT selon les mentions, non contestées, figurant au point n° 10 du document établi par la société SADE-CGTH intitulé " construction d'une usine de traitement facture interne - décompte final " ;

7. Considérant, en second lieu, que les premiers juges ont estimé que la commune de Recloses avait subi un préjudice, évalué à 9 874,23 euros HT, correspondant au montant des frais exposés par la commune pour la réalisation par la société Veolia de travaux provisoires de pompage des eaux dans les deux puisards et le transport sur une autre station d'épuration ainsi qu'un préjudice de 3 275 euros HT relatif à la réalisation par la société Neoprism d'investigations géotechniques ; qu'aucune des parties ne conteste, en cause d'appel, la réalité et l'évaluation de ces chefs de préjudices ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 que les préjudices dont la commune de Recloses est fondée à demander réparation s'élèvent à 26 149,23 euros HT ;

En ce qui concerne l'action en garantie exercée par l'Etat à l'encontre de la société

SADE-CGTH :

9. Considérant, en premier lieu, que les premiers juges, pour le règlement du litige opposant la commune de Recloses à l'Etat et la société SADE-CGTH sur le fondement de la garantie décennale ont écarté, pour des motifs qui ne sont pas contestés en appel, l'application du contrat liant la société SADE-CGTH à la commune ; que, dès lors, l'Etat ne peut pas utilement se fonder sur les clauses de ce contrat pour soutenir que le vice de conception décrit au point 4 provient de la défaillance de la société SADE-CGTH à assurer les missions qu'il lui avaient été contractuellement confiées par la commune de Recloses ;

10. Considérant, en second lieu, que, compte tenu de la mission confiée par la commune de Recloses à la direction départementale de l'équipement de Seine-et-Marne et eu égard à l'expérience et aux compétences de la société SADE-CGTH en la matière, les premiers juges n'ont pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que l'Etat était en l'espèce fondé à demander à être garanti par la société SADE-CGTH à concurrence de 30 % des sommes mises à sa charge ;

En ce qui concerne les frais exposés par la société Sade-CGTH, d'un montant de

8 712,84 euros HT, relatifs à l'étude de sols effectuée par la société Néoprism :

11. Considérant que, compte tenu de la part de responsabilité incombant à la société SADE-CGTH, mentionnée au point 10, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont condamné l'Etat à lui rembourser seulement la somme de

6 098,98 euros au titre de l'étude qu'elle a payée à la société Neoprism pour un montant de 8 712,84 euros ;

12. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges l'ont condamné à verser à la commune de Recloses une somme excédant 26 149,23 euros HT et à demander, dans cette mesure, la réformation de ce jugement ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la commune de Recloses au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas davantage lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du ministre la somme que demande la société SADE-CGTH au titre de ces mêmes frais ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné à verser à la commune de Recloses par

l'article 1er du jugement n° 1104462 du Tribunal administratif de Melun en date du

16 octobre 2013 est ramenée de 117 039,23 euros HT à 26 149,23 euros HT.

Article 2 : Le jugement n°1104462 du Tribunal administratif de Melun en date du

16 octobre 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, à la société SADE-compagnie générale de travaux d'hydraulique et à la commune de Recloses.

Délibéré après l'audience du 13 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Mosser, président de la formation de jugement,

- M. Boissy, premier conseiller,

- M. Cheylan premier conseiller.

Lu en audience publique le 27 novembre 2015.

Le rapporteur,

L. BOISSYLe président,

G. MOSSERLe greffier,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

N° 14PA00299 2


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award